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Bad Karma – John Hough

 

Bad Karma. 2001

Origine : États-Unis
Genre : Thriller fantastique
Réalisation : John Hough
Avec : Patsy Kensit, Patrick Muldoon, Amy Locane, Patrick Joseph Byrnes…

Tout le monde connaît Jack l’éventreur, et donc personne n’est sans savoir que celui-ci fit des dégâts à Londres à la fin du XIXe siècle. Par contre, tout le monde ignore que ce personnage de sinistre mémoire était accompagné d’une assistante, sa petite amie Agnès. Probablement personne ne l’aurait jamais su si un pompiste du XXe siècle finissant n’avait décidé un beau jour de torturer une jeune fille pour lui faire se souvenir de son identité passée, ledit pompiste étant lui-même une victime de Jack en quête de vengeance (d’où l’on peut conclure qu’il préférait pomper qu’être pompiste). Bref, en réveillant les souvenirs d’Agnès et en la laissant s’échapper, le zig a également remis sur les rails une tueuse qui, une chirurgie esthétique plus tard et sous le nom de Maureen Hatcher, n’a eu de cesse de se remettre à son ancien passe-temps tout en recherchant la réincarnation de Jack. Ce qu’elle a fini par trouver en la personne du Dr. Trey Campbel, le psychiatre de l’asile où elle a fini internée. Désireuse de reformer leur association qui s’était pourtant assez mal terminée, Maureen / Agnès tente vaille que vaille de le séduire, et va jusqu’à s’enfuir pour le rejoindre alors qu’il passe des congés bien mérités avec sa petite famille. Malheur à ceux qui se mettront sur son chemin !

Et c’est ainsi qu’après une admirable carrière ponctuée de quelques pépites (La Maison des damnés, Larry le dingue Mary la garce, Incubus, American Gothic…) John Hough vint s’échouer sur les côtes irlandaises pour tourner Bad Karma, sa dernière réalisation à ce jour, adaptée d’un roman de l’obscur mais prolifique Douglas Clegg. Il est vrai que depuis la fin des années 80, Hough ne faisait déjà plus grand chose. Mais son chant du cygne aurait tout de même pu être plus gratifiant que ce thriller surnaturellement dépourvu d’intérêt. Aussi morne que le ciel sous lequel il fut tourné (exception faite de quelques éclaircies accouchant de faux raccords), Bad Karma n’a vraiment rien pour lui, si ce n’est peut-être quelques noms, qui ajoutés à celui de Hough auraient pu contribuer à rassurer le chaland averti : Patsy Kensit en tête d’affiche, Mark Lester (Commando, Class 1984 et sa suite Class of 1999) à la production, Jacques Haitkin (Les Griffes de la nuit, La Revanche de Freddy, Hidden…) à la photographie, Harry Manfredini (quasiment tous les Vendredi 13, les House, M.A.L.) à la musique… Las. De tous ces gens accoutumés à la série B, pas un n’est capable de tirer son épingle du jeu. Quoique Manfredini reste fidèle à lui-même, c’est à dire qu’il continue de recycler jusqu’à plus soif son style des Vendredi 13, avec ce qu’il faut d’envolées stridentes aux moments opportuns, histoire de surligner grossièrement que le tueur est dans la place ou qu’il est en train de frapper. Procédé caricatural qui peut marcher ou du moins passer inaperçu lorsqu’il s’agit d’illustrer une série B revendiquée, mais qui devient immanquablement plombant dès lors qu’il est utilisé sur des images insipides au service d’un scénario ampoulé. Ce qui correspond bien à Bad Karma.

Pas une once d’humour ne vient égayer son intrigue d’une lourdeur peu commune… Essayant de rattacher le mystère de Jack l’éventreur à un cadre contemporain (comme l’avaient fait le malin C’était demain de Nicholas Meyer ou le crétin Retour de Jack l’éventreur avec David Hasselhoff), le scénario l’agrémente d’un ingrédient sorti de nulle part (la compagne-acolyte) lui-même immergé dans un thème fantastique passe-partout (la réincarnation) et assaisonne l’ensemble par des considérations psychologiques (la relation entre Agnes et son psychiatre, ce Jack qui s’ignore mais qui fait des rêves étranges). Avec tous ces éléments, l’intrigue peut paraître complexe, chose qu’elle n’est en fait pas, puisque rien de tout cela n’est vraiment creusé. Nous demeurons dans le superficiel, et en dépit de tous les sujets abordés, personne ne s’est donné la peine d’être imaginatif et donc intéressant. Peut-être le roman duquel le film est adapté allait un peu plus loin dans ces différents aspects… A voir ! Faute de savoir que faire de tout ce micmac narratif, Hough finit parfois par verser dans le brouillon, comme lors de cette introduction qui prétend amener tous les éléments de l’histoire en un sol bloc de quelques minutes, sans oublier au passage d’étaler nudité complaisante, plans sanglants et effroyables teintes bleues sursaturées (effet de mise en scène qui sera par la suite oublié) comme le ferait un slasher quelconque. Bad Karma aurait d’ailleurs très certainement gagné à se limiter à n’être que cela (il n’aurait du moins pas eu à faire semblant d’être intelligent), mais il s’oriente en fait vers un thriller fantastique qui, tout l’embrouillamini “Jack l’éventreur” mis à part, repose sur les frêles épaules d’une Patsy Kensit devant donner à son personnage de Maureen / Agnès des allures de meurtrière sulfureuse. Pour accéder jusqu’à son Jack, Agnès cherche à séduire hommes, femmes et enfants par ses charmes (très très sagement exposés en comparaison de l’introduction) ou par une gentillesse toute feinte, avant de se débarrasser d’eux. Ce qu’elle fait sans trop de mal compte tenu de l’inconsistance de ces personnages secondaires qui ne sont en fait que les victimes convenues par le cahier des charges.

A ce titre, elles auraient bel et bien pu convenir dans un simple slasher (d’autant que les meurtres sont parfois un peu gores), mais Bad Karma visant plus haut que ça, elles contribuent à décrédibiliser l’intrigue autant qu’à rendre du coup un peu surfaites les mimiques de Patsy Kensit, laquelle commet l’erreur de vouloir mettre un semblant de conviction dans son jeu, ce en quoi elle est bien la seule… D’où son décalage, les autres protagonistes étant au mieux transparents faute de personnage à jouer (y compris Patrick Muldoon, fade réincarnation de Jack l’éventreur avant tout préoccupée par la manière de concilier son zèle professionnel et sa vie de famille), au pire horriblement agaçants (Amy Locane, femme du précédent et adepte inconditionnelle de la grimace exagérée). John Hough essaie bien de faire passer des vessies pour des lanternes en ayant recours à quelques cadrages se voulant inquiétants, mais là encore l’effort paraît bien vain tant il n’y a en fait rien à se mettre sous la dent en dehors des quelques meurtres. Sans oublier qu’il se tire lui-même des balles dans le pied en usant on se sait trop pourquoi de plans paysagers où il ne se passe rien… Le vénérable réalisateur semble attendre ses acteurs comme il pourrait attendre le bus.

Que rajouter de plus ? Bad Karma est totalement dénué d’atmosphère, de tension, d’idée, de subtilité (bref de toutes les qualités qui auraient dû être de mise dans son optique de thriller fantastique) et ressemble à un téléfilm de commande pour cases nocturnes dont tout le monde se fout. Il ne ressemble en tous cas en rien à un film de John Hough, auquel on ne tiendra malgré tout pas rigueur. Disons qu’à la fin de sa carrière, son talent n’étant plus à prouver, il n’a rien cherché à prouver du tout…

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