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Portés disparus – Joseph Zito

Missing in Action. 1984.

Origine : États-Unis
Genre : Retour au Vietnam
Réalisation : Joseph Zito
Avec : Chuck Norris, M. Emmet Walsh, Lenore Kasdorf, James Hong, Ernie Ortega.

Ancien de la guerre du Vietnam, le Colonel James Braddock demeure hanté par son douloureux souvenir. Un matin, alors qu’il regarde la télévision, il tombe sur une déclaration du Général Tran, lequel déclare qu’il n’y a plus un seul prisonnier de guerre sur le sol vietnamien et que le temps imparti à la commission d’enquête américaine arrive à son terme. Après avoir longtemps décliné l’offre du sénateur Maxwell Porter de venir témoigner, il se décide enfin à faire le voyage, non sans arrières pensées.

Alors auteur de l’obscur Abduction en 1975, qui revenait de manière opportuniste et détournée sur l’affaire Patty Hearst, puis du slasher Rosemary’s Killer en 1981, Joseph Zito connaît un brusque regain d’activité en cette année 1984. Il a tout d’abord l’insigne honneur de clore la saga Vendredi 13 via un Chapitre final qui connaîtra finalement de nombreux appendices, avant que la Cannon ne lui offre l’opportunité de faire de Chuck Norris l’égal d’un Sylvester Stallone en lui confiant la réalisation de Portés disparus. Les États-Unis baignent alors en plein reaganisme et en bon petit soldat, Portés disparus se propose de faire écho à la puissance retrouvée du pays sur le plan international en transformant l’échec de la guerre du Vietnam en victoire. Si le traumatisme est toujours présent à des degrés divers à travers le cinéma américain (la difficile réinsertion des soldats dans RamboLa Blessure, etc) celui-ci ne revient plus de manière directe sur le conflit depuis Apocalypse Now. Un point de bascule s’effectue en 1983 avec Retour vers l’enfer, lequel propose un argument purement fictionnel – l’envoi de commandos au Vietnam afin de libérer des prisonniers oubliés – dans le but d’apporter une coloration plus héroïque à un conflit au souvenir douloureux. Que le réalisateur ne soit autre que Ted Kotcheff, réalisateur de Rambo, témoigne du changement drastique qui s’opère dans l’imaginaire hollywoodien. La Cannon et Joseph Zito lui emboîtent allègrement le pas, devançant de quelques mois la sortie de Rambo II au thème similaire.

James Braddock n’existerait pas sans John Rambo. Il en est en quelque sorte le pendant roux et pileux auquel il manque néanmoins une once d’humanité. A l’instar des doubles sortis de cosses extraterrestres dans L’Invasion des profanateurs de sépultures, James Braddock nous apparaît d’une froideur glaçante, comme hermétique au monde qui l’entoure. Chuck Norris l’interprète sans jamais desserrer les mâchoires, masquant des qualités d’acteur limitées derrière une volonté de marcher sur les traces d’un Clint Eastwood dont il héritera au pied levé du personnage d’Eddie Cusack dans Sale temps pour un flic. Sauf qu’avec ses allures de texan mal dégrossi, il ne dégage aucun charisme. Son James Braddock affronte le monde et les gens avec le même air renfrogné. A fusiller ses interlocuteurs du regard en toutes circonstances, et cela même lorsqu’il se trouve à la merci du camp adverse pieds et poings liés, il ressemble à ces petits caïds qui bombent le torse pour se donner de l’importance. Toujours dans le défi, jamais dans la discussion. En outre, ne comptez pas sur lui pour douter ou s’apitoyer sur son sort. Ses nuits mouvementées hantées par le souvenir de ces années au Vietnam ne sanctionnent aucune faiblesse de sa part mais servent de moteur à sa mission vengeresse. A sa manière rentre-dans-le-lard, il compense l’inaction du Sénateur Maxwell Porter en menant une guerre de l’ombre. Il y a un peu de James Bond en James Braddock (vous noterez la similarité des initiales) dans sa manière d’échapper à la vigilance de ses gardes-chiourmes pour quitter l’hôtel et se rendre chez le Général Tran lui demander des comptes. Au passage, il n’hésite pas à se servir d’Ann Fitzgerald, l’assistante du sénateur, la déshabillant de force afin que les soldats vietnamiens pensent qu’il va gentiment s’envoyer en l’air avec la demoiselle. Dans un élan de gentillesse, il consent à vraiment coucher avec elle. Seulement ne comptez pas sur lui pour qu’il esquisse un sourire. Il ne faudrait pas faire croire à madame que ça lui a plu.
James Braddock est avant tout un homme d’action auquel Chuck Norris doit prêter ses aptitudes de septuple champion du monde de karaté. Or les scènes de corps-à-corps se font assez rares, et lorsqu’elles ont lieu, s’éloignent de tout spectaculaire au profit d’une efficacité brute. Chuck Norris n’est pas un esthète et lorsqu’il daigne lever la jambe, ce n’est pas pour s’adonner à l’envolée lyrique. Le bourre-pif a plus souvent ses faveurs que le coup de pied circulaire. A ces scènes de combats à mains nues Joseph Zito préfère les longues séquences qui montrent James Braddock vider chargeur sur chargeur sur l’ennemi vietnamien. Cela donne chair à des scènes à la volonté iconique tellement marquée qu’elles virent au ridicule. En guise d’exemple, j’en extrairai deux : celle du souvenir/cauchemar où il saute sur ses ennemis en brandissant deux grenades dégoupillées, et celle où il émerge des flots armé d’une lourde mitrailleuse. Des instantanés de l’unique proposition du film, Chuck Norris en action. Or sur le plan de l’action, Portés disparus ne compte pas parmi les grandes réussites du genre. En dépit des nombreuses fusillades et autres explosions en tout genre, le film se traîne dans une sorte de torpeur que seules les brèves apparitions de M. Emmet Walsh, en vieux compagnon d’armes, parviennent à nous en extirper. En manque d’inspiration, Joseph Zito multiplie les fusillades filmées en champ-contrechamp qu’il étire à loisir, la faute à l’extrême maladresse des belligérants… sauf lorsqu’il s’agit de James Braddock, lequel fait mouche à chaque fois. Un systématisme pour le moins lassant et qui confine à la bêtise lorsque James Braddock arrose sans retenue le convoi vietnamien qui transporte les prisonniers américains. De la part d’un prétendu sauveur, cela fait mauvais genre. Mais Joseph Zito n’est pas à une énormité près. Tant que cela fait boum-badaboum, le contrat est rempli.

Après avoir longtemps joué des justiciers de faible envergure, Chuck Norris entame sa mue en héros de l’Amérique à la faveur de Portés disparus. Suivront Invasion USA du même Joseph Zito, où il bottera le cul d’envahisseurs soviétiques souillant le sol américain et Delta Force dans lequel il viendra en aide à de malheureux touristes pris en otages par des terroristes. Quant au Colonel James Braddock, il reviendra à deux reprises. Dès l’année suivante, encore fringant, dans Portés disparus 2 (un focus sur sa période de détention dans un camp vietcong) puis quatre ans plus tard dans Portés disparus 3 (le vétéran se découvre un fils) accompagnant le déclin de la Cannon.

Une réflexion sur “Portés disparus – Joseph Zito

  • J’ai vu pour la première fois, Portés disparus ou Missing in Action en anglais, et j’avoue que Chuck Norris dégage un magnétisme, dont je ne me doutais pas. C’est simple, on y croit à son personnage, on le sent puissant et déterminé, et si on lui a reproché d’être assez inexpressif c’est bien mal le juger, son regard, sa démarche, tout le rend charismatique à souhait.
    Dans une scène du film, un proxénète l’attrape au bras pour lui proposer de lui vendre des gamines, le regard que Braddock/ Chuck Norris lui a lancé était tel qu’il est prêt à mettre KO le mec, et je suis même sûr que ca aurait pas été pour de faux.
    Jusqu’à présent, je n’avais pas une grande estime de Chuck Norris, ce mec barbu loin de m’être antipathique comme un Seagal, m’apparaissait peu sérieux, et sa filmographie confirmait mon impression. Mais là, pour la première fois, j’ai été pris par le film, je voulais que Braddock libère les otages, et défonce ses viets sournois et cruels. C’est vrai Portés disparus fait pâle figure par rapport à un Rambo 2, mais Chuck Norris est le meilleur atout de ce film, c’est le plus grand effet spécial que pouvait s’offrir ce film.
    Je vais me lancer sur les suites de Portés disparus, je sais qu’elles ont l’air moins bien, mais du moment qu’il y a Chuck Norris, je ne vais pas bouder mon plaisir.

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