CinémaHorreur

Mortelle Saint Valentin – Jamie Blanks

Valentine. 2001.

Origine : États-Unis
Genre : A coeur perdu
Réalisation : Jamie Blanks
Avec : Denise Richards, David Boreanaz, Marley Shelton, Jessica Capshaw, Jessica Cauffiel, Katherine Heigl.

En cette année 1988, lors du bal organisé pour la Saint Valentin au collège Robert Kennedy de San Francisco, Jeremy Melton essuie déconvenue sur déconvenue. Non seulement toutes les filles l’éconduisent, mais en plus la majorité le rejette de manière insultante et humiliante. Et lorsqu’il pense avoir trouvé du réconfort auprès de Dorothy, celle-ci se retourne vite contre lui après que quatre camarades les aient surpris en train de se bécoter. Pire, elle l’accuse de l’avoir forcée à l’embrasser, ce qui lui vaut d’être copieusement rossé au milieu de la foule. 13 ans plus tard, cette mésaventure semble bien loin. Dorothy, comme ses amies Paige, Kate et Lily, cherchent désespérément un valentin à l’approche de la fête des amoureux. Une recherche soudain troublée par le meurtre de Shelley, une ancienne camarade de classe, et la réception par chacune d’entre elles d’une carte de Saint Valentin macabre signée : J.M. La police, par l’intermédiaire de l’inspecteur Leon Vaughn, prend l’affaire très au sérieux. Mais s’il multiplie les entrevues avec ces mademoiselles et qu’il pense avoir trouvé le suspect idéal, les meurtres se poursuivent. Ce qui n’empêche nullement la fête de Dorothy d’avoir lieu, mais celle-ci risque fort de finir dans le sang.

Sans pousser le bouchon jusqu’à parler d’un coup de maître, Urban Legend, le coup d’essai de Jamie Blanks, a parfaitement su remplir son office, et les caisses de ses producteurs. Le film a plu, comptant pour beaucoup parmi les meilleurs néo-slashers juste après Scream. En lecteurs assidus, vous savez que tel n’est pas notre cas. Quoiqu’il en soit, en grand amateur du genre, Jamie Blanks ne rechigne pas à poursuivre dans cette voie. Cependant, il évite soigneusement de réaliser l’inévitable suite de son succès, Urban Legend 2 : Coup de grâce, laquelle revient au compositeur John Ottman. Il en reprend juste l’une des comédiennes – Jessica Cauffiel – et s’aventure sur les terres de la quête du grand amour avec une intrigue qui tire son sel de la fameuse fête des amoureux, laquelle prend ses quartiers chaque 14 février. Du roman de Tom Savage dont est tirée l’adaptation, seuls quelques éléments épars subsistent : le choix de la fête, bien évidemment, et l’envoi de cartes et de cadeaux macabres comme autant de menaces envers leurs destinataires. Les amateurs de slashers n’ignorent pas que la Saint-Valentin a déjà servi par le passé de contexte à un jeu de massacre, en l’occurrence Meurtres à la Saint-Valentin (lequel aura droit à son remake en 2009, alors que les néo-slashers étaient passés de mode au profit des torture porn). Toutefois, le film de George Mihalka en inscrivait tout le decorum dans un contexte social très marqué, le milieu des mineurs de fond. Par la superficialité affichée de ses personnages, le film de Jamie Blanks joue plutôt la carte du slasher à mi-chemin entre Beverly Hills 90210, cette série qui venait de s’achever et qui 10 saisons durant avait passionné les adolescents du monde entier, et Sex and the City, la série phare de l’époque créée par le même homme, Darren Star. Et tout cela en mettant l’accent sur le glamour de ses actrices, Denise Richards au premier chef, véritable produit d’appel envers un public adolescent aux hormones en effervescence.

Révélée par Paul Verhoeven qui l’a placée au sommet de son triangle amoureux dans le subversif Starship Troopers, Denise Richards a immédiatement été réduite à son physique. Étudiante volage et intrigante issue d’une famille fortunée dans Sexcrimes de John McNaughton (1998), candidate à un concours de reines de beauté dans Belles à mourir de Michael Patrick Jann (1999), elle intègre ensuite le cercle – plus si fermée – des James Bond’s girls dans Le Monde ne suffit pas de Michael Apted (1999). Suivant cette logique, Mortelle Saint-Valentin nous la présente sous son jour le plus sexué. Même ses amies oscillent entre gêne et amusement lorsqu’à l’issue de l’enterrement de Shelley, Paige tombe la veste, dévoilant aux yeux du monde ses formes généreuses. Elle exerce ainsi une attraction très forte sur les hommes, dont l’inspecteur Vaughn qui dès le début n’a d’yeux que pour elle. Il sort même de sa fonction lorsqu’il lui impose un tête-à-tête dans un bureau du commissariat pour mieux lui faire des avances. Dans son esprit étriqué, elle ne peut qu’accéder à sa requête, ne voyant en elle qu’une bimbo incapable de refuser une bonne partie de jambes en l’air. Or le personnage qu’elle incarne n’est pas de ce bois-là. Elle aime le sexe sans pour autant se comporter en femme délurée qui saute sur tout ce qui bouge. Elle n’hésite pas au contraire à remettre à sa place l’impudent qui ne la jugerait que sur son physique. Il est à noter que le film se montre particulièrement chaste sur la représentation du sexe, tous les moments d’intimité étant empêchés (problème érectile ou trop grande vanité de l’homme) voire morts-nés (ne pas céder à la tentation pour ne pas risquer de souffrir par la suite sur le plan sentimental). En fait, la forte attraction que Paige exerce agit comme une malédiction. Elle n’attire que de gros lourds et s’épuise à devoir s’en dépêtrer. Ainsi partage t-elle avec ses amies la difficulté à trouver chaussure à son pied. Un vide que l’approche de la Saint Valentin rend encore plus béant. Car le fond de l’histoire tient à ça, si ce n’est trouver le grand amour, au moins dénicher un partenaire présentable et fréquentable. Le film se construit sur deux lignes de force qui tendent à s’annuler. Cette quête du prince charmant à tout prix tend à enfermer ces jeunes femmes dans une dynamique quelque peu conservatrice (elles n’en sont pas encore à parler de maternité mais pas loin) que contrebalance une approche plus frontale de la sexualité et de sa commercialisation via les sites de rencontres et autres sessions de speed-dating. Si la caractérisation de ces demoiselles (la gosse de riches, l’écervelée, la vamp et la fille bon chic bon genre) ne sort pas de l’ordinaire du slasher, au moins les dote t-elle d’un soupçon d’humanité totalement absent chez les personnages masculins. Ces derniers apparaissent tous comme des êtres suffisants, imbus d’eux-mêmes et un peu trop centrés sur leur pénis. Ce sont pour la plupart des dragueurs de bas étage ou des profiteurs, séduisant les plus crédules pour mieux les plumer. L’image du mâle en prend un sérieux coup, jusque dans la figure du tueur qui limite son entreprise revancharde aux seules femmes alors que des garçons avaient participé au lynchage. Toute victime qu’il ait pu être de jugements aussi arbitraires que mesquins (les canons de beauté auxquels il ne correspondait pas), il réagit sous le seul prisme de l’ego blessé, plaçant sa vengeance sous l’égide de cette même superficialité qu’il reproche à ses victimes tourmenteuses.

Au fond, ce tueur masqué est un personnage tragique. Comme bon nombre de ses condisciples, d’ailleurs. Souffre-douleur favori de ses camarades mis sur le compte d’une dentition peu esthétique, il traverse sa scolarité entre vexation et intimidation. Il est rejeté parce que aux yeux de ses pairs, il ne correspond pas à la norme souhaitée. Il n’est pas seul dans ce cas. Dorothy en pâtit également, mais pour d’autres raisons (elle est rondouillarde). Cela en dit long sur la méchanceté et la dureté des rapports en milieu scolaire. Ce trauma originel – auquel on peut relier celui de Dorothy, qui même si elle a su s’en détacher, en porte encore les stigmates – entre en résonnance avec notre époque où le harcèlement scolaire prend des proportions dramatiques à l’aune des réseaux sociaux. Pour tous ces éléments évoqués, Mortelle Saint Valentin demeure très actuel dans son propos. Sauf que le film se présente avant tout comme un slasher, et qu’il doit donc également séduire sur ce plan-là. Jamie Blanks connaît ses classiques, mais comme Urban Legend l’avait déjà démontré, cela ne suffit pas. Il n’y a pas une scène de meurtre qui ressort, que ce soit du point de vue de la mise en scène, du modus operandi du tueur ou de ses ressorts. Le premier meurtre dans les couloirs d’une morgue reste encore le plus soigné bien que sa conclusion sacrifie à une simplification hâtive qui laisse sur sa faim plutôt que laisser coi. Et si l’inventivité du tueur n’est pas forcément un gage de qualité, elle suggère au moins une notion divertissante, totalement absente ici. L’angelot tue, certes en changeant constamment d’arme du crime, mais sans éclats. Jamie Blanks pourrait alors mettre en avant sa brutalité, un certain sadisme, ce qui reviendrait à risquer de réduire son exploitation en salles. Résultat, au lieu d’être le clou du spectacle, chaque apparition du tueur devient un passage obligé rébarbatif qui doit, à mesure, nous rapprocher du dénouement. Dans ce cadre, l’identité du tueur, dans le sens de mettre un visage derrière le masque, importe peu. Et le film de se conclure sur une note faussement apaisée, exhalant un parfum de manipulation qui, paradoxalement, n’apporte aucun trouble. On reste sur des personnages fonctions dont la trajectoire ne dévie guère des attendus du genre. Seule la mise en avant de Denise Richards dans un rôle secondaire peut surpendre, bien qu’elle réponde à la volonté d’exploiter une image. A ses tenues savamment choisies pour leurs dimensions suggestives, s’ajoute une scène où elle danse au ralenti puis celle du jacuzzi qui permet de la dévoiler en maillot de bain. C’est toujours bon à prendre pour la campagne promotionnelle. Ce qui ajoute un brin de cynisme à un film pourtant narré d’un point de vue féminin.

Si cette Saint Valentin s’avère effectivement mortelle, c’est surtout par rapport à l’ennui qu’elle suscite. Manquant singulièrement de fantaisie, Jamie Blanks ne transcende jamais son banal récit. Il l’expose de manière trop sérieuse et sans aucun recul. Loin des velléités méta de certains de ses prédécesseurs, il aborde le genre avec la déférence de l’humble artisan. Mortelle Saint Valentin maintient donc le genre dans sa paresseuse et confortable médiocrité, se contentant de tisser des liens avec d’autres films (il partage de nombreuses similitudes avec Le Bal de l’horreur). A tel point que le côté soap prend le pas sur l’aspect slasher, allant jusqu’à donner au film ses moments les plus enthousiasmants. Ce qui en dit long sur l’échec patent du film.

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