CinémaHorreur

Incubus – John Hough

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Incubus. 1981

Origine : Canada 
Genre : Épouvante 
Réalisation : John Hough 
Avec : John Cassavetes, Kerrie Keane, John Ireland, Erin Noble…

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Dans le petit monde du cinéma d’horreur canadien, tous les chemins mènent à David Cronenberg. Quand ce ne sont pas les premiers producteurs du réalisateur de Chromosome 3 (Ivan Reitman, Pierre David, Claude Héroux etc…) qui tentent de garder la mainmise sur le cinéma horrifique local en lançant un nouveau poulain, ce sont les producteurs d’un film qui n’a rien à voir avec lui qui ne tarderont pas à rejoindre Cronenberg. Dans le cas qui nous concerne ici, Marc Boyman deviendra le producteur de La Mouche et de Faux-Semblants, tandis que John M. Eckert fera office de directeur de production sur Dead Zone. On peut aussi citer la directrice de casting Deirdre Bowen, qui sera de presque tous les Cronenberg à partir du même Dead Zone. Et pourtant, sur Incubus (à ne pas confondre avec le film de Leslie Stevens), adapté d’un roman écrit par un ancien scénariste de Corman, tous ces gens-là travaillaient déjà avec un réalisateur de talent : l’anglais John Hough, qui à force de ne pas avoir été considéré à sa juste valeur finit par s’égarer dans les téléfilms ou dans les direct-to-video. Dans le registre fantastique, Incubus est probablement son dernier film d’envergure.

Un couple est agressé près de la petite ville de Galen, en Nouvelle-Angleterre. L’homme meurt et la femme, violée jusqu’à destruction de l’utérus, survit péniblement, en état de choc, incapable de parler. Pour déterminer l’identité du violeur assassin, le flic Hank Walden (John Ireland) doit collaborer avec le médecin Sam Cordell (John Cassavetes). Mais les analyses sur la survivante ne décèlent pas de trace de sperme. A la seconde offensive du violeur, qui ne tarde pas, cette fois sans que la victime n’en réchappe, Cordell trouve bien du sperme… Sauf que celui-ci est rouge, ce qui laisse le médecin circonspect. Le peu de progrès de l’enquête et les meurtres qui ne cessent pas attirent la présence de Laura Kincaid (Kerrie Keane), journaliste. Dans le même temps, le petit ami de la fille de Cordell est en proie à d’étranges cauchemars dans lesquels une femme se fait torturer.

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Il faut bien dire ce qui est : ce scénario ne va pas chercher très loin. Il s’apparente déjà beaucoup aux slashers, genre alors en pleine bourre, en ceci qu’il ne consiste en gros qu’en une succession de morts violentes, et ce jusqu’à ce que Cordell, Walden et Kincaid aient retrouvé le tueur, ce qui se produira fatalement en fin de film. L’identité de cet abominable assassin ne fait pas grand mystère, puisque ce serait bien le diable si les cauchemars et le mal-être général du jeune Tim n’avaient rien à voir avec tous les meurtres / viols. Malgré tout, si ce n’est pour quelques ponctuelles baisses de tension et pour l’emploi de visions subjectives, Incubus ne fait pas énormément songer aux émules de Jason Voorhees. Déjà, en lieu et place de l’habituel couplet sur les effets néfastes d’une vie sexuelle dévergondée, Hough préfère opter pour une vision un peu plus profonde. Le tueur est aussi et surtout un violeur. Peu lui importe que sa victime survive ou non, après tout. Si elle meurt, c’est parce que le viol aura été trop brutal. Ainsi, les victimes ne sont pas désignées par leur comportement à sanctionner, mais par les coups de sang d’un tueur davantage dans la lignée des tordus à la Maniac. Là où les slashers s’attardent beaucoup sur les futures victimes, le film de John Hough ne s’en soucie pas plus que de raison. Elles ne sont de toute façon pas très intéressantes en elles-mêmes. Ce sont leur rencontres avec le tueur qui le sont, puisque c’est à travers elles que Hough définit son tueur, être bestial faisant écho à la vie sexuelle balbutiante de Tim (la peur de se montrer trop violent envers ses partenaires) aussi bien qu’à celle du docteur Cordell, véritable personnage principal du film. Car ce n’est pas un enquêteur comme un autre, et sa personnalité est très ambigüe : c’est quelqu’un de froid, d’inquiétant (Cassavetes a probablement été choisi en référence à son rôle dans Rosemary’s Baby) et qui cherche à préserver sa fille Jenny (Erin Noble) des hommes. Non pas par sens moral, mais parce que leur relation est fortement teintée d’inceste. Veuf, remarié à une femme de l’âge de sa fille, puis redevenu célibataire, il se montre réfractaire à la liaison de Jenny avec Tim, d’où peut-être les difficultés éprouvées par celui-ci à s’épanouir “légalement”, surtout que Jenny elle-même ne semble pas rejeter l’amour pervers de son père. Ce qui nous ramène aux fameux incubes, qui donnent le titre du film. Dans certaines explications psychanalytiques, le mythe de l’incube est utilisé pour représenter de façon onirique certaines pulsions sexuelles refoulées, comme par exemple les tentations incestueuses. Tim serait donc l’incube de Jenny, un rôle qu’il occupe bien malgré lui, motivé par sa grand-mère, qui est en fait une sorcière. Le triangle composé par Cordell, sa fille et Tim est très bien élaboré et donne une justification mythologique à un tueur qui cesse alors d’en être un au sens rationnel du terme, et qui se teinte de fantastique, entraînant avec lui le style de John Hough, assez noir. Il n’y a pas d’empathie avec les victimes, les viols et meurtres sont secs et brutaux, les femmes sont (sur)prises avec brutalité, parfois dans une atmosphère surréaliste. Ce qui nous vaut de très belles scènes, comme par exemple dans cette bibliothèque digne d’un château gothique, ou encore le meurtre particulièrement sordide d’une jeune fille dans les toilettes d’un cinéma (qui diffuse d’ailleurs un clip avec Bruce Dickinson, futur chanteur de Iron Maiden), ou même encore ce massacre d’une famille entière dans une ferme isolée… Pratiquement toutes les scènes violentes, en fait. Cette brutalité est avant tout imputable à la maîtrise de John Hough, qui un peu à l’instar de Tobe Hooper sur Massacre à la tronçonneuse parvient à donner l’impression d’assister à un film particulièrement barbare là où il se contente en fait de jouer la carte de la suggestion plutôt que celle de la démonstration. Tout repose sur la mise en scène, sur l’élaboration de l’atmosphère inquiétante et sur la richesse des personnages. Entre le Tim névrosé, sa grand-mère sinistre, le Cordell équivoque, sa fille trop candide, la ville à la Lovecraft, les meurtres stylisés et l’incursion dans un fantastique façon Rosemary’s Baby qui ne fait que s’intensifier, Incubus est un véritable film d’épouvante pour adultes. Tout de même, il faut bien admettre que la nature de l’incube, justifiée par les liens entre le trio Cordell, Jenny et Tim, ne s’explique pas trop dans le cas des victimes. A ce titre, si leur manque de caractérisation accentue la bestialité du démon (qui peut frapper n’importe qui, de la bibliothécaire revêche à la pouf délurée), elle constitue également une rupture avec le mythe que Hough est censé illustrer. Ainsi, l’incube est censé être une affaire essentiellement privée, il est censé jouer sur les tentations réprimées, et il n’est pas censé s’en prendre à des femmes n’ayant rien demandé et ne présentant aucune trace de troubles sexuels (au contraire, même, pour la première victime du film). C’est ce qui donne à Incubus cette vague apparence de slasher. L’histoire d’incube est dans un premier temps très vague, ne concernant que l’aspect psychologique des relations entre personnages, et sa concrétisation matérielle (les meurtres, les conclusions de l’enquête) ne s’impose que dans le dernier quart, alors que les principaux personnages doivent se faire face. Mais enfin bon, cela est loin d’être grave, tant John Hough se révèle excellent artisan, capable de transformer un scénario de slasher simpliste en superbe thriller fantastique.

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