CinémaThriller

F/X effet de choc – Robert Mandel

F/X. 1986.

Origine : États-Unis
Genre : Poker menteur
Réalisation : robert Mandel
Avec : Bryan Brown, Brian Dennehy, Cliff De Young, Diane Venora, Mason Adams, Martha Gehman, Jerry Orbach.

La petite entreprise de Roland Thunder, dit Rollie, ne connaît pas la crise. Éminent responsable en effets spéciaux, il reçoit des sollicitations de toutes parts, jusqu’aux plus inattendues. Se faisant passer pour un producteur de films, Martin Lipton l’approche au cours d’un tournage afin de lui soumettre un travail bien spécifique. En réalité employé par le département de la justice, il sollicite Rollie pour que celui-ci assure le faux assassinat d’un ponte de la mafia. En sa qualité de témoin majeur qu’il convient de garder vivant jusqu’au jour du procès, cette mascarade a pour but de soustraire Nicholas De Franco à la vindicte des autres mafieux. D’abord réticent pour des raisons morales, Rollie finit par accepter, finalement excité par le projet. Il en perd par la même occasion tout discernement, acceptant d’incarner lui-même le faux tueur alors qu’au départ, il devait se contenter d’un rôle de superviseur. Et si le jour choisi pour le faux meurtre, tout se déroule parfaitement, Rollie déchante aussitôt après être sorti du restaurant, ses commanditaires cherchant à l’éliminer. En fuite, il trouve refuge chez Ellen, sa petite amie, qui au petit matin se fait tuer à sa place. Dès lors, il n’aura plus qu’un but, retrouver les commanditaires et leur faire payer leur duplicité.

L’échec du Convoi de la peur de William Friedkin puis, et surtout, le gadin phénoménal – et totalement injuste – de La Porte du paradis de Michael Cimino, tous deux sortis respectivement l’un l’année de La Guerre des étoiles et l’autre de L’Empire contre-attaque, marquent le point de bascule entre le Nouvel Hollywood et le cinéma clinquant et tapageur des années 80. Pour résumer les choses grossièrement, le cinéma américain tend à moins de réflexion et à plus de spectacle. Mais comme j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer à maintes reprises, le cinéma américain des années 80 s’avére bien plus varié qu’on n’a bien voulu le faire croire. Parcouru de nombreuses tendances plus ou moins marquées, il enregistre durant cette décennie l’arrivée de bon nombre de réalisateurs en provenance d’Australie après que l’industrie cinématographique locale ait connu sa “nouvelle vague” à elle. Considérée comme la Mecque du cinéma, Hollywood a depuis tout temps attiré en son sein les plus grandes promesses internationales du 7e art, et continue encore aujourd’hui à susciter l’intérêt. Si les réalisateurs auront connu des fortunes diverses (à mes yeux, seul Peter Weir aura vraiment su tirer son épingle du jeu, mais pour combien de Simon Wincer, Fred Schepisi ou autre Richard Franklin ?), les actrices et acteurs s’en seront globalement mieux sortis. Dès les années 80, Mel Gibson devient une star mondiale, suivi les décennies suivantes par Nicole Kidman, Cate Blanchett, Hugh Jackman et encore tout récemment Margot Robie. Bryan Brown ne joue pas, et n’a jamais joué, dans cette catégorie. Repéré grâce à son rôle dans la mini-série Les Oiseaux se cachent pour mourir avec également Richard chamberlain, autre transfuge, il profite d’un petit budget pour accéder à un premier rôle dès sa première expérience américaine. Notons au passage qu’il est de l’improbable aventure Rendez-vous à Broad Street où il donne la réplique à Paul McCartney en personne, grand ordonnateur du projet. Avec F/X effet de choc, Bryan Brown navigue dans les eaux plus coutumières du thriller dont la singularité tient à la profession de son personnage principal : responsable des effets spéciaux.

Art de l’illusion par excellence, le cinéma a dès ses débuts eu recours à des trucages ouvrant à tous les possibles au fil de l’imagination et de la débrouillardise de certains protagonistes du milieu (Georges Méliès en guise de pionnier) et des diverses (r)évolutions technologiques connues par le secteur. Si certains spécialistes en effets spéciaux avaient déjà su se faire un nom par le passé (Willis O’Brien, Ray Harryhausen), les années 80 ont assisté à leur mise sur orbite. Rick Baker, Rob Bottin, Stan Winston, Tom Savini, Chris Walas, autant de spécialistes du domaine dont la seule présence au générique promet du jamais vu et/ou des scènes marquantes à jamais. Il en résulte alors une saine émulation qui va de pair avec des films à l’imagination débridée et aux idées de plus en plus folles. Leur prépondérance devient telle dans l’industrie cinématographique qu’un film tournant autour d’un représentant de ce corps de métier sonne comme une évidence. Première déception, hormis la scène en mode visite guidée de l’appartement-atelier de Rollie qui fait étalage de ses créations dans le domaine de l’horreur et du fantastique (non sans une certaine dose de condescendance dans l’inventaire des titres – inventés – de films sur lesquels il a oeuvré), rien de ce qu’il accomplira tout au long du récit ne sortira du lot d’un quelconque épisode de la série Mission : impossible. Postiches, utilisation d’explosifs, faux sang, Rollie n’aura guère le loisir d’élaborer de grandes mises en scène pour se sortir de la panade dans laquelle son ego l’a fourré. Car sa mésaventure, qui se solde tout de même par la mort de sa petite amie du moment, tient à son refus à ce qu’un autre grand nom du milieu des effets spéciaux fasse le travail que lui demande le ministère de la justice. Une attitude puérile puisque l’anonymat de la commande induit qu’il n’y a aucune retombée à espérer autre que celle, à titre personnel, d’avoir été adoubé par un service de l’état. Ce détail a au moins le mérite de jeter un voile d’opacité sur le génie des effets spéciaux… que le scénario s’ingénie à lever très vite. Pris dans l’engrenage d’une machination, il choisit l’action à la fuite, se muant en héros justicier basique, seul à même de mettre un terme à la supercherie. Il s’agit là de la seconde déception. Sa faculté à déjouer les pièges qu’on lui tend, à faire la nique aux forces de police et à triompher des méchants par la ruse le place à mi-chemin entre les agents de l’IMF et MacGyver. Il n’éprouve ainsi aucune difficulté à mener sa petite croisade personnelle, se permettant d’abandonner sans un regard Andy, sa fidèle assistante, qui n’avait pas hésité une seconde à s’impliquer dans cette affaire sans en connaître les tenants et les aboutissants dans le seul but de lui venir en aide. Son aisance dans l’action, qui repose aussi beaucoup sur l’effet de surprise et une certaine naiveté de l’adversité, rend rapidement caduque la violence latente de la répression liminaire. Une fois son “crime” accompli, Rollie devient l’homme à abattre et ses adversaires ne font pas dans le détail, agissant sans sommation, voire sans discernement (la petite amie). Leur empressement devient attentisme puis vire à la passivité à mesure que le film déroule son programme de divertissement tout public. L’aspect brutal et rentre-dedans de la première partie agit en trompe-l’oeil, à la manière de la première scène du film, l’attendu envers du décor du tournage d’une scène d’action.

Pour autant, F/X effet de choc ne développe aucune réflexion autour du cinéma et son côté miroir aux alouettes. Ni ne cherche à nous manipuler par l’image au-delà de ladite scène d’ouverture qui, découverte aujourd’hui, ne trompe personne tant le procédé est attendu compte tenu de la nature du héros. Robert Mandel n’est pas Brian DePalma, et ne cherche pas à l’être. A l’époque, il s’avère même plutôt flatté qu’un studio fasse appel à lui pour un film mêlant action et suspense alors que sa filmographie se limite à deux titres à la portée confidentielle même si l’un d’eux – Independence Day – avait obtenu les faveurs de Madame Cinéma, Pauline Kael en personne. En somme, il se contente de rendre une copie propre, prenant plaisir à cotoyer quelques techniciens de renom et ainsi s’enrichir professionnellement à leur contact. Finalement, le plus surprenant dans ce film tient à son côté buddy-movie avorté. A partir de l’intronisation du personnage du Lieutenant Léo McCarthy, le récit se scinde en deux histoires parallèles qui se rejoindront in fine lors d’un épilogue décontracté. L’enquête revêt moins d’importance que la trajectoire du Lieutenant, caricature de l’officier en butte avec sa hiérarchie, usé à force de devoir avaler des couleuvres mais au flair incomparable. Lui aussi mène croisade, sa dernière, quitte à oeuvrer dans l’illégalité. Son supérieur lui reprend sa plaque, il subtilise la sienne à son insu pour un dernier baroud d’honneur au parfum de défaite. En soi, le personnage ne revêt pas grand intérêt, si ce n’est meubler un scénario plutôt avare en péripéties. Brian Dennehy lui apporte un côté bourru mais réglo, un rouleau compresseur qui ne s’embarrasse guère des procédures et de tout semblant de savoir-vivre. Jusqu’à forcer un baiser avec une collègue efficace pour lui signifier sa gratitude éternelle, geste qui serait questionné en large et en travers aujourd’hui. A ce titre, F/X effet de choc est un film de mecs où les personnages féminins se retrouvent relégués au rang d’assistantes dévouées qu’on délaisse une fois qu’elles n’ont plus d’utilité. En outre, se délestant chacun progressivement de leurs obligations professionnelles, Rollie et Léo tendent à une forme d’anonymat doré, comme s’ils reprenaient à leur compte la protection promise au parrain de la pègre De Franco. Sur ce point, le film ne s’appesantit pas outre mesure sur la collusion entre la pègre et certains représentants d’organismes d’état. Cela répond surtout à une tendance d’un cinéma américain déjà très marqué par le sujet auquel le film de Robert Mandel se rattache de manière aussi légère qu’opportuniste.

Thriller plutôt paresseux, F/X effet de choc ne semble jamais trop savoir sur quel pied danser entre sérieux et désinvolture. A l’image de son héros, en somme, petit génie qui cumule les casquettes (expert en maquillage, génie de l’animatronique et artificier de compétition). A en faire blêmir les gens du métier. Le film suit donc sa petite musique convenue sans trop dévier de sa ligne et aurait sombré dans l’oubli sans un marché de la vidéocassette florissant. Convaincus de la popularité de ce duo contrarié, les producteurs Dodi Fayed et Jack Wiener remettront la main à la poche pour une suite tardive, judicieusement nommée F/X 2, effets très spéciaux.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.