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La Maison des damnés – John Hough

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The Legend of Hill House. 1973

Origine : Royaume-Uni 
Genre : Épouvante 
Réalisation : John Hough 
Avec : Roddy McDowall, Pamela Franklin, Clive Revill, Gayle Hunnicutt…

Un petit résumé du monde des maisons hantées s’impose. Commençons par le commencement : en 1959 paraît le livre The Haunting of Hill House (Maison hantée en VF) de Shirley Jackson, adapté deux fois au cinéma : la première en 1963 sous le titre The Haunting (La Maison du diable) et la seconde sous la même appelation VO de The Haunting qui est devenue Hantise en français. Entre la publication du livre de Shirley Jackson et sa première adaptation à l’écran, le bon vieux William Castle, producteur et réalisateur roublard, eut l’idée de tourner son propre film, n’entretenant aucun rapport avec Hill House. Pourtant, le titre est trompeur : House on the haunted hill (La Nuit de tous les mystères par chez nous). Bon. Le film de Castle eut droit à un remake au titre original identique (et qui se nomma ici bas La Maison de l’horreur), remake qui connut une séquelle en 2007 sous le titre Return to House on Haunted Hill (qui est aussi le titre français, du moins pour le moment). Enfin, en 1971, le grand écrivain Richard Matheson y alla de sa propre histoire de maison hantée, resucée talentueuse de The Haunting of Hill House appelée Hell House (La Maison des damnés) ! La seule adaptation en est The Legend of Hell House (redevenue La Maison des damnés en français, comme le livre) et qui à ce jour n’a pas de séquelle. Entre les Hill House, les House on Haunted Hill et les Hell House, il y a de quoi en perdre son latin, encore que pour le coup les proximités des titres soient plus des habitudes italiennes qu’anglo-saxonnes. La morale de cette histoire est que les maisons hantées situées sur des collines risquent fort de vous faire vivre l’enfer, et qu’il convient donc de ne pas y séjourner. En revanche, les films s’y rapportant sont chaudement recommandés puisque, le nullissime Hantise mis à part, tous ces films voisins constituent des œuvres dignes d’intérêt, allant du bon (La Maison de l’horreur) au génial (La Maison du diable) en passant par le rigolo (La Nuit de tous les mystères) et par l’excellent, à savoir La Maison des damnés qui nous concerne ici.

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L’adaptation de Richard Matheson se trouve transportée en Angleterre, où sous les bons offices du trop méconnu John Hough, Matheson rédige lui-même le scénario. Nous avons donc là le choc des cultures gothiques : l’anglaise représentée par John Hough, passé par la case Hammer avec les très bons Sévices de Dracula, et l’américaine avec Richard Matheson, fidèle scénariste de Roger Corman pour plusieurs des films de son cycle Edgar Poe. Une filiation avec Roger Corman entretenue par le producteur James H. Nicholson, historique co-propriétaire de la mythique American International Pictures (productrice du cycle Poe) parti vivre une aventure solitaire en 1972. En raison de sa mort, l’expérience de Nicholson n’allait accoucher que de deux rejetons : La Maison des damnés et Larry le dingue, Mary la garce (lui aussi très bon, et lui aussi réalisé par John Hough), que Nicholson n’aurait même pas le temps de voir sortir dans les salles. Profitons de l’occasion pour rendre hommage à ce pionner de la série B américaine.

Mais revenons à La Maison des damnés, au sujet de départ pratiquement repris à la Maison hantée de Shirley Jackson : un groupe de scientifique est envoyé par un vieillard plein aux as dans “l’Everest des maisons hantées” pour y étudier les phénomènes paranormaux et établir si oui ou non il y a une vie après la mort. Quatre personnes se retrouvent ainsi à visiter le manoir Belasco de sinistre mémoire, puisque les deux précédentes expéditions se sont soldées par la mort ou la folie de leurs participants. Il y a d’abord le physicien Lionel Barrett (Clive Revill) et sa femme Ann (Gayle Hunnicutt). Barrett est persuadé que les soi-disant esprits hantant le manoir Belasco ne sont que des restes d’énergies négatives, emmagasinés et développés après les divers drames jalonnant l’histoire de ce château dont le propriétaire Emeric Belasco (dit “le géant rugissant”) était un extrémiste adepte des écrits du Marquis de Sade. Les deux autres participants croient eux au surnaturel : ce sont deux médiums. Le premier d’entre eux est une frêle jeune femme nommée Florence Tanner (Pamela Franklin), une médium mentale, c’est à dire uniquement capable de percevoir spirituellement les traces de l’au-delà. Le deuxième est Ben Fischer (Roddy McDowall), un médium physique capable de faire apparaître des manifestations surnaturelles, et accessoirement le seul survivant de la dernière expédition faite au manoir Belasco…

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La première qualité de La Maison des damnés est d’être un film de maison hantée pur et dur, sans fioritures paraboliques. La maison hantée et ses manifestations sont le sujet central et forment un personnage à part entière, opposé à des gens cherchant d’entrée de jeu à défier le manoir. Ce type d’opposition directe est mine de rien assez rare dans ce sous-genre s’égarant bien trop souvent dans des longues expositions, dans des plombantes métaphores sociologiques, ou dans des hésitations sur la marche à suivre (psychologie ou foire au fantômes ? tuerie ou chute psychologique ?). Il n’y a certes rien de répréhensible dans ces divers choix, mais toujours est il que le sujet même de la maison hantée s’en trouve bien souvent galvaudé. Ici, rien de tel, et les choses sérieuses commencent dès le générique, qui impose à lui seul tout le style du film : calme et inquiétant. La vision figée de ce manoir au milieu d’un très dense brouillard, accompagnée d’une musique fort a propos, montre d’emblée que la demeure de Belasco se dresse imperturbable, sinistre, prête à recevoir des invités comme autant de mouches à écraser. L’intérieur n’est pas plus rassurant : le lieu est cossu, les couleurs y sont vives mais oppressantes (rouge vif, violet, vert viride -si si, c’est une couleur-), les bas reliefs obscènes sont légion, les zones d’ombre sont partout, l’architecture est tarabiscotée, une fumée de poussière vient vicier l’atmosphère… Le maison est tout simplement superbe (filmée en studio pour l’intérieur, ce qui démontre une nouvelle fois le talent des chefs opérateur, décorateurs et éclairagistes britanniques), et avant même les manifestations surnaturelles, c’est cet environnement qui réussit à faire de La Maison des damnés un film inquiétant. Hough promène sa caméra dans ce lieu avec grâce, la pose à des endroits particulièrement bien choisis, et, le sérieux et la réserve de ses personnages aidant, son film prend des allures remarquablement adulte. Nous ne sommes pas en présence du syndrome ‘”train fantôme”, et la maison n’est pas du genre blagueuse.

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Elle est en revanche du genre cruel : la puissance des esprits qui la hantent est telle que la maison se permet de les aider à développer les fausses pistes, leur faisant croire qu’ils touchent au but, qu’ils sont sur le point de percer le secret du manoir Belasco (et de Belasco lui-même). Plus violente sera la chute. Tanner et son esprit prisonnier de la maison, Barrett et ses engins élaborés, tout deux seront véritablement manipulés par un esprit supérieur, tournant en ridicule leurs convictions. Seul Fischer s’en sort honorablement : étant au courant de la nature de la maison, il bloque littéralement ses dons médiumniques, évitant tout contact spirituel avec la maison. Ses avertissements (contribuant en outre à créer le mythe de Belasco) ne seront pas écoutés, et les errements de ses vaniteux collègues le confronteront lui aussi au paranormal. Des ombres qui deviennent vivantes, la femme Barrett soudainement possédée d’un esprit pervers, des objets qui bougent, des portes qui claquent… Les manifestations surnaturelles ne sont pas des plus originales, mais elles trouvent ici leur réhabilitation. Filmées avec sérieux, se déroulant dans une logique scénaristique inattaquable, elles renvoient aux films de maisons hantées sous leurs formes les plus pures, les récits d’épouvante limpide. On retrouve ici la patte de Richard Matheson, qui prend ses distances d’avec La Maison du diable en refusant que les manifestations de la maison ne soient que les émanations des troubles psychologiques d’un des personnages. Ce raisonnement sera même une insulte que se renverront tous les personnages, reportant toujours sur leur voisin tout ce qu’ils ne comprennent pas. Les forces dominant le manoir Belasco, quelles qu’elles soient, sont réelles et leur supériorité ne fait aucun doute… jusqu’à un final très décevant, terminant le film en queue de poisson, réduisant à néant tout le respect qu’imposait la bâtisse. Toujours est-il que John Hough a réalisé là ce qui est probablement l’un des meilleurs films de maison hantée, derrière l’indétrônable Maison du diable (dont l’influence graphique se fait d’ailleurs sentir).

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