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Predator – John McTiernan

Predator. 1987.

Origine : États-Unis
Genre : Chasse à l’homme
Réalisation : John McTiernan
Avec : Arnold Schwarzenegger, Carl Weathers, Elpidia Carillo, Bill Duke, Jesse Ventura, R.G. Armstrong.

Un commando d’élite spécialisé dans les sauvetages est envoyé dans la jungle sud-américaine afin de libérer des hommes pris en otages par des guérilleros. Si la mission se déroule sans encombres, Dutch et ses hommes s’aperçoivent qu’ils ont risqué leurs vies sous de faux prétextes. Et après que l’un des leurs se soit fait tuer, ils se rendent compte de quelque chose de pire encore : ils sont traqués sans relâche par une force quasi invisible.

Lorsque Predator sort sur les écrans avec en vedette Arnold Schwarzenegger la nouvelle coqueluche du cinéma d’action (Terminator, Commando), le nom du réalisateur ne parle guère au grand public. Et quand bien même certains spectateurs connaîtraient son précédent film, ils seraient bien en peine de faire le lien entre l’auteur de Nomads, un nébuleux film fantastique, et le réalisateur de Predator, ce cache-cache guerrier dans la jungle. Pourtant, à y regarder de plus près, John McTiernan réussit à prolonger quelques thématiques déjà contenues dans son premier film tout en respectant le cahier des charges inhérent à tout film d’action. Predator est un film en trompe-l’œil qui au début se pare de tous les oripeaux des “actioners” des années 80 avec une certaine complaisance, voire de l’ironie, pour mieux les dépasser par la suite.

Les années 80 marquent le règne des gros bras qui, de Sylvester Stallone à Arnold Schwarzenegger en passant par Chuck Norris ou Jean-Claude Van Damme, ont fait le bonheur des studios. Et dans le genre, il n’y a pas mieux qu’un commando des forces spéciales pour justifier leur présence au kilomètre. A ce titre, la distribution vaut son pesant de testostérone puisque outre Arnold Schwarzenegger, la distribution comprend les peu délicats Sonny Landham (Les Guerriers de la nuit, Sans retour), Jesse Ventura (catcheur en reconversion), Bill Duke (Commando) et Carl Weathers, l’Apollo Creed de la saga Rocky. Nanti d’un tel casting, Predator se complaît jusqu’à la caricature dans le film d’action bourrin. La destruction du camp des guérilleros nous en fournit la plus parfaite illustration. Quoique le terme « massacre » serait plus approprié tant Dutch et ses hommes prennent un évident plaisir à dézinguer tous azimuts. Sans se concerter au préalable, ils s’accordent tous à ne faire aucun prisonnier, apportant un sérieux démenti aux propos initiaux de Dutch, qui se décrivait lui et ses hommes comme un groupe de sauvetage et non comme des assassins (sic). Jusqu’à cette explosion de violence initiée par l’homme, nous baignons dans une mer de clichés avec tout ce que cela implique de fétichisme guerrier, d’amitié virile, de langage ordurier et de quelques bons mots (marque de fabrique de Arnold Schwarzenegger depuis Terminator). Bien que diaboliquement efficace, Predator n’aurait jamais pu dépasser sa condition de simple “actioner” si il ne s’était résumé qu’à ça. Or dès le préambule –une navette spatiale largue un objet non identifié sur la Terre–, un doux parfum de fantastique plane au-dessus du film, laissant envisager des richesses insoupçonnées.

Non content d’inverser la structure du récit –les chasseurs deviennent les chassés–, le Predator contribue également à l’humanisation des personnages. A son contact, les machines de guerre parfaitement huilées commencent à se gripper, mettant à jour leurs faiblesses. Présence aussi invisible qu’oppressante, le Predator distille le doute et la crainte parmi les soldats, laissant derrière lui les traces de sa sauvagerie. De fait, avant même leur spectaculaire mise en action, ces hommes sont déjà confrontés à l’indicible menace, proies toute désignées d’un chasseur extraterrestre. Et il n’est pas anodin que ce soit Billy, d’origine indienne, qui le premier ressente sa présence. Il a su conserver de ses ancêtres ce lien étroit avec la nature lui permettant d’en déceler l’élément perturbateur. La nature est au cœur même du film, qu’elle soit d’ordre végétale (la jungle) ou humaine. Au contact de cette jungle hostile –personnage par défaut du film puisque en se fondant parfaitement dans le décor, le Predator EST la jungle–, Dutch et ses hommes amorcent de manière instinctive un retour en arrière, retrouvant des réflexes depuis longtemps oubliés. Leur armement si sophistiqué, et si abondamment mis en valeur dans la première partie (la mitrailleuse portative), devient inefficace dès lors que leur adversaire, lui aussi lourdement armé, se fond dans le décor et se meut avec une aussi grande agilité. Le rapport de force s’en retrouve totalement modifié, et pour le retourner à leur avantage, Dutch et ses hommes doivent s’employer à apprivoiser la nature. Deux scènes se font alors écho. La première montre les soldats aménageant moult pièges mais se reposant avant tout sur leur puissance de feu, alors que la seconde nous montre un Dutch totalement désarmé, contraint de ne faire plus qu’un avec son environnement pour avoir une chance de s’en sortir. A ce stade, le soldat d’élite n’est plus, laissant place à une bête blessée et harassée mais mû par un instinct de survie tellement fort qu’il lui permet d’accomplir des miracles. Le film d’action initial se meut donc en survival. Pour le rendre plus intense, John McTiernan a l’intelligence d’expurger le combat final de presque toutes répliques, laissant les corps des deux belligérants s’exprimer. La bestialité du corps à corps n’en ressort que davantage, combat à mort entre deux êtres entraînés à tuer.

Si Predator tire sa force de ce duel homérique, il la doit aussi à un scénario solidement charpenté qui permet aux deux personnages de s’extraire des archétypes. Sorte de prédateur ultime, la créature (magnifique création de Stan Winston, au passage !) se fend d’élans anthropologiques dans l’observation minutieuse de ses proies. Il capte ici un rire, là une réplique, pour mieux les réutiliser plus tard dans un contexte qui s’y prête, faisant état de sa parfaite compréhension de la mécanique humaine. Nonobstant ce fait, cela ne l’empêche nullement de s’adonner à des rites tribaux à l’image du soin maniaque qu’il accorde au nettoyage du crâne de ses victimes avant de les arborer fièrement, tels des trophées. De son côté, Dutch se débat avec sa condition d’objet dispensable, comme le lui signifie sans nuance Dillon lors d’un échange animé. Considéré comme un simple outil puis comme un gibier, Dutch se bat non seulement pour sa survie mais aussi pour exister en tant qu’être humain. Si il se bat avec autant de bravoure, c’est aussi et surtout parce qu’il veut se prouver à lui-même qu’il vaut bien mieux que ce à quoi on le réduit. Après Terminator et avant Total Recall, Predator confirme que c’est bel et bien le cinéma fantastique qui a offert ses plus beaux rôles à Arnold Schwarzenegger. Pour la première fois, son image d’héros indestructible s’en retrouve malmenée, au point qu’on croit jusqu’au bout impossible toute probabilité de victoire. Tour à tour sûr de lui, déconfit, apeuré, démoralisé, las puis à nouveau combatif, le personnage de Dutch permet à l’acteur d’apporter plus de nuance à son jeu, ce qui était bien la dernière chose à laquelle on aurait pu s’attendre en regardant un tel film. Ce qui en confirme toute la richesse.

A l’heure où Hollywood n’en finit plus de vider de sa sève la charismatique créature à base de relecture honteuse (Predators), se replonger dans le film d’origine fait un bien fou. Alors presque débutant, John McTiernan faisait déjà étalage d’une belle maîtrise dans l’action, et d’un talent certain pour dépeindre des personnages inoubliables, à jamais ancrés dans l’histoire du 7e Art. Des aptitudes qu’il allait s’empresser de confirmer dès l’année suivante avec Piège de cristal, longtemps inamovible référence du film d’action.

 

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