Terminator – James Cameron
Terminator. 1984Origine : États-Unis
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Après avoir brièvement travaillé pour la New World de Roger Corman, James Cameron manqua l’occasion en 1981 de réaliser entièrement son premier long-métrage, puisque son Piranha 2 souffrit d’un producteur italien guère satisfait du travail de Cameron, au point de le remplacer lui-même à titre officieux. Il fallut attendre trois années de plus pour que l’ancien responsable des effets visuels de Corman puisse réaliser son premier film, sous la houlette d’une ancienne assistante du même Corman, Gale Anne Hurd. Terminator vit donc le jour en 1984, doté d’un budget modeste pour une série B tout de même bien plus conséquente que celles auxquelles les deux compères furent habitués à la New World. L’histoire, tout le monde la connait : le Terminator, un cyborg à forme humaine, est envoyé du futur vers l’an de grâce 1984 pour mettre fin aux jours de Sarah Connor, future mère de John Connor, qui deviendra le leader de la résistance anti-machines dans un avenir apocalyptique où l’humanité est en guerre contre les robots. Pour protéger sa mère, John Connor lui envoie également du futur un humain, Kyle Reese. Celui-ci devra retrouver Sarah, la convaincre de son destin, et la mettre à l’abri du Terminator.
Dès le début du film le ton est donné : les premières images sont celles du futur, où la guerre fait rage. Puis vient le générique, puis l’arrivée du Terminator et de Reese dans un déluge d’éclairs bleuâtres, dans les bas fonds de Los Angeles. Terminator est un film noir, violent, très loin de toute marque de glamour. Son intrigue se déroule la majeure partie du temps la nuit, dans une citée des anges réaliste, dans des lieux populaires. Pourtant, la force du film nait aussi de la relative simplicité entre les personnages : il y a les trois personnages principaux, et c’est à peu près tout. Tout le reste n’est pas concerné, la police est complètement larguée, et les civils sont brutalement écartés tant par le Terminator que par le tandem Sarah Connor / Kyle Reese. Cameron, rigoureux, ne se permet pas de digresser et reste fidèle à son sujet qui en réalité n’est qu’une chasse à l’homme (ou plutôt à la femme) urbaine.
Le Terminator est froid, taciturne, et il colle parfaitement au contexte qui l’entoure. Ne serait-ce que pour les fringues qu’il a piqué violemment à une bande de punks. Cette Los Angeles du milieu des années 80 est atypique, son esthétique faite de néons et de crasse se révèle plutôt déshumanisée et la musique composée par Brad Fiedel l’est tout autant. Des battements métalliques, des sonorités synthétiques, aucune mélodie. Tout est mis en oeuvre pour donner au film cette atmosphère particulière, cette vision des années 80 perverties, qui, si elle contribue tout de même à enraciner le film dans son époque, lui donne malgré tout un cachet original, une identité propre que l’on ne retrouvera ni dans la première ni dans la deuxième séquelle, toutes deux davantage concentrées sur l’action et sur les nombreuses explications nécessaires au scénario d’une mythologie reposant sur les voyages temporels. Ici, il n’y a pas de ça : le film de Cameron reste simple, va droit au but. Il y a effectivement de l’action, mais celle-ci n’est jamais une fin en soi : le réalisateur ne cherche pas vraiment à nous en mettre plein les mirettes (encore que ça n’aurait pas été répréhensible) avec des explosions monstrueuses, des courses-poursuites motorisées incessantes ou des fusillades à grandes échelles. Tout ceci est présent, mais conçu d’une façon telle que ça illustre la froideur et l’abnégation du Terminator. Des scènes comme celle du commissariat, de la boîte de nuit ou de l’autoroute sont aussi spectaculaires qu’agressives.
Et que dire des flash-backs nous dévoilant le futur ? Encore plus noir, nous sommes en plein dans un “post-nuke” robotique et les scènes de guerres sont très impressionantes, avec ces crânes humains écrasés sous les chenilles des machines. L’engouement général pour voir un éventuel Terminator 4 nous dévoilant le déroulement de cette guerre apparaît à vrai dire comme un peu impulsif : si ces scènes de conflit atteignent un tel impact dans le premier et dans le second volet de la série des Terminator, c’est bien parce qu’elles viennent rompre brièvement un présent qui, même s’il est décadent (dans le 1), apparaît comme un paradis en comparaison avec le futur promis à l’humanité. Je ne suis pas sûr qu’un film entier pourrait avoir autant de force… Mais je digresse. Revenons donc à notre premier Terminator. Et bien l’essentiel est dit : Cameron livre un film radical, et ses acteurs sont tous parfaits dans leurs rôles respectifs. Schwarzenegger était alors à l’aube de son vedettariat, et son manque d’expression prend dans le personnage du Terminator une justification totale et parfaite. Linda Hamilton inaugure la vision plutôt musclée des femmes par James Cameron (Sarah Connor passe en un film du statut de jeune paumée à celui de rebelle marginale) et Michael Biehn incarne un protecteur humain (ce qui manquera beaucoup aux séquelles, qui verseront parfois dans le ridicule en humanisant le “gentil” Terminator) partagé entre ses sentiments et entre la tâche ingrate qui est la sienne. Un parfait ressortissant d’un futur où la vie se fait dans la peur, et où les humains continuent malgré tout à vouloir rester libres dans une société où les ordinateurs dominent. Cameron ne développe pas vraiment de propos dans son film, il semble juste utiliser la cybernétique (alors naissante dans les années 80) pour illustrer une histoire dans laquelle l’humanité tente de survivre dans un milieu de plus en plus désincarné. C’est brillant, et, non content d’être le meilleur des trois films de la série, le premier Terminator est aussi certainement le meilleur film de la carrière de James Cameron. Un coup de maître.