CinémaHorreur

Peur bleue – Daniel Attias

peurbleue

Silver Bullet. 1985

Origine : Etats-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : Daniel Attias
Avec : Corey Haim, Gary Busey, Megan Follows, Everett McGill…

En 1985, tout le monde sait qu’il y a pas mal de sous à se faire avec les écrits de Stephen King. Ce n’est pas à un vieux singe comme Dino De Laurentiis qu’on va l’apprendre, lui qui fut déjà derrière deux adaptations : l’excellent Dead Zone de David Cronenberg et l’agréable Cat’s Eye, film à sketchs de Lewis Teague. Et puisque jamais deux sans trois, c’était donc parti pour porter Peur Bleue à l’écran, en se basant sur un scénario de King lui-même, qui visiblement ne se sentait pas trop concerné par le projet. Il faut dire que son livre est d’une nature particulière, puisque comme l’indique son titre original de Cycle of the Werewolf il s’agit d’une histoire en douze chapitres, un pour chaque mois de l’année, tournant autour du loup-garou qui terrorise la petite ville de Tarker’s Mill. Illustré par Bernie Wrightson, fameux dessinateur pour comics, le livre devait au départ former un calendrier avant que King ne dépasse la longueur de texte autorisée. Cela faisait de toute façon figure de petite détente pour l’écrivain, qui dût prendre son adaptation à la légère. Il ne fut pas le seul, puisque Dino De Laurentiis, pressé, fit l’impasse sur Rick Baker (Le Loup-Garou de Londres) et Rob Bottin (Hurlements) qui demandaient trop de temps pour concevoir les effets spéciaux, et son choix se porta à la place sur Carlo Rambaldi, célèbre avant tout pour avoir créé le E.T. du film éponyme de Spielberg, mais qui sut aussi se distinguer auprès de De Laurentiis en donnant vie à son très contesté remake de King Kong.

Pour trouver un réalisateur, même chose : après le refus de Don Coscarelli, c’est encore sur un participant à E.T. que se porta son choix, à savoir Daniel Attias, l’assistant de Spielberg. Un réalisateur totalement novice, dont il s’agit d’ailleurs de l’unique film cinéma, et qui a depuis fait carrière à la télévision, participant depuis maintenant trois décennies aux séries les plus en vogue : Deux flics à Miami, 21 Jump Street, Beverly Hills, Melrose Place, Dr. Quinn, Lois & Clark, Buffy, Ally McBeal, Les Sopranos, Les Experts, Alias, Lost, Six Feet Under, Deadwood, The Wire… La bleusaille a fait son trou. Mais lorsqu’il réalise Peur Bleue, il demeure un petit nouveau catapulté à la tête d’un film de loup-garou dont tout le monde se moque éperdument. L’histoire fignolée par King prend le personnage de Marty Coslow (Corey Haim), gamin en fauteuil roulant, qui avec sa sœur adolescente (Megan Follows) va découvrir la véritable nature du tueur de Tarker’s Mill : un loup-garou ! Vite, il faut s’en débarrasser ! Heureusement, le bienveillant Tonton Red (Gary Busey avec la carrure d’un ours polaire ) va surveiller cette histoire de près.

Du bâclage pur et simple, à tous les niveaux. Le film démarre ainsi par une voix off qui interviendra au milieu du film et le conclura sans que l’on ait pu entre-temps établir une quelconque justification au procédé, qui évoque un contexte sans utilité aucune et qui résume ce que l’on avait déjà deviné. A savoir que derrière les chamailleries entre le frère et la sœur se cache un profond amour réciproque. C’est évident, puisque pendant environ une heure, Attias décompose son film en deux parties bien distinctes : celle des meurtres qui frappent la ville, classiques quoique relativement nombreux, et qui auraient aussi bien pu être l’œuvre d’un serial killer que celle d’un loup-garou que rien n’en eut été modifié, et l’histoire de cette famille, qui par le peu d’intérêt qu’elle semble porter pour ces affaires criminelles donne l’impression de vivre dans une autre ville. C’est précisément lors de cette longue exposition familiale (Attias ne vient pas de chez Spielberg pour rien) que l’on apprendra aussi à connaître le tonton Red, qui sous ses dehors d’ivrogne au langage de charretier (comme pratiquement tous les hommes de la ville) lui valant le dédain de sa sœur, cache un cœur gros comme ça. C’est le seul à comprendre le besoin qu’a Marty de se sentir considéré comme n’importe quel autre enfant. Il le couvrira aussi de cadeaux, dont le dernier en date, un fauteuil roulant customisé pour prendre des allures de moto, sera bien utile lorsqu’il s’agira d’échapper au vilain loup-garou de la seconde partie.

Pendant une heure, nous avons donc droit à une intrigue stagnante, qui tentera bien à un moment de décoller (lorsque des villageois en colère s’en iront traquer l’assassin) mais qui s’écrasera lamentablement après quelques minutes. De là à dire que l’on s’ennuie, il n’y a pas loin. La deuxième partie, quant à elle, illustrera avec brio la doctrine tant plébiscitée par le cinéma américain selon laquelle l’amour familial et la confiance partagée peuvent venir à bout de tous les obstacles. Que dire si ce n’est qu’un tel manque de créativité confine au je-m’en-foutisme absolu de la part du Stephen King scénariste ? L’écrivain ne prend même pas la peine de dissimuler l’identité du loup-garou, réduisant à néant tous les espoirs que l’on pouvait encore avoir. Il torche littéralement son histoire, réussissant à caser comme il peut l’indispensable coup de la balle d’argent pour venir à bout d’un monstre qui a cessé d’être persécuté par les villageois en même temps que s’achevait la première partie du film. Quant à la pleine lune, soi-disant nécessaire à l’apparition du loup-garou, elle sera utilisée essentiellement comme caution mythologique, histoire de préserver les traditions et faire mine que quelqu’un se soucie du film. Mais enfin bon, quand ce n’est pas la pleine lune et qu’on a besoin du loup-garou, ce n’est pas grave : une pirouette et le tour est joué. Enfin, pour ce qui est des effets de maquillage du loup-garou, disons que Carlo Rambaldi est resté un adepte de la bonne vieille méthode du gars en costume velu. Même De Laurentiis en a eu honte, c’est dire (ce qui ne l’empêcha pourtant pas de réengager le même Rambaldi pour King Kong 2 dès l’année suivante).

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