CinémaHorreur

Le Loup-garou de Londres – John Landis

loupgaroudelondres

An American Werewolf in London. 1981

Origine : États-Unis / Royaume-Uni 
Genre : Horreur 
Réalisation : John Landis 
Avec : David Naughton, Jenny Agutter, Griffin Dunne, John Woodvine…

On ne le dira jamais assez : les loups-garous sont les parents pauvres du bestiaire fantastique. Leur potentiel est pourtant énorme : ils découlent de légendes fascinantes, ils sont violents, peuvent apparaître à la fois pathétiques et terrifiants, ils possèdent leurs propres codes (la pleine lune, la balle d’argent etc)… Malgré tout, les faits sont têtus : à part quelques films remarquables de temps à autres, ils ne bénéficient pas de la même gloire que leurs collègues Dracula ou la créature de Frankenstein. Sans vouloir ternir la mémoire de Lon Chaney Jr., les films de la Universal sont loin d’égaler les Frankenstein de James Whale. Quand à la Hammer, elle favorisa Dracula, encore que La Nuit du Loup-Garou fut certainement à sa sortie le meilleur film de lycanthropes jamais tourné. Mais à l’orée des années 80, alors que les grands monstres d’antan semblaient passés de mode, les loup-garous firent une réapparition fracassante avec coup sur coup deux films venant rajouter des nécessaires lettres de noblesse à nos monstres pileux en même temps qu’ils procédèrent à une modernisation bienvenue : Hurlements de Joe Dante et Le Loup-Garou de Londres de John Landis. Ce dernier, celui qui nous intéresse ici, semble plus ou moins être un remake indirect au tout premier film de loup-garou recencé, The Werewolf of London (1935, Stuart Walker), dans lequel un savant britannique se fait mordre au Tibet par un lycanthrope avant d’être rapatrié à Londres, où il subira sa première métamorphose, laissant quelques victimes derrière lui. C’est à peu près la même histoire que raconte Le Loup-Garou de Londres. Jack et David sont deux touristes anglais parcourant l’Angleterre. Alors qu’ils traversent une lande connue par ses autochtones pour abriter une créature maléfique, les deux jeunes hommes sont attaqués par un loup-garou. Jack meurt et David, blessé, est sauvé par les gens du coin, coupables d’avoir laissé les touristes traverser la lande en pleine nuit. Transféré dans un hôpital de Londres, David guérit de ses blessures et se met à fréquenter Alex, une infirmière. Mais la malédiction a été transmise, et si il en croit son ami Jack revenu des morts pour le hanter, David se transformera en loup-garou à la prochaine pleine lune.

Si le film de John Landis modernise effectivement un mythe poussiéreux, il n’en démarre pas moins dans une lande anglaise rappelant furieusement celle du Chien des Baskerville de Terence Fisher. Les personnages principaux, des touristes américains tranchant radicalement avec cet environnement conservateur, atterrissent dans un petit village peuplés de villageois peu avenants dominés par leurs croyances ancestrales. Comme toujours en pareil cas, les intrus, non conscients du danger qu’ils risquent, seront les victimes du loup-garou. Cette introduction, d’un cachet très rétro, fait songer au début du roman Dracula, avec son héros Jonathan Harker bravant inconsciemment les dangers d’une contrée qu’il ne connait pas, et dont les habitants lui semblent diablement obscurantistes. Le rapprochement avec Dracula ne s’arrêtera pas strictement à la fin de cette introduction, puisque la suite déplacera l’intrigue à Londres, où David (comme Harker dans Dracula) récupère de ses blessures. Si la démarcation se fera alors sentir de façon plus conséquente, le reste du film entretiendra malgré tout un rapport avec l’oeuvre de Bram Stoker. Malgré un casting réduit se résumant à deux personnages (David et l’infirmière Price), plusieurs similitudes seront à noter, avec en premier lieu la malédiction de David, dans l’incertitude de sa réelle nature, évoquant l’incertitude sur le sort de Mina Harker, qui après avoir bu le sang de Dracula sera elle aussi dans le doute sur ses penchants maléfiques. Mais la lycanthropie n’est pas le vampirisme, et David Kessler n’a pas de Dracula à vaincre pour pouvoir se libérer du mal qui le guette. Son mal est intérieur, et seul lui peut s’en libérer, par le biais du suicide, comme lui rappelle le fantôme de Jack revenu le hanter pour le mettre en garde (un peu comme le fait Van Helsing). Cette intériorisation du mal s’accompagne d’une intrigue bien plus psychologique dont les aboutissants sont terribles pour David, un personnage esseulé, qui a vu son ami mourir sous ses yeux, qui n’est pas dans son pays, qui se trouve loin de sa famille, qui est tourmenté par ses cauchemars et par le cadavre ambulant en phase de décomposition de son ami venu le convaincre de se suicider, qui débute un amour appelé à s’achever dans la douleur, qui doit également souffrir physiquement des transformations qu’il aura à subir lors de la pleine lune, qui devra faire avec le sentiment de culpabilité pour les victimes qu’il aura laissé derrière lui (et qui reviendront le hanter avec Jack pour l’inciter au suicide).

Bref, comme d’autres avant lui (Oliver Reed dans La Nuit du loup-garou), c’est un héros torturé, mis à mal à tous les niveaux. John Landis se révèle très sadique dans ce qu’il inflige à son personnage principal. Pourtant, et c’est là que la modernisation se fait le plus ressentir, il traite ce chemin de croix avec un détachement comique remarquable. Adepte de l’humour très noir, le réalisateur ne verse pas dans le gothique, utilisant au contraire des musiques modernes et rock’n’roll guillerettes (“Blue Moon” sous trois différentes version, “Bad Moon Rising” des Creedence Clearwater Revival) ayant pour point commun de mentionner la lune, celle qui transformera David en loup-garou. David lui-même ne sombre pas ouvertement dans le désespoir, se montrant plutôt joyeux en compagnie de sa nouvelle petite amie, mais dissimulant aussi une grande tristesse perceptible sous un comportement débonnaire. Ce double état de fait donne au film son identité propre, conférant également aux scènes de lycanthropie une étrange tonalité, comme si Landis riait des malheurs de son héros, qu’il aime à se faire réveiller à poil au milieu d’un zoo. Pourtant, ses méfaits ne prêtent pas à rire, et les attaques qu’il commet sur trois clochards, sur un usager du métro et sur un couple de passants ne sont pas des plus douces. Mais rien n’y fait et jusqu’au bout Landis parvient à faire considérer le pire sous un angle facétieux, manipulant les sensations du spectateur pour mieux l’inviter à rire avec lui du calvaire vécu par le héros. Très cruel.

Landis réussit là un film maîtrisé, l’un des hauts faits de sa filmographie. Il va sans dire que l’on peut dire la même chose du travail de Rick Baker aux effets spéciaux, avec cette célèbre transformation qui valut le premier Oscar de l’histoire au cinéma d’horreur. Amplement mérité, puisque cet effet n’a jamais été égalé depuis, y compris par le numérique. Dommage cela dit que Hurlements et Le Loup-Garou de Londres n’aient pas suffis à redonner de la vigueur sur le long terme à la lycanthropie, cette malédiction décidément maudite.

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