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King Kong – John Guillermin

kingkong76

King Kong. 1976

Origine : Etats-Unis
Genre : Aventures
Réalisation : John Guillermin
Avec : Jeff Bridges, Jessica Lange, Charles Grodin, John Randolph…

Le premier remake du King Kong de Cooper et Schoedsack a beau n’avoir été tourné que plus de quarante ans après l’original, le gros singe n’a pas été oublié du public. L’original est demeuré une grande date dans le cinéma d’aventures, et nombreux sont les films (entre autres supports) ayant entretenu sa mémoire en ces temps où la vidéo familiale n’existait pas encore. A commencer par Le Fils de Kong, tourné par Schoedsack la même année que le premier film. Passé directement ou indirectement entre de nombreuses mains (citons notamment la confrontation americano-japonaise de King Kong Vs. Godzilla en 1962), Kong a toujours su stimuler l’imagination. Il fallait bien que la version de 1933 connût un jour les affres d’un remake en bonne et due forme. Une tâche ardue, tant l’original avait fait des prouesses. Il fallait donc que l’initiateur de cette entreprise osée disposât d’un budget conséquent, à mettre au service d’effets spéciaux forcément exigeants. C’est là que s’imposa Dino de Laurentiis, soutenu par la Paramount. D’un naturel quelque peu volubile, appréciant tout particulièrement la démesure, le producteur chevronné (trente ans de carrière et plus de cent films à son actif en 1976) se lança donc dans ce projet en promettant monts et merveilles. Son King Kong, confié finalement à John Guillermin après les refus de Roman Polanski, Sam Peckinpah et Michael Winner (Dino a toujours eu des choix saugrenus), allait même se permettre le luxe de se passer de stars pour faire passer Kong au premier plan. Jeff Bridges, qui n’était pas encore au sommet, et Jessica Lange, dont il s’agissait du premier film après une carrière de mannequin, furent ainsi embauchés.

Les regards se tournèrent alors vers les responsables des effets spéciaux. Après un premier choix encore bien fantasque (Mario Bava !), De Laurentiis se tourna vers Carlo Rambaldi, artisan jusqu’ici spécialisé dans le bis italien. C’est là que la galère commença : incapable de répondre aux attentes, d’autant plus que le délai était très court, Rambaldi dût se faire épauler par Glen Robinson (Tremblement de Terre, Tora! Tora! Tora !) et surtout Rick Baker, spécialiste hollywoodien de la conception de macaques. Plutôt tendues, les relations entre les membres du département des effets spéciaux ne firent qu’empirer au fur et à mesure des échecs rencontrés sur le tournage, parfois tout prêt de virer au drame (principalement pour Jessica Lange, fort meurtrie par les dérèglements de son partenaire mécanique). Dépassements de budget, caprices de la météo, c’est avec bien du mal que la date butoire de Noël 1976 (date programmée de la sortie du film) fut respectée. Ces déboires (auxquels on peut ajouter l’ironie de l’Histoire, rapport au final situé au World Trade Center) valurent et valent encore bien des moqueries à De Laurentiis et à son film, souvent au point d’éclipser toute autre considération. Il est vrai que le Kong présenté ici n’a pas exactement une fière allure. Mouvements manquant sérieusement de naturel, rigidité générale, problème de textures au niveau du corps, cadrages imposés par les effets employés (gros plans pour l’animatronique, plans larges pour Rick Baker en costume…), les errements du tournage demeurent flagrants dans le produit final. Regrettable pour un film qui daigne montrer sa créature sous tous les angles. Mais après tout, même un film d’aventures ne saurait être jugé intégralement sur ses seuls effets spéciaux, et le scénario est un bon moyen de se rattraper aux branches.

Le King Kong de 1976 suit à peu près celui de 1933. Visite de l’île perdue, kidnapping de l’héroïne offerte en sacrifice à Kong par les autochtones, mission commando pour aller la rechercher, rappatriement de la bête à New York, spectacle qui tourne mal et ascension d’un gratte-ciel new yorkais. Tous les moments forts sont donc préservés. Quelques différences sont tout de même à signaler, la plus notable étant que le voyage à Skull Island n’a plus pour but le tournage d’un film mais la recherche d’un gisement de pétrole, ce qui permet au film de se doter d’un sous-texte écologique à une époque où la crise pétrolière faisait rage. Le héros, Jack Prescott (Jeff Bridges) devient un paléontologue écologiste embarqué clandestinement sur le navire de la Petrox. D’abord suspecté d’espionnage par Fred Wilson (Charles Grodin), l’initiateur du voyage, il est finalement innocenté et se voit attribué le poste de photographe de l’expédition. Quant à l’héroïne, sa venue tient du miracle. Par un hasard incroyable, le canot de sauvetage sur lequelle elle était embarquée croise la route du navire Petrox. Et ce en plein Océan Pacifique. Mais la chance ne s’arrête pas là, et c’est avec une grande joie que l’équipage découvre que Dwan (Jessica Lange), la fille à la dérive, est une jolie actrice ! S’ensuit une grande romance entre elle et Jack, qui en sont déjà à parler mariage à mi-film. Ce scénario n’a pas peur des caricatures, et il le prouve en faisant des personnages principaux les stéréotypes éculés des héros hollywoodiens. Jack, avec sa barbe et ses cheveux longs, est un scientifique aventurier qui sait tout, qui prévoit tout. Il est courageux, il est sensible (pas comme Fred Wilson, le gars de la Petrox qui ne pense qu’au fric), et il a bien compris, lui, que arracher Kong à son île ne pourra qu’être dommageable à la fois pour les autochtones et pour les occidentaux. Son infaillibilité moralisatrice est assez agaçante à la longue. Quand à Dwan, c’est tout simplement une blonde aussi stupide que sexy. Passant son temps en gamineries, ne comprenant pas très bien les enjeux, elle aussi est agaçante (quoiqu’on ne peut s’empêcher de sourire lorsqu’elle demande à Kong quel est son signe astrologique, ou lorsqu’elle lui explique que quand sa tata l’emmenait à l’Empire State Building, elle avait déjà le vertige). Pourtant, les deux acteurs ne sauraient être remis en question : le charismatique Jeff Bridges se débrouille très bien dans un rôle très physique et Jessica Lange rayonne de ce charme très “Marilyn” parvenant à rendre son personnage attachant malgré son imbécilité crasse. Leurs rôles sont tout simplement mal écrits, et de bons acteurs ne suffisent pas à faire de bons personnages.

Ces défauts d’écriture se retrouvent également dans les relations entre Kong et Dwan : là où la simple évocation de l’amour de la bête pour la belle aurait suffit (encore que j’ai toujours trouvé qu’un singe géant tombant amoureux d’une humaine soit une idée débile), les scénaristes vont bien plus loin, et évoquent textuellement le mariage, le viol, la procréation et tout ce qui s’ensuit. Difficile d’être ému par les liens qui unissent la belle et la bête. Lorsque Kong s’échappe de sa cage à New York, l’envie serait même davantage de penser au “Gorille” de Brassens : “Tout à coup la prison bien close où vivait le bel animal s’ouvre, on n’sait pourquoi, je suppose qu’on avait du la fermer mal. Le singe, en sortant de sa cage dit “C’est aujourd’hui que j’le perds !”. Il parlait de son pucelage, vous aviez deviné, j’espère !”. Bien entendu, il subsiste toujours cette condamnation d’une humanité occidentale prête à marchander la nature et à s’approprier tout ce qu’elle ne contrôle pas encore (l’île de Skull Island et les croyances de ses habitants), mais ce sous-texte déjà passe-partout est assené avec une telle maladresse qu’il ne saurait être pris au sérieux. Une seule scène arrivera vraiment à impliquer les sentiments du spectateur : la montée de Kong sur les tours du World Trade Center. Enfin l’écologiste je-sais-tout est mis de côté, enfin la blonde fait autre chose que ricaner bêtement et justifie l’attachement que lui porte la bête, enfin le gorille perd son côté lourdaud… Sous les feux nourris des hélicoptères de l’armée, Kong, en sang, parvient à susciter l’empathie et à passer pour plus humain que les humains. Il était temps. Cette scène constitue également la seule scène d’action raisonnablement bien construite, après les très pauvrettes péripéties de Skull Island, très vite expédiées par le réalisateur de La Tour Infernale.

King Kong version De Laurentiis n’est effectivement pas un bon film. Il s’agit une grosse production jouant avant tout sur la facilité (le thème écologique, la caractérisation des personnages et de leurs relations…) et desservie par des effets spéciaux très limites. La prétention affichée par De Laurentiis et l’aura entourant le premier film ont encore aidé à nuire à sa réputation, le vouant définitivement aux gémonies. Ce qui est tout de même un peu abusif.

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