CinémaHorreur

Hurlements – Joe Dante

hurlements The Howling. 1981

Origine : États-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : Joe Dante
Avec : Dee Wallace-Stone, Patrick MacNee, Dennis Dugan, Christopher Stone…

Après Hollywood Boulevard et Piranhas, Joe Dante livre ici son troisième film, le quatrième si l’on inclut Rock’n’Roll High School sur lequel il remplaça son ami Allan Arkush pour quelques scènes. En tout cas le premier à ne pas être produit par la New World de Roger Corman (bien que celui-ci ait un caméo dans le film et que beaucoup des techniciens habituels du réalisateur aient suivis). Tourné simultanément au Loup-garou de Londres, Hurlements fait souvent figure de parent pauvre par rapport au film de Landis (pourtant un ami à Dante). C’est que le film de Dante n’a pas gagné d’Oscar, lui, et qu’il a hérité du jeune poulain au maquilleur vedette Rick Baker, à savoir l’alors très jeune Rob Bottin. Un jeune poulain qui deviendra un fier étalon, chose logique vu ce qu’il a réussi à accomplir ici, mais ne nous étalons pas sur le sujet des effets spéciaux, qui sont très bons. Passons plutôt au sujet du film : après avoir été agressée durant un de ses reportages, une journaliste est envoyée en compagnie de son mari dans un centre de repos en pleine forêt. Ils découvriront qu’il s’agit en réalité d’une colonie de loup-garous dirigée par un scientifique qui se propose de garder sous contrôle toute la sauvagerie de ses “patients”.

Rentrons maintenant dans le vif du sujet : derrière sa façade de film de loup-garou traditionnel, avec moults éléments classiques au genre (les balles en argent, les transformations douloureuses, la malédiction qui se transmet par morsure, et même les nombreuses références au cinéma lycanthropique d’antant, notamment via les noms des personnages, inspirés par des réalisateurs du genre ), le film de Joe Dante choisit une optique quelque peu originale : plutôt que de nous décrire la souffrance d’un individu face à sa malédiction comme dans la superbe Nuit du loup-garou de Terence Fisher, plutôt que d’opter pour un film comique dans la lignée des œuvres qui ont marqué la décadence de la grande Universal des années 30, plutôt que de verser dans le simple film de monstre, Hurlements se base avant toute chose sur la personnalité des individus. La dualité entre la civilité et la sauvagerie, inhérente à tout le monde, comme le dit explicitement (certainement trop, d’ailleurs, surtout que c’est répété plusieurs fois), le personnage campé par le bon Patrick MacNee. Une sauvagerie sous forme de violence ou de pulsions sexuelles. Le fait que le film démarre dans un milieu urbain décadent, avec une agression qui peut sembler somme toute assez classique, et qu’il enchaine aussitôt par une colonie rurale en apparence tout ce qu’il y a de plus paisible, est révélateur. Quiconque placé dans un milieu social donné peut très vite laisser parler sa personnalité la plus noire, violente ou sexuelle (superbe scène torride avec Elisabeth Brooks), et pire encore : l’apprécier. L’aliénation d’un groupe sensible amène forcément à la résurgence d’une violence qui sommeille en chacun de nous, et c’est là toute la base du film de Dante : à ce titre, la malédiction du loup-garou apparait en fait comme une malédiction sociale (où la meute remplace le gang). Les gens dit civilisés ne font en réalité que réfréner leurs pulsions. Dante montre du doigt la fragilité de la vie civilisée telle qu’on la présente, et la fin, alarmante, illustre bien la facilité à passer la “frontière”.

A part ça, Dante ne fait quand même pas que du cinéma d’auteur : il vient de l’école Corman, et doit à se titre associer à son propos un film fantastique fait pour plaire au public. Et il y parvient également. Le réalisateur parvient à créer un vrai climat de peur, presque onirique, grâce principalement à la magnifique photo de John Hora (superbe scène que celle de l’attaque de Robert Picardo envers Belinda Balaski, dans le bureau du docteur). La brume, omniprésente dans les bois, et magnifiée par la clarté de la lune, joue aussi un grand rôle. Dante déconne un peu parfois avec sa caméra (abus des plans penchés, qui si ils renforcent le côté “onirique” peuvent paraitre assez faciles), mais globalement, il s’en tire très bien avec ses lents travellings, oppressants. Il est même possible de repérer quelques scènes faisant songer à Evil Dead, avec ces visions subjectives dans les bois, ou encore avec le coup de la fille dos à une porte, qui se fait saisir par des mains ayant transpercé cette porte. Soyons charitables et laissons un peu de talent à Raimi en disant que Raimi a poussé le concept jusqu’au bout, et en ne mentionnant pas que son film est sorti quelques mois après celui de Dante.

Enfin bref, tout ça pour dire que Hurlements c’est globalement très bien, que Joe Dante est brillant, évidemment.

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