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Killer Instinct – Tony Maylam

killerinstinct

Split Second. 1992

Origine : Royaume-Uni
Genre : Science-fiction
Réalisation : Tony Maylam
Avec : Rutger Hauer, Alastair Duncan, Kim Cattrall, Pete Postlethwaite…

Le réchauffement climatique est passé par là, et en 2008 Londres est partiellement sous les eaux. Le niveau de vie s’est bien entendu fort dégradé, entre l’invasion de rats et les conditions sanitaires déplorables. C’est dans ce milieu que le flic Harley Stone (Rutger Hauer) trimballe son vague à l’âme depuis le meurtre de son coéquipier voici quelques années. Bien décidé à le venger, il croit en avoir l’occasion lorsque plusieurs corps sont retrouvés déchiquetés, le cœur arraché et, comme il l’apprendra, dévoré. Mais sa hiérarchie étant peu tolérante envers ses manières bourrues, elle lui adjoint un partenaire fraîchement diplômé, Dick Durkin (Alastair Duncan). Un poids en plus pour Stone, qui doit en outre faire attention à Michelle (Kim Cattrall), femme de son ex partenaire revenue traîner dans les parages et qui comme d’un fait exprès sera bientôt la proie du tueur.

Depuis son agréable slasher Carnage, Tony Maylam n’a pas fait grand chose. Il n’a même rien fait du tout pour le cinéma, puisque sa variation du mythe de Dorian Gray et son biopic d’un coureur automobile furent tournés pour la télévision. Du coup, son plus grand fait d’armes depuis Carnage demeure le documentaire officiel de la coupe du monde de football 1986… Il lui a fallu plus de dix ans pour revenir dans les salles, avec ce Killer Instinct devant autant à Predator 2 qu’à la vague de “buddy movies”, avec un soupçon de Blade Runner histoire de profiter de la présence en tête d’affiche de Rutger Hauer. Bref, tout cela est extrêmement balisé et ne réserve pas une once de surprise. Mais dans un cadre tout aussi prévisible, celui du slasher forestier, Maylam avait su se débrouiller pour faire de Carnage une très honnête série B. Reste à voir si il trouvera autant de ressources pour un film de science-fiction bouffant à plusieurs râteliers. Et ce n’est pas gagné : Carnage gagnait à être un film simple et direct tandis que Maylam doit ici gérer plusieurs interventions promptes à le faire sortir de la “chasse au monstre” qui est son fil conducteur. Tous les apports ne sont pas amenés de la même façon. Ainsi, la localisation du scénario dans un Londres dévasté par le réchauffement climatique n’est guère plus qu’une toile de fond ayant pour simple conséquence de placer le film dans un contexte science-fictionnel futuriste à la Ridley Scott (Alien pour l’humidité poisseuse allant de pair avec la nature du monstre et Blade Runner pour la noirceur du futur comme écho à la déprime résignée d’un personnage hérité des films noir). Il n’y a pas un iota de politique, ni d’alarmisme écologiste, personne ne semble être particulièrement gêné par ces conditions, et ce décor se coule naturellement dans le sujet sans que Maylam n’ait à s’y attarder. C’est plutôt un bon point, du moins narrativement… En revanche, on ne peut pas dire que le film soit très beau. Trop sombre ou trop bleuté, il est parfois difficile d’y distinguer quelque chose. L’aspect insalubre s’en montre affecté, ce qui prive le film de l’atmosphère qu’il comptait développer. Mais le principal obstacle à cet objectif réside ailleurs.

Quelle idée que de donner dans la noirceur si c’est pour plonger dans le buddy movie ? Le film démarre pourtant avec un Rutger Hauer tête brûlée jusqu’à friser la caricature, prenant la pose dans son long manteau noir, avec ses lunettes opaques et cerné par une mise en scène toujours en mouvement sachant s’arrêter juste à temps avant de franchir la limite du tape-à-l’œil. Maylam a en outre le mérite de ne pas insister sur l’histoire de feu le partenaire de Stone, se contenant d’un ou deux flash-back. De quoi espérer un style sec et direct, sorte d’Inspecteur Harry dans un univers futuriste. Hélas, dès l’arrivée du comparse, le réalisateur s’oriente davantage vers l’humour. Stone qui envoie paître Durkin et son savoir purement théorique, puis, pratiquement sans transition après une scène d’action, l’amitié qui finit par les unir et qui se résume en fait à la conversion de Durkin aux méthodes de Stone, qui à ce stade se résument à pas grand chose à part piller l’arsenal de police pour amener d’autres scènes d’action à base de gros flingues (réclamés à corps et à cris par le Durkin transformé). Cette collaboration entre deux flics que tout opposait finit par prendre le pas sur le film de monstre, ce dernier n’étant alors plus qu’une créature lambda, dont on ne se soucie pas outre mesure à part pour se demander quelle sera sa mort. En outre, le personnage très passif joué par Kim Cattrall vient parachever ce processus de piratage en servant d’une part de caution émotionnelle (c’est la copine du héros, et elle est en danger ! Quelle angoisse !) et d’autre part de caution sexy (elle crie dans la douche ! Allons-y voir !). Il va sans dire qu’on est désormais fort éloignés de ce que l’on attendait au départ. Le film est tombé au rang de sous-blockbuster puéril, gâchant toutes les opportunités d’être un sous-Predator 2 certes moins fortuné mais pouvant bénéficier des libertés inclues dans son statut de série B britannique. D’autant plus regrettable que Maylam avait fait le choix de se concentrer sur son protagoniste principal, avec lequel nous découvrions les victimes et apprenions petit à petit que le tueur est en fait un monstre venu de l’enfer, lieu vers lequel nous aurions dû plonger en même temps que Stone. Ce qui aurait été idéal (Angel Heart est à peu près construit comme ça) si le scénario n’avait pas bifurqué vers la facilité de l’humour et des personnages inutiles. Mais en l’état, puisqu’il sort du cadre étriqué de l’enquête policière, il n’y a plus aucune place dans laquelle le monstre et ses victimes peuvent s’insérer. Les meurtres tombent comme des cheveux sur la soupe, et le fait qu’ils soient systématiquement hors-champ -bien que leur résultat soit gore- ne fait qu’accentuer davantage l’impression qu’ils ne sont qu’un moyen non pas pour placer Stone face à un démon, mais bien pour le rapprocher de son partenaire. Dès lors, qu’il s’agisse d’une créature surnaturelle ou d’autre chose importe peu. Killer Instinct se vit scène après scène, et non plus comme une progression cohérente.

Je ne voudrais toutefois pas donner l’impression que Maylam a accouché d’une purge intégrale. Le réalisateur sait se tenir et ne verse pas dans l’outrance alors qu’il aurait pu s’y noyer plusieurs fois (le look de Rutger Hauer aurait pu en faire un branleur, l’humour aurait pu être bien plus lourd, Kim Cattrall aurait pu essayer de jouer les bimbos ou au contraire les demoiselles en détresse…). Les défauts de son film sont en fait surtout palpables par rapport aux promesses affichées initialement par l’esthétique de film noir et le potentiel d’Hauer dans un rôle de flic brutal confronté à une créature surnaturelle. Après, il n’est pas exclu que l’on puisse aimer ce genre de buddy movie reposant sur des éléments convenus et qui a le mérite de frayer ici dans un cadre peu usité par cette tendance alors à la mode. Killer Instinct, c’est un peu la choppe à moitié vide ou à moitié pleine : ou on y voit ce buddy movie pas trop mal foutu, ou cette dégénérescence d’un scénario qui disposait d’un potentiel autrement plus aguichant.

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