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Angel Heart – Alan Parker

angelheart

Angel Heart. 1987

Origine : Etats-Unis
Genre : Horreur / Polar / Fantastique
Réalisation : Alan Parker
Avec : Mickey Rourke, Robert de Niro, Lisa Bonnet, Charlotte Rampling…

Attiré par l’accroche qui vendait Fallen Angel (le livre de William Hjortsberg à l’origine du film, titré Le Sabbat dans Central Park chez nous) comme un croisement entre les bouquins de Chandler et de L’Exorciste, Alan Parker commence par découvrir cette histoire en tant que lecteur, avant même d’envisager d’en tirer un film. Mais finalement, conquis par le roman, il décide d’en acquérir les droits et s’atèle à l’écriture du scénario, qui reprend la trame générale imaginée par Hjorstberg :
1955, Harry Angel, un privé New-Yorkais, est engagé par le mystérieux Louis Cyphre pour retrouver la trace d’un certain Johnny Favorite, un crooner disparu depuis la guerre. Des ruelles New-Yorkaises aux bayous de la Nouvelle Orléans, l’enquête de Harry se mêlera rapidement à de sombres affaires de meurtres, de satanisme et de vaudou…

Ce type d’histoire partant d’une base très classique empruntée au genre du roman noir, mais qui se révèle bien plus originale et retorse que l’on aurait pu prévoir, semble très bien convenir à Alan Parker. Le réalisateur britannique est en effet soucieux de ne pas se répéter et de toujours expérimenter des voies originales au cour de sa carrière. Ainsi, dès le départ, Angel Heart est conçu comme un film qui sera très personnel à son auteur, bien plus qu’une simple adaptation linéaire et basique du roman. Loin d’être un des ces best-seller dont les producteurs auraient pu exiger ce type d’adaptation très fidèle, le livre de Hjortsberg permet à Parker d’en tirer un scénario qui s’en éloigne sensiblement. La différence la plus marquée entre le film et le livre est donc le changement de lieu, alors qu’Angel ne devait pas sortir de New York, Parker le fait voyager et situe une partie de son intrigue à la Nouvelle Orléans. Ce choix part tout d’abord d’une volonté assez pragmatique d’offrir quelque chose de fondamentalement nouveau aux spectateurs (en effet on ne compte plus les histoires de privés se déroulants à New York). Mais au court de l’écriture et du tournage, le réalisateur profitera de ce changement de lieu pour réellement imprimer sa patte sur son oeuvre. Écrit dans des bars et des cafés de la Nouvelle Orléans, le scénario se nourrit assez largement de l’ambiance et du décor dans lesquels se plonge le scénariste réalisateur. De même, la grande majorité des décors du film sont d’authentiques lieux, dénichés par le responsable des décors, , dont on peut saluer l’excellent travail. Outre un indéniable apport en ce qui concerne le réalisme du film, toutes les vieilles bâtisses, les ruelles et les églises dans lesquelles se déroule l’intrigue lui apportent une saisissante cohérence. Et ce n’était pas forcément un objectif aisé à atteindre, de par la nature même de l’histoire, qui mêle d’une part ces deux genres assez différents que sont le polar réaliste et le thriller fantastique et qui d’autre part nous décrit le déroulement d’une enquête particulièrement tortueuse et qui a parfois tendance à s’éparpiller dans des directions multiples et obscures. Mais Parker se révèle ici un metteur en scène d’une grande minutie, et il apportera un soin particulier aux éclairages, à la musique et à tous les décors remplis de ces petits détails qui font vrais et qui ajoutent à l’atmosphère du film. Dans la même optique, quantité d’acteurs sont recrutés sur les lieux même du tournage, ce qui a le double avantage de renforcer ce cachet d’authenticité dont peut se prévaloir le film et de montrer au spectateur des têtes nouvelles.

La grande réussite de Angel Heart tient donc avant tout dans cet ensemble d’éléments de mise en scène qui font du film une entité visuelle à la fois cohérente et d’une intensité peu commune. Parker est doté d’un indéniable sens de l’image et son talent brille particulièrement avec Angel Heart. Regorgeant d’un symbolisme religieux qui n’est pas sans évoquer les chefs d’oeuvre que sont des films comme L’Exorciste ou Rosemary’s baby, le film de Alan Parker partage avec ses deux illustres aînés une atmosphère dense et incroyablement opaque. Le film est très sombre dans son thème, et les images se font l’écho de l’intrigue. Ici également il emprunte au genre du film noir et le métrage nous séduit avec la remarquable gestion des ombres dont il fait preuve. Outre ceci, la mise en scène de Alan Parker s’appuie sur un ensemble de symboliques très simples mais d’une force visuelle très frappante. Cette étrange insistance sur les ventilateurs en est le plus parfait exemple. Frisant l’obsession, ces scènes de ventilateurs ont beaucoup fait parler d’elles de par la symbolique que le réalisateur semble vouloir leur donner, mais ce serait un tort de faire passer cette interprétation devant la valeur avant tout visuelle de ces images, qui participent à donner ce cachet si particulier et si unique au film. De même, la régulière apparition de ces scènes oniriques remplies de mystère œuvre en ce sens. Angel Heart oscille ainsi sans arrêt entre un réalisme formel hérité du polar et une intrigue manipulatrice qui fait la part belle à l’imaginaire. C’est là le véritable ressort narratif du film: avertit de la teneur sombre et fantastique du film dès les mystérieuses premières images du film (dans une ruelle sombre typiquement New-Yorkaise, une silhouette traverse le champ et s’éloigne au lointain tandis que retentit la complainte d’un saxophone. La caméra recule alors pour nous montrer le cadavre d’un inconnu gisant dans la neige) le spectateur sera très vite entraîné dans une intrigue qui échappe totalement à tout code narratif identifiable. Le résultat est terriblement efficace : impossible de deviner ce qui se passera dans la scène suivante. On est constamment ballottés d’une scène à l’autre dans ce film au rythme en apparence assez calme, mais dont les images sont bâties sur un mouvement constant: le cadre est souvent traversé par une voiture, par des personnages en mouvements etc… L’intérêt constamment maintenu en éveil, le spectateur se laissera ainsi facilement entraîner dans cette histoire, qui se révèle par moments carrément angoissante. Comment en pas être terrifié par ces scènes oniriques dont le film est parcouru? A la fois très démonstratives (le film est par instant très sanglant) et incroyablement mystérieuses, ces scènes horribles prendront tout leur sens au cours d’un final particulièrement traumatisant. Leur impact est encore renforcé par l’excellente partition musicale et les effets sonores dont jouit le film. Le thème principal, très sombre est repris par divers instruments selon le ton de la scène, et souvent accompagné de bruits sourds qui résonnent comme des battements de cœur affolé annonciateurs des scènes les plus angoissantes.

Cette ambiance si particulière dans laquelle baigne le film est également due au moment de l’action, à savoir le milieu des années 50, qui ajoute ici un charme suranné et cossu loin d’être déplaisant. D’autant plus que la reconstitution de l’époque est particulièrement soignée, vieilles voitures et costumes à l’appui. Enfin dernier argument mais pas le moindre, le film bénéficie de la prestation de ses deux acteurs principaux, très impliqués: Mickey Rourke et Robert de Niro. Le premier se distingue par le naturel saisissant de son jeu, tandis que le second brille par son incroyable perfectionnisme. De Niro n’hésitant jamais à longuement discuter de son personnage avec Parker, ajoutant beaucoup de sa personne et de ses idées dans le rôle (c’est notamment lui qui a eu l’idée des ongles longs, de la bague ésotérique et des cannes du terrifiant Louis Cyphre). Le raffinement de son jeu et sa forte présence à l’écran lui permettent de jouer l’un des personnages les plus effrayants vus dans le cinéma fantastique, volant presque la vedette à Mickey Rourke.

Bref, Angel Heart est un splendide film, unique en son genre et enveloppé d’une atmosphère particulièrement dense et mystérieuse, ce qui en fait une oeuvre qui se regarde chaque fois avec un plaisir croissant.

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