CinémaScience-Fiction

La Marque – Val Guest

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Quatermass 2. 1957

Origine : Royaume-Uni
Genre : Science-fiction
Réalisation : Val Guest
Avec : Brian Donlevy, John Longden, Sid James, Bryan Forbes…

Le professeur Quatermass découvre avec l’aide de ses assistants qu’une pluie de météorite s’abat régulièrement sur les restes d’une petite ville de campagne. Se rendant sur place, il constatera que l’endroit est devenu une usine secrète protégée par le gouvernement. Ejecté manu militari, il découvrira en poursuivant ses recherches que l’endroit abrite en réalité une horde d’extra-terrestres capables de contrôler les humains en laissant une certaine marque sur eux, dans le but qu’ils puissent conduire des expériences qui permettront trouver un moyen de supporter l’atmosphère terrestre…

Pendant que la science-fiction américaine se consacrait à la mise en garde du danger que représentaient le nucléaire ou les communistes, les anglais ne restaient pas les bras croisés à attendre de se prendre les boulons du rideau de fer sur la gueule. La courte série télévisée (six épisodes, en fait un sérial) The Quatermass Experiment avait à l’été 1953 obtenu de très beau résultats sur la BBC Television, et une jeune firme montante, la Hammer Films, avait déjà adapté la série au cinéma en 1955 avec Le Monstre, réalisé par Val Guest. Deux ans et une seconde saison télévisuelle plus tard, les bons scores de Quatermass, tant en film qu’en série, entraînèrent une séquelle, toujours réalisée par Val Guest, toujours avec Brian Donlevy dans le rôle-titre, mais avec cette fois la venue non négligeable de Nigel Kneale au scénario. Le créateur de la série télévisée n’avait pu collaborer au premier film pour des raisons légales, mais cette fois-ci, il se charge lui-même d’adapter son propre script au cinéma. Toujours pas content, il finira par renier le film en raison de son aversion pour l’interprétation de Brian Donlevy.

Celui-ci n’a en effet pas grand chose d’un héros classique, comme c’était déjà le cas dans le premier film. Quand bien-même il se charge ici de déjouer les plans d’invasion extra-terrestres protégés par le gouvernement, il rechigne à cotôyer n’importe qui, notamment le bon peuple venu lui prêter main forte dans le final pour l’aider à mettre à bas l’usine (sûrement un vestige du cinéma des années 30, qui aimait beaucoup les liesses de villageois en colère… la Hammer se consacrera d’ailleurs avec succès les années suivantes dans les modernisations des grands mythes classiques) . Pour peu, on croierait que toute cette histoire d’invasion ne l’intéresse que d’un point de vue scientifique, et qu’il ne s’y oppose que dans le but de se faire reconnaître par des gens de son niveau. C’est ainsi qu’il n’aura pour principaux alliés qu’un membre du parlement tout comme lui méfiant vis-à-vis de cette usine protégée, ainsi que l’Inspecteur Lomax, qui se laissera convaincre et qui le mettra en relation avec un journaliste en lequel il n’a pas vraiment confiance (c’est un ivrogne), mais qui est tout juste bon à diffuser l’information.

Cette froideur pragmatique du héros, en plus d’évoquer certains personnages de policiers nés sous des plumes britanniques (Hercule Poirot, Sherlock Holmes), aura pour avantage de ne jamais laisser de recul au spectateur face à une intrigue dans laquelle nous sommes plongés habilement par le biais d’une découverte méthodique, petit à petit, loin de la structure plus émotionnelle d’un film comme L’Invasion des profanateurs de sépultures. Le film de Don Siegel, au sujet pourtant à peu près similaire (l’invasion masquée et le complot) proposait en effet des héros avec lesquels l’identification était facile, et plaçait l’invasion comme une menace contre le mode de vie et de pensée des habitants, que cela ait été sous la forme parabolique de la subversion communiste ou non. Ici, il n’y a pas de cela, et le film de Val Guest porte plus sur un niveau politique que philosophique. En 1957, le Royaume-Uni sortait en effet de diverses crises, dont celle de Suez, traumatisante pour la fierté nationale (c’est lors de cette occasion que l’Empire britannique découvrit qu’il n’était plus une superpuissance). L’opinion publique était alors fort méfiante vis-à-vis de ses représentants politiques, et c’est cet état d’esprit que le film de Val Guest véhicule. Que les envahisseurs soient d’origine extra-terrestres ou non importe peu, finalement, ils ne sont pas la représentation de qui que ce soit et seul le final du film leur donnera une place importante. Mais le secret qui les entoure permet d’introduire l’idée de complot gouvernemental, qui sera plus tard au coeur de la série X-Files, dont le héros, Mulder, est plus ou moins semblable à Quatermass. La concentration de toute l’intrigue dans un milieu industriel, au milieu des tuyaux, des vapeurs et des entrepôts, venant rompre brutalement avec le cadre bucolique qui l’environne, ne fait que rendre encore plus pesante cette conspiration qui touche le héros de plein fouet (c’est lui qui est l’architecte de l’usine, puisque ses plans à l’origine dédiés à une future base lunaire censée acclimater l’homme à l’atmosphère de la lune furent réutilisés par le gouvernement).

N’en déplaise à Nigel Kneale, la sévérité du personnage de Quatermass sert bel et bien le film comme il se doit, le transformant en une science-fiction très matûre, quelque part annonciatrice du cinéma radical des années 70, peut-être plus encore que le Body Snatchers de Don Siegel. Même un certain George Romero y trouva sûrement de l’inspiration pour sa Nuit des morts-vivants, puisque les humains contaminés de La Marque sont appelés “zombies” par leurs collègues indemnes (n’oublions pas que les morts-vivants étaient alors peu fréquents au cinéma) et qu’ils se distinguent par leur agressivité…

 

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