CinémaHorreur

Terror Firmer – Lloyd Kaufman

terrorfirmer

Terror Firmer. 1998

Origine : Etats-Unis 
Genre : Mise en abyme parodique et gore 
Réalisation : Lloyd Kaufman 
Avec : Will Keenan, Alyce LaTourelle, Lloyd Kaufman, Trent Haaga…

Un mystérieux tueur en série perturbe le tournage chaotique d’un film indépendant en plein New York…

Aaah Troma ! Pour les initiés, ce mot rime avec nichons et gore… mais aussi avec humour. En bon film Troma, Terror Firmer ne déroge pas à la règle, et se montre même très généreux en la matière ! Et si le film est effectivement hilarant, il est évidemment à réserver à un public averti : en effet la première scène du film nous montre un pauvre type se faire arracher la jambe à mains nues par une donzelle vexée de ses remarques machos. La séquence suivante nous montre la même fille s’attaquer cette fois à une femme enceinte, éventration et fœtus emporté au menu. Et ce n’est là que l’entrée en matière. Bref, ça saigne beaucoup, mais pas de manière bien sérieuse pour autant. En effet les maquillages et effets spéciaux restent toujours proches d’un amateurisme bon enfant, ce qui installe distance et éclats de rire, même lorsque le fœtus est emporté : le décalage entre le bout de plastique vaguement ressemblant et les pleurs d’enfants enregistrés jouent leur rôle comique à merveille.
Et ce sera ainsi tout au long du film, qui n’hésite pas à aller crescendo dans le gore et à enchaîner les idées les plus folles (dont un obèse découpé à la hache qui se fait avaler par un escalator !) à un rythme soutenu. Terror Firmer trouve donc avec aisance sa place parmi les autres tromas, notamment ceux réalisés par Lloyd Kaufman, créateur et patron de la boîte de production susnommée, mais surtout réalisateur des meilleurs films de la société.

Mais la présence d’effets très gores n’est pas le seul élément “trash” de ce film, qui accumule avec bonne humeur les scènes de sexe explicites, les dialogues très crus, les situation choquantes, les pets et les gros tout nus qui courent au milieu des badauds New-yorkais. Tout ceci avant de plonger généreusement ses protagonistes dans les humeurs les plus nauséabondes, matières fécales et régurgitations buccales comprises. Tout cela est assez dégueulasse et amusant dans sa volonté de choquer les bonnes mœurs, et rapproche fortement cette histoire du mythique Pink Flamingos. D’autant que, à l’instar du film de John Waters, Terror Firmer cache derrière son humour grossier et peu élaboré un vrai engagement transgressif pour la liberté et l’indépendance du cinéma. C’est en cela que Terror Firmer diffère et apporte une plus-value au délires gores que l’on retrouve finalement dans pleins de tromas et d’autres films du même calibre. Car le film fait de la lutte pour le cinéma indépendant son vrai sujet via un procédé de mise en abyme des plus réussis !

Pour cela, le réalisateur Lloyd Kaufman s’inspire de son propre livre All I need To Know About Film Making, I learned From Toxic Avenger (“tout ce que j’ai besoin de savoir sur le cinéma je l’ai appris de Toxic Avenger”) et joue l’acteur dans le film en incarnant un réalisateur aveugle, soucieux de tourner un film indépendant mettant en scène le personnage de Toxic Avenger (héros de la série de films éponymes et emblématique de la société Troma.) Et le film de mettre en scène le tournage d’un film Troma, qui se déroule, comme on peut l’imaginer dans un joyeux bordel coloré. Le tournage rassemble techniciens amateurs, punks et actrices refaites qui ne pensent qu’a se faire passer dessus par le reste de l’équipe. Toute cette joyeuse équipe se retrouvant dans le même idéal d’indépendance, qui leur permet toutes les libertés. Un moyen pour Lloyd Kaufman de rendre hommage à toutes les personnes qui le soutiennent et qui rendent son cinéma possible. En outre, cela permet de hisser l’humour du film à un autre niveau, et le spectateur s’amusera beaucoup de toute l’auto-dérision injectée dans le film (je pense notamment à une scène où deux personnages critiquent une séquence du film qu’ils tournent qui ne sera pas raccord avec le reste, tandis que leur dialogue est mis en scène sans aucun souci de continuité : d’un plan à l’autre leurs places sont changées, il se retrouvent affublés d’accessoires qui disparaissent, etc).

Mais évidemment devant une telle mise en abyme, on a un peu l’impression d’assister au tournage du film qu’on est en train de voir ! Le réalisateur jouant de la similitude jusqu’au bout, allant même jusqu’à dévoiler le script (inventé au jour le jour) à l’avance ou à montrer comment sont réalisés certains effets spéciaux du film. Bref, il casse délibérément toute la “magie” du cinéma, empêchant constamment le spectateur d’être “pris” dans l’histoire via la suspension d’incrédulité en lui rappelant à chaque instant que tout est fiction. Le doute étant de plus mis à mal de prime abord par la mauvaise qualité des effets (une tête qui explose c’est un melon rempli de viande hachée et d’un liquide rouge, et ça se voit un peu…). Et c’est finalement dans cette dimension que le film est le plus subversif.
Parce que bon, le gore et le trash c’est bien beau, mais ça fait longtemps que ça ne choque plus grand monde. Et si à l’époque de Pink Flamingos ou de Toxic Avenger les mutilations et la scatophilie c’était intrinsèquement transgressif, ce n’est plus vraiment le cas à l’heure ou des films comme The Descent ou Martyrs vont loin dans les mutilations organiques et où l’humour pipi caca passe au cinéma avec les types de Jackass ou notre Mickaël Youn national.

Mais s’il est désormais devenu acceptable de voir au cinéma des choses comme une femme enceinte se faire tuer quand cela est justifié par une intrigue, on ne verra pourtant jamais un film comme Terror Firmer passer au cinéma… Pourquoi ? Parce que à l’heure de la 3D et des budgets exponentiels, le grand public rejette l’amateurisme et le mauvais goût. Il est de bon ton actuellement de confondre qualité technique et qualité artistique. Et une chose sale et déglinguée comme Terror Firmer ne pourra jamais être acceptée par ce grand public, avide de belles émotions ou de jolies explosions, filmées sans aspérités où rien ne doit révéler l’illusion de la fiction.
Terror Firmer est un film volontairement petit budget, où les effets spéciaux misent plus sur la créativité et l’originalité que la vraisemblance. Le film proclame haut et fort sa volonté de ne pas avoir plus d’argent, pour garder sa liberté, la liberté de verser dans l’humour gras, le gore sale, et de s’amuser de tout ceci. Et en cela il est véritablement subversif.

L’humour, omniprésent, se hisse alors encore un peu plus haut, et ce qui fait rire à présent ce ne sont pas tant les délires gores outranciers, mais l’audace même du réalisateur. Et l’on rit de voir avec quelle arrogance Lloyd Kaufman se moque de tout et de tout le monde dans son film. Ainsi une scène comme celle où un gros type, nu et aveuglé, court sans repère dans les rues de New York avant de finir sous une voiture peut être certes drôle en tant que telle, si votre sens de l’humour est sensible à ce genre de chose, mais sera également drôle pour le spectateur initié qui verra bien que la scène a été tournée sans autorisations, en plein centre ville et que l’air choqué des badauds n’est pas feint dans la mesure où il s’agit sans doute de véritables badauds !
Car en plus d’être un film gore original, un manifeste féroce pour l’indépendance, Terror Firmer est en plus une véritable comédie qui cache un humour bien plus varié et large qu’il semblerait au premier abord. Et parmi les choses savoureusement rigolotes que je n’ai pas encore citées, il me faut parler de tous les caméos présent dans le film. On y croise ainsi des acteurs français comme Édouard Baer et Ariel Wizman, d’autres chantres du cinéma satirique comme Matt Stone et Trey Parker (les créateur de South Park), des gloires du porno comme Ron Jeremy et enfin des rock star en la personne de Lemmy de Motörhead, dans des rôles des plus surprenants !

Enfin, le film n’en oublie pas d’être satirique et ne respecte rien ni personne. Il fustige volontiers toutes la valeurs familiales sur lesquelles la société américaine s’est construite, et, film sur le cinéma, il se paye aussi le luxe de se moquer des goûts cinématographiques des américains, et de grands noms comme Steven Spielberg en prennent sacrément pour leur grade.

Gore, drôle, explicite, outrancier, sexy, fauché, indépendant, original, fou… les adjectifs ne manquent pas pour qualifier ce Terror Firmer ! En l’état il s’agit d’un film des plus originaux qui assume son statut d’anti-blockbuster et propose une vision du cinéma fondamentalement différente et rafraîchissante de ce qui nous est habituellement proposé. Si Avatar vous fatigue et que Gran Torino vous emmerde, vous savez ce qu’il vous reste à faire !
Punk jusqu’au bout de sa pellicule, Terror Firmer est sans doute l’attentat à la pudeur le plus réjouissant qu’il m’ait été donné de voir !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.