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Halloween II – Rick Rosenthal

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Halloween II. 1981

Origine : États-Unis 
Genre : Slasher 
Réalisation : Rick Rosenthal 
Avec : Jamie Lee Curtis, Donald Pleasence, Charles Cyphers, Dick Warlock…

Le début des années 80 est une période dorée pour les producteurs de tous poils. Le slasher, genre facile à mettre en boîte pour un budget minimum, prend son envol commercial. Les tueurs masqués commencent à abonder et menacent de voler la vedette à Michael Myers, celui qui avec Halloween leur avait ouvert la voie des salles de cinéma. Il eut été dommage que l’image toujours vivace de Myers ne soit pas entretenue, surtout qu’il y avait encore beaucoup de sous à se faire sur son dos. Producteur de l’original, Moustapha Akkad s’allie donc à Dino De Laurentiis pour mettre deux millions et demi de dollars sur la table (à peu près huit fois le budget de l’original), largement de quoi écraser la concurrence. Invité à reprendre le poste de réalisateur, John Carpenter décline l’offre généreuse qui lui est faite, mais se retrouve tout de même à rédiger un scénario en compagnie de sa partenaire Debra Hill. Il propose de déléguer la réalisation à Tommy Lee Wallace, qui occupait les postes de directeur artistique et de monteur sur Halloween premier du nom. Devant le refus de son vieil ami, Carpenter choisit Rick Rosenthal, davantage séduit par son court-métrage Toyer que par ses épisodes de l’éphémère série télé Secrets of Midland Heights. Débutant dans le long-métrage, Rosenthal se retrouve donc à devoir donner une suite au plus célèbre des slashers. Tâche périlleuse.

Le scénario, qui devait à l’origine se situer quelques années après les évènements d’Haddonfield, embraye finalement sur la fin du film de Carpenter. Les dernières images d’Halloween sont donc les premières de Halloween II. Blessée et en état de choc, Laurie Strode (toujours Jamie Lee Curtis) est conduite à l’hôpital du coin pendant que le Dr. Loomis (toujours Donald Pleasence) continue à rechercher Michael Myers, qui a survécu aux coups de feu et à une chute du premier étage de la maison des Strode. Il ne se doute pas que Myers est à la recherche de Laurie, et qu’il a une raison bien particulière pour lui en vouloir autant…

A suite immédiate, continuité imposée. Plein de respect pour son prédécesseur, Rick Rosenthal cherche d’abord à faire comme lui, c’est à dire à recréer ce climat d’angoisse qui faisait de Michael Myers l’incarnation du mal absolu. Cette ambition se traduit en pratique par un style de mise en scène qui se veut très proche de celui de Carpenter. Rosenthal dispose pour lui d’un atout non négligeable : là où Carpenter devait d’abord installer son intrigue et présenter les personnages tout en ne perdant pas le spectateur en cours de route, lui peut d’emblée utiliser le climat de terreur qui règne à Haddonfield. C’est la nuit d’Halloween, plusieurs corps ont été retrouvés et le tueur court toujours. Rosenthal peut donc user de ces visions à la première personne, marquées par la lenteur inquiétante et par la musique du premier film, toujours aussi efficace. Entre le début du film et le moment où Myers réussit à localiser Laurie Strode, Rosenthal se permet un meurtre qui n’apporte strictement rien à l’histoire mais qui a toujours le mérite de montrer que notre psychopathe est toujours bon pied bon œil. Il faut reconnaître au réalisateur qu’il a le soucis de ne pas traiter Myers comme une vulgaire brute épaisse. Grâce à la mise en scène, le personnage ne cesse pas totalement d’être “la silhouette” (ainsi fut il crédité dans le générique du premier film) sortant de l’ombre dans les seconds plans, laissant les spectateurs attendre avec tension la mort d’une victime au premier plan. Isoler Myers dans l’hôpital ne change finalement pas grand chose, bien au contraire : les couloirs sombres et vides sont un cadre parfait pour les infortunées surprises. Niveau mise en scène et composition des plans, il n’y a rien à dire : Rosenthal a fait du beau travail.

Tout n’est hélas pas du même niveau. Emporté par son élan autant que par la mode du moment, qui est à la mise en vedette des tueurs, le réalisateur utilise Myers plus souvent que ne le faisait Carpenter. Ce dernier parvenait à diffuser la présence du tueur même dans les scènes où il n’apparaissait pas. Rosenthal ne cherche pas vraiment à faire de même, Myers perdant un peu de son aura maléfique au passage malgré les incessants avertissements du Dr. Loomis, qui passe son film à répéter que son ancien patient n’a rien d’un humain (très bonne prestation de Donald Pleasence pour un personnage qui radote un peu trop). L’interprète de Myers n’est plus le même : Dick Warlock remplace Nick Castle, parti entamer une carrière de réalisateur. Moins fine, plus “jason-voorhiesienne” (l’homme est d’ailleurs cascadeur de formation, comme plusieurs des acteurs ayant eu la chance de jouer Jason) sa silhouette n’est pas adaptée au style travaillé de la mise en scène. Les bases de la déchéance sont encore minces mais se trouvent indéniablement posées : Myers commence à se rationaliser, devenant davantage une machine à tuer que cette entité sans âme qu’il est censé être. Bien plus présent que dans le premier film, le gore procure certes quelques scènes assez croustillantes, mais il marque aussi une rupture avec les racines de Halloween, film plus proche du thriller que du film d’horreur. La nature des personnages fait d’eux des victimes en puissance, ce qui serait acceptable si Rosenthal ne commettait pas quelques fautes de goût, telle que le vol plané du chevalier servant de Laurie Strode, assommé après avoir dérapé sur une flaque de sang (ridicule !). Encore plus dommageable, l’oubli pur et simple du personnage de Jamie Lee Curtis, dans les vapes pendant l’intégralité du film. L’héroïne du premier film n’est ici qu’un appât pour Myers et donc pour le Dr. Loomis, les deux vraies vedettes du film. En cela, Rick Rosenthal se rapproche bien plus de Vendredi 13, dont le seul objectif est de placer le plus de meurtres possibles, sans se soucier de personnages qui ne sont que des écrans de fumée permettant de tenir jusqu’à une fin prévisible. Le scénario participe donc grandement à faire de Michael Myers un futur bourrin psychopathe, allant inventer cette sombre histoire de parenté entre le tueur et Laurie Strode, annoncée d’abord par une scène de rêve insipide puis par un “dossier déclassifié” tombant dans les dialogues comme un cheveu sur la soupe. Vendredi 13 reprenait à Halloween l’idée du jour maudit (Carpenter l’ayant lui-même certainement puisé dans l’excellent Black Christmas), et Halloween II reprend à Vendredi 13 l’idée de construire une mythologie familiale au tueur. Du pain bénit pour d’éventuelles séquelles. De là à penser que le procédé ne fut placé que dans ce but, il n’y a qu’un pas que l’on franchira allègrement en constatant que l’anecdote n’a aucune utilité pratique dans le récit. Ce qui n’est pour le moment pas trop regrettable, d’ailleurs, puisque pour le coup la “silhouette” serait devenue définitivement un être humain, sabordant totalement la qualité de la mise en scène collant encore au film de Carpenter.

Halloween II se retrouve coincé entre deux tendances. D’un côté, les maladresses et autres mauvaises idées y sont nombreuses, mais de l’autre, Rick Rosenthal ne les marque pas aussi fort que ne le font un Sean Cunningham ou un Steve Miner dans les premiers Vendredi 13, préservant même l’essentiel, c’est à dire le premier degré raffiné utilisé par John Carpenter quelques années auparavant. Le rôle joué par le scénariste dans cette séquelle peut d’ailleurs être mis en question, puisqu’il retourna quelques scènes au grand dam d’un Rick Rosenthal qui jura ses grands dieux de la réussite de son film. Le procédé étant discutable, il n’est pas exclu que le grand John ait cherché à atténuer l’apport d’un jeune gars qu’il pensait capable de lui faire de l’ombre.

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