CinémaHorreur

Halloween – John Carpenter

halloween

Halloween. 1978

Origine : États-Unis
Genre : Slasher
Réalisation : John Carpenter
Avec : Jamie Lee Curtis, Donald Pleasence, Nick Castle, P.J. Soles…

Halloween est aujourd’hui perçu à raison comme le père de tous les slashers modernes. Pourtant, il serait un peu hâtif de dire que le film de Carpenter a entièrement créé le genre. Avant lui, d’autres films avaient déjà préfigué cette sorte bien particulière d’épouvante, liée à un tueur s’evertuant à décimer un casting essentiellement féminin. Citons déjà les gialli italiens, toute une vague de films principalement initiés par les films de Mario Bava tels que La Baie sanglante ou encore Six femmes pour l’assassin, qui eux-mêmes s’inspirèrent des classiques de la littérature ou du cinéma policier. Autre film marquant : l’américain Black Christmas de Bob Clark, tourné en 1974 et qui pour certains marque le vrai début du slasher à l’américaine telle qu’on le connaît maintenant. Mais c’est à la troisième inspiration principale à laquelle se réfère le plus John Carpenter : le Psychose d’Alfred Hitchcock. D’ailleurs le cinéaste ne s’en cache pas, reprennant le nom de Loomis à son modèle, et engageant pour le principal rôle féminin Jamie Lee Curtis, fille de Janet Leigh, celle-là même qui se faisait assassiner sous la douche par Norman Bates. C’est donc bel et bien dans Psychose que le film culte de Carpenter va prendre ses racines pour initier ce qui est devenu par la suite l’un des genre les plus répendus dans le milieu de l’horreur.

Il faut dire que ces films ne sont pas parmis les plus difficiles à faire, puisque leur scénario se limite donc à la simple présence d’un tueur en série. Halloween n’échappe pas à la règle et nous présente ainsi Michael Myers, psychopathe muet ayant assassiné sa soeur la nuit d’Halloween 15 ans auparavant, et qui trouve le moyen de s’échapper le soir-même où le Docteur Loomis (Donald Pleasence, après que Peter Cushing et Christopher Lee eurent refusé le rôle) vient le chercher à l’asile pour le faire paraître en justice. Myers va repartir sur ses terres, à Haddonfield, en Illinois, et la nuit d’Halloween promet d’être dure pour les jeunes gens qui traînent près de ce qui fut sa maison.

Difficile aujourd’hui d’avoir un avis objectif sur Halloween, tant la vision du film est biaisée par toute les repompes qui ont suivi et qui continuent encore à être produites presque 30 ans après le film de Carpenter. Tout, mais vraiment tout a été maintes fois repris : la vision subjective nous plongeant dans la peau du tueur, la musique angoissante, l’érotisme, les jeunes fumeurs de joints et baiseurs patentés qui sont les principales victimes, à l’opposé d’une jeune vierge studieuse déstinée à être l’héroïne… Et il faut bien dire qu’à ce titre, revoir Halloween n’est pas vraiment la chose la plus enthousiasmante qui soit. La surenchère sanglante n’était alors pas vraiment de mise, et les amateurs de gore en sont pour leurs frais. Plus de cinquante minutes séparent le début du film, nous dévoilant le meurtre commis en 1963 par un Michael Myers encore enfant du meurtre commis en 1978 par un Myers devenu adulte. Entre-temps, des jeunes oisifs vaquent à leurs occupations adolescentes ciblées autour du flirt et du baby sitting. Carpenter prend pour cadre une petite ville de l’Illinois (même si le film fut tourné en Californie) et ne cherche pas vraiment à développer ses personnages. En revanche, il cherche dès le début à rendre son film angoissant, en dépit de la relative absence d’un Michael Myers qui ne fait que se montrer furtivement aux yeux de l’héroïne. La mise en scène est dynamique, et Carpenter manie avec une habileté rarement égalée le traveling, la vision subjective et la gestion de ses espaces, Myers apparaissant alors la plupart du temps au milieu du décor, telle une ombre (son interprète, Nick Castle, est d’ailleurs crédité au générique dans le rôle de “the shape”, c’est-à-dire “la forme” en anglais). Il utilise aussi sa propre musique, désormais très célèbre, qui devient une incessante mélodie aux oreilles des spectateurs mis en condition pour les quarante dernières minutes du film, là où l’action commence à battre son plein. Mais avant, il prend également bien soin de dessiner la personnalité de Michael Myers grâce au personnage du Docteur Loomis, sorte de Van Helsing des temps modernes, obsédé par le mal qu’est capable de faire son ancien patient et qui tente par tous les moyens de se faire écouter des autorités de la ville d’Haddonfield. Sans faire injure à Donald Pleasence, de toute façon impeccable, il aurait été très interessant de voir Peter Cushing dans ce rôle. Car la conviction avec laquelle Loomis parle de son patient dépasse de loin le cadre du simple avertissement (ce que se contenteront de faire les successeurs de Loomis dans les dérivés d’Halloween, à commencer par le Vendredi 13 de Sean S. Cunningham avec son vieux Ralph) et feront du personnage un véritable halluciné qui annonce plus ou moins l’apocalypse en cas du retour de Myers. C’est que pour lui, Myers est le mal absolu, une figure aux yeux noirs qui n’a rien d’humain. C’est là que Carpenter sort du cadre de Psychose pour plonger de façon plus directe dans l’épouvante : si le fantastique n’y est pas explicite en revanche il est latent dans la description de Myers donnée par Loomis, qui n’est pas sans rappeler les dialogues de Peter Cushing dans les Dracula du temps de la Hammer.

Malheureusement, tout ceci ne pourra qu’apparaître superflu voire grotesque aux spectateurs que nous sommes, et qui continuent à digérer d’innombrables slashers qui se sont efforcés de reprendre les recettes du film de Carpenter, sans parvenir tout de même à les égaler. Un vague sentiment d’ennui se fera ressentir durant ces premières cinquante minutes, le brio de la mise en scène de Carpenter sera attenué par l’absence de spectacle concret et par une dernière partie qui viendra décrédibiliser quelque peu les efforts de Donald Pleasence. Car quand il frappera, Myers ne sera pas très différent de ses nombreux collègues apparus après lui, et les quelques meurtres qu’il effectuera ne seront pas franchement dignes des paroles de Loomis. Son comportement d’indestructible tueur masqué, inspiré par le personnage de Yul Brynner dans Mondwest, inspirera lui aussi un sentiment de déjà vu, tout comme le rebondissement final (qui pour le coup est peut-être maintenant la chose la plus courrante de tout le cinéma fantastique et d’horreur). Alors certes, l’application de la mise en scène de Carpenter fut à l’époque révolutionnaire, le cinéaste a touché au génie et encore aujourd’hui on ne peut qu’apprécier ses qualités, mais la contrepartie de son succès, les imitations, ont malheureusement plombé le style employé sur Halloween. Même la volonté de transfigurer une fête bonne enfant basée sur la peur pour en faire un réel moment de menace (ce que parvient largement à faire Carpenter à l’évocation du croque-mitaine) a été reprise par des films comme Vendredi 13 (l’exploitation de la fameuse journée porte-malheur) ou Douce Nuit Sanglante Nuit (avec son Père Noël tueur). Sans compter la St-Valentin et la Fête Nationale, qui depuis se sont eux aussi vu attribuer un tueur en série.

Halloween est un excellent film, il n’y a pas vraiment à en discuter (à part si l’on considère que plagié ou pas, le film de Carpenter demeure vide et chiant, ce qui n’est pas mon cas). Par contre sa vision reste assez pénible et le fait passer pour un slasher prude, comparé à des films qui ont poussé le concept jusqu’au bout, tout en saccageant les recettes de mise en scène qui ont fait du film de Carpenter le classique qu’il est aujourd’hui. C’est triste mais c’est ainsi : il y a certains films qui à force d’en inspirer d’autres par leur immenses qualités perdent une grande partie de leur force d’origine.

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