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Alligator – Sergio Martino

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Il fiume del grande caimano. 1979

Origine : Italie
Genre : Horreur animale
Réalisation : Sergio Martino
Avec : Barbara Bach, Claudio Cassinelli, Mel Ferrer, Romano Puppo…

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Le photographe Daniel Nessel (Claudio Cassinelli) arrive au complexe touristique de Paradise House sur l’invitation de son promoteur, Joshua (Mel Ferrer), qui emploie ses services pour promouvoir le site. Sur place, il constate que la tribu voisine, les Kumas, travaille en bonne entente avec Joshua et que tout semble prêt pour une ouverture imminente. Mais la disparition d’un guerrier Kuma et de Sheena (Geneve Hutton), le modèle de Daniel, vient troubler la précaire tranquillité de l’endroit. Mais si Joshua minimise l’événement du fait de la venue des premiers touristes le lendemain, les Kumas sont quant à eux persuadés que le dieu Kruna, un alligator de très grande taille, est en colère à cause des Blancs. Pour le calmer, seuls quelques sacrifices seront efficaces, comme celui de l’anthropologue Alice Brandt (Barbara Bach), par exemple.

Après La Montagne du dieu cannibale, modeste contribution qui surfe sur la vague du film de cannibales, éphémère sous-genre du cinéma bis italien, et l’intermède sarde Le Continent des hommes-poissons, Sergio Martino retourne en Malaisie pour tourner Alligator (en dvd, le film a été retitré Le Grand alligator pour ne laisser aucun doute quant aux dimensions de l’animal), un démarquage en règle de Piranhas, sachant que ce dernier se présentait déjà comme un ersatz des Dents de la mer. Tout cela en dit long sur l’originalité du projet.
Des Dents de la mer, Sergio Martino reprend le prédateur aquatique aux proportions gigantesques ainsi que les plans subjectifs de la bête en quête d’une proie. Mais là où Steven Spielberg cachait à dessein son animal pour ne nous le révéler entièrement que lors de la traque finale, Sergio Martino n’hésite pas à nous le montrer dès sa première attaque, alors que la fausseté de son alligator est encore plus flagrante que celle du requin. Oh, il se garde bien de nous dévoiler l’animal dans toute sa grandeur, mais le peu qu’il montre (une mâchoire qui semble lavée au Pepsodent et un œil figé) ne laisse aucun doute quant à la médiocrité des effets spéciaux. Et, à force d’accumuler les scènes sur le mode du « attention, l’alligator va frapper ! » sans qu’il ne se passe rien, Sergio Martino ruine toutes possibilités de suspense et de montée crescendo de la tension. Au lieu de jouer sur nos nerfs, ce procédé mal utilisé nous conduit plus sûrement à nous désintéresser d’une intrigue déjà pas bien folichonne. Et en ce qui concerne Piranhas, Alligator reprend l’idée du parc de loisir -dont le promoteur se révèle plus sensible aux profits colossaux qu’il espère acquérir qu’à la possibilité d’avoir un alligator aussi énorme que vorace dans les parages- et le léger sous texte écologique. Le film s’ouvre d’ailleurs sur l’image d’employés du Paradise House dynamitant tous les arbres alentours afin d’en étendre la surface constructible. Se faisant, ils réduisent comme peau de chagrin le territoire des Kumas et anéantissent une bonne partie de la faune et de la flore. Pourtant, Joshua jure ses grands dieux avoir obtenu l’accord des Kumas et que, en outre, ils n’ont pas eu à souffrir de l’installation du complexe. Au contraire, il se vante de l’aubaine que la venue prochaine de touristes représente pour eux, soulignant de surcroît, que de nombreux membres de la tribu travaillent pour lui, participant ainsi à la touche typique et sauvage qu’il a voulu donner à sa création. Dans ce contexte, il est facile de voir en l’apparition de Kruna la vengeance de mère nature qui cherche à bouter hors de chez elle ces hommes blancs arrogants et destructeurs. Pour le reste, Sergio Martino en reste là des considérations écologiques de son film, préférant se concentrer sur les colères conjuguées de Kruna et des Kumas.

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La Montagne du dieu cannibale fournissait déjà quelques indices que Alligator vient très vite confirmer : Sergio Martino doit adorer la série des Tarzan interprétés par Johnny Weissmuller. Comme dans ces films, les premiers à mourir sont les autochtones. Certes, Sheena est une citadine mais elle partage avec les Kumas la même couleur de peau et donc participe à cette imagerie du bon petit sauvage juste bon à se faire tuer en attendant les choses sérieuses. Construit sur un rythme très lâche et multipliant les péripéties annexes qui n’apportent rien à l’histoire (la visite au missionnaire fou, le père Jonathan, dont le but se limite à la confirmation de l’existence d’un alligator géant), le film se traîne péniblement en longueur jusqu’à l’attaque finale qui sera dirigée, comme dans Les Dents de la mer et Piranhas, contre un bateau. A cette occasion, la menace se dédouble puisqu’à l’alligator s’ajoutent les Kumas qui, furibards, détruisent le village de vacances et tuent tous ceux que Kruna n’a pas pu croquer. Veinard, Joshua mourra lors de ce double assaut, lui évitant ainsi de répondre de ses actes et de devoir enfin assumer tous les morts issus de sa cupidité. Quant au jeu de massacre en lui-même, il s’avère aussi terne que le reste du métrage, Sergio Martino n’étant pas homme à verser dans le sanguinolent, sauf lorsque le marché le réclame. Sur ce point, le film étant désespérément avare en scènes croquignolettes (Kruna tue ses victimes de manière peu brutale), on peut en conclure que le marché européen n’était pas si demandeur que ça en scènes sanglantes et/ou érotiques. D’ailleurs, de l’érotisme il n’y en a pas non plus dans le film, ou alors de façon très discrète par le truchement de la robe blanche déchirée et mouillée de Barbara Bach lorsque celle-ci est sauvée par Daniel du sacrifice auquel elle était destinée. C’est d’autant plus regrettable que mise à part cette touche sensuelle et glamour, on se demande bien à quoi peut bien servir le personnage de Alice Brandt tant celui-ci se retrouve confiné dans une posture de potiche. Au début, nous la voyons minauder et répondre aux œillades appuyées du photographe pour, au détour d’une conversation durant laquelle Daniel témoigne d’un flagrant manque de subtilité, le rembarrer alors qu’il pensait être à deux doigts de conclure. Par la suite, elle se contente de le suivre partout jusqu’au moment où le scénario réclame d’elle qu’elle se mette dans la peau de la femme à sauver d’une mort certaine. Quoique certaine… rien n’est moins sûr tant Kruna semble indécis au moment de croquer ses victimes, l’animal faisant des allers et venus entre le radeau du couple vedette et le bateau en perdition des touristes sans montrer une grande obstination. Sans doute que son aspect bricolé et un peu raide a contribué à freiner ses ardeurs meurtrières.

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Mou du genou, sans idées et médiocrement réalisé, Alligator constitue une belle déception. Pas tant par les attentes suscitées (en ce qui me concerne, avec ce genre de films bis italiens, je ne peux être qu’agréablement surpris tant j’en espère peu) que par les non-dits d’une conclusion qui est loin de mettre un terme à cette banale histoire d’alligator croqueur d’hommes. Il est difficile d’imaginer les Kumas s’en tirer à si bon compte alors qu’ils viennent de se rendre complices d’un massacre. Dès lors, imaginer ce qui pourrait suivre, à savoir l’extermination pure et simple de la tribu par des autorités revanchardes malgré les suppliques de l’anthropologue Alice Brandt (elle prendrait alors une toute autre dimension) pour éviter que plus de sang ne soit versé, devient plus passionnant que ce qui a précédé. Une preuve supplémentaire de l’échec de Sergio Martino, pas le plus doué des artisans italiens, en tout cas en ce qui concerne ce type de films.

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