Shark – David R. Ellis
Shark Night 3D. 2011Origine : Etats-Unis
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Au diable les révisions ! Grâce à Malik qu’il a aidé à conserver sa bourse d’étude, Nick est convié à passer le week-end dans la maison de Sara Palski, sise sur une île au milieu du lac Crosby. Une aubaine pour lui qui jusqu’à présent n’a jamais eu l’occasion de converser avec la jeune femme, et pour laquelle il a le béguin. Le week-end s’annonce donc sous les meilleurs auspices. Trop sans doute, puisque dès la première virée en ski nautique, Malik se fait arracher le bras par un requin. Il n’en fallait pas davantage pour transformer ce week-end idyllique en véritable cauchemar.
Parfaite machine à tuer, le squale demeure cet indémodable vecteur de fantasmes liés à la peur indicible qu’il suscite. Cette peur, Steven Spielberg a su mieux que quiconque l’exploiter, au point qu’encore aujourd’hui, Les Dents de la mer reste un modèle de suspense inégalé. Depuis, on ne dénombre plus la foultitude d’ersatz que le film a engendré, et pas forcément maritime d’ailleurs, pour peu qu’on se souvienne de la structure de L’Ombre et la proie, épousant celle des Dents de la mer, des lions se substituant au grand requin blanc. Aujourd’hui, les choses ont quelque peu changé. Avec la démocratisation des effets numériques, les requins gagnent en visibilité ce qu’ils perdent en force de suggestion. La plupart des réalisateurs se complaisent désormais de leurs attaques, filmées le plus souvent de manière frontale, alors que la simple vision de leur aileron fendant les flots suffit déjà à instaurer un climat de tension. Sur ce point, Shark se démarque quelque peu de ses congénères. S’il n’hésite pas à dévoiler ses requins dans des postures particulièrement acrobatiques, 3D oblige, David Ellis se montre moins disposé à en détailler les attaques. Et cela pour la simple et bonne raison que les squales n’incarnent pas ici la menace principale, n’étant que les outils d’une sombre combine.
Et oui ! A tout ceux que la présence de requins dans un lac -fusse-t-il salé- interpelle, le film apporte une réponse somme toute bien dans l’air du temps. Il ne s’agit plus de dépeindre les requins comme des monstres, car dans ce domaine, il n’existe pas plus monstrueux que l’homme lui-même. Mais attention, pas n’importe lequel ! Celui-ci se devra de vivre dans des zones reculées, éloignées des zones urbaines. Des bouseux, quoi ! A ce titre, Shark n’œuvre pas dans la finesse. Dès leur apparition, les autochtones nous sont dépeints sous leur jour le plus vil. L’un, le gérant de la supérette, se délecte devant son écran de vidéosurveillance diffusant des images en direct des WC pour dames, tandis que l’autre, Red, se complaît de propos à la fois sexistes et racistes à l’égard de Maya. Seul Dennis s’en sort avec le bénéfice du doute, en sa qualité de vieil ami de Sara. Face à eux, les étudiants sont des parangons de vertu. Esprit de sacrifice, bravoure, loyauté, respect de leur prochain, telles sont quelques-unes de leurs qualités mises en exergue. Ils paraissent irréprochables, si l’on excepte la manie de Blake de s’asperger les parties génitales de crème solaire (alors qu’il ne s’adonne pas au nudisme), la timide approche de Gordon pour obtenir les faveurs de la jolie Beth, et leur goût pour le red bull. Ainsi dressé, le tableau apparaît dans tout son manichéisme et ne sera guère infléchi que pour différer un rebondissement couru d’avance et jamais pleinement assumé dans sa dimension voyeuriste.
De manière générale, Shark ne propose pas grand chose de très croustillant, se bornant à suivre les voies balisées du film d’horreur tout public. Un comble. Ainsi, tout méchants qu’ils soient, les autochtones ne dépassent pas une certaine limite dans leur sadisme. Pourtant, il est assez difficile à croire que le plus libidineux d’entre eux ne nourrisse pas quelques pulsions à l’égard de cette jeune donzelle totalement à sa merci. Il en va de même de son acolyte qui pour la forme demande à cette même jeune femme de se mettre en sous-vêtements. Pour quelqu’un qui vient de passer la journée en maillot de bain, il y a plus traumatisant que ce léger effeuillage. Face à la fadeur des antagonistes humains, on se tourne légitimement du coté des attaques des requins pour avoir une bonne dose de bestialité, mais là encore, la tiédeur prime. Sur ce point, il ne faut surtout pas se fier à un générique mensonger lors duquel se succèdent des attaques de requins dans un habillage rouge vif des plus évocateurs. En pratique, nous voyons peu les squales à l’œuvre, leurs assauts se déclinant presque invariablement en des remous dans l’eau, quelques plans sous-marins de leurs victimes et leur sang rougeoyant la surface. Les seules scènes où nous voyons vraiment le requin choper sa victime sont à mettre au profit d’une recherche de spectaculaire… et d’une justification de la 3D. C’est propre, c’est net, c’est barbant. A mesure que le film dévoile son programme, l’insipidité du contenu prend de l’ampleur jusqu’à un final aussi attendu que redouté qui démontre une fois encore que le cinéma américain a un vrai problème avec la gent canine. Si au moins le film était drôle ! Peine perdue, David Ellis joue la carte du sérieux jusqu’à l’absurde, un grand moment de n’importe quoi travesti en séquence émotion (à moins que ce ne soit l’inverse) lors duquel Sara Palski révèle ses fêlures à un Nick très affecté. Espérer la séduire est à ce prix.
Shark est de ces produits sans âme qui déferlent dans les salles dès les premières chaleurs de l’été, le combo filles en maillots de bain-requins devant suffire à attirer le chaland abruti de soleil. Rien de rafraîchissant là dedans, juste un enchevêtrement de péripéties peu trépidantes au service d’un récit dont la logique est rétrospectivement mise à mal par l’inutile scène d’introduction. Un film de plus à mettre au passif des requins au cinéma, qui paradoxalement n’ont jamais eu autant le vent en poupe, sévissant dans des lieux de plus en plus improbables (le sable dans le bien nommé Sand Sharks, un supermarché inondé dans Bait).