CinémaFantastique

Les Prédateurs – Tony Scott

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The Hunger. 1983

Origine : Royaume-Uni 
Genre : Vampires new wave 
Réalisation : Tony Scott 
Avec : Catherine Deneuve, Susan Sarandon, David Bowie, Cliff de Young…

Miriam et John Blaylock (Catherine Deneuve et David Bowie) arpentent les soirées new-yorkaises en quête de nouvelles victimes. Leur survie est à ce prix. Au lendemain d’une “chasse” fructueuse, John ne peut que constater l’évidence : il vieillit. Pour comprendre ce qui lui arrive, il rend visite au docteur Sarah Roberts (Susan Sarandon), éminente spécialiste en vieillissement, sur laquelle Miriam a jeté son dévolu.

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Frère cadet de Ridley Scott, Tony débute sa carrière au moment où, on ne le savait pas encore, Ridley achevait -officieusement- la sienne. Ben oui. Depuis Blade Runner (1982), on ne compte plus les films au mieux passables (Legend, Black Rain, Gladiator), au pire franchement navrants (G.I Jane, Hannibal, Prometheus) dans lesquels l’aîné de la fratrie a dilapidé un talent loin d’être éternel.
D’éternité, il en est justement fortement question dans Les Prédateurs, interprétation très libre du mythe vampirique. En débutant son film par une prestation live du groupe Bauhaus, interprétant l’un de ses titres emblématiques -Bela Lugosi’s dead-, Tony Scott annonce d’emblée la couleur. Bien que pleinement conscient de l’héritage du mythe vampirique au cinéma (Bela Lugosi étant le premier acteur à avoir officiellement interprété Dracula dans le film éponyme de Tod Browning en 1931), le néo réalisateur balaie d’un revers de main tous ces poussiéreux apparats pour les mettre au goût du jour. Ainsi, ses vampires se retrouvent dépourvus de canines proéminentes, et peuvent à loisir se promener en plein jour, sans l’adjonction de crème solaire indice 50. Son film, Tony Scott le veut chic et choc, et le bonhomme n’y va pas par quatre chemins pour obtenir ce qu’il souhaite. Cela passe bien évidemment par son casting, qui oppose David Bowie, quintessence de la rock star, à Catherine Deneuve, incarnation de la classe à la française. Un couple des plus glamours qui curieusement n’occupe que peu de place à l’écran. Mais surtout par un habillage (photographie, décors) chichiteux en diable qui trahit le passé de réalisateur de spots publicitaires de Tony Scott. A tel point que Les Prédateurs ressemble davantage à une nouvelle campagne de pub pour les parfums Chanel, dont Catherine Deneuve fut l’égérie, qu’à un film fantastique. Il faut voir l’actrice au réveil pour comprendre le soin maniaque apporté à chaque scène. Mise en plis parfaite, vêtements classieux, port altier… En toute circonstance, Catherine Deneuve est l’élégance même. En contrepartie, la froideur qu’elle affiche en permanence contamine tout le film, au point de lui ôter ce côté charnel inhérent au mythe vampirique. Il ne suffit pas d’une scène saphique pour rendre le film sensuel. Au contraire, tout ce qui a trait à la romance naissante entre Miriam et Sarah relève davantage du roman-photo que de l’érotisme trouble. Pour dépeindre les rapports entre les deux femmes, Tony Scott use de situations (le verre de cherry renversé fort à propos sur le t-shirt de Sarah appelle un déshabillage en règle de la maladroite) et de dialogues sentencieux tellement naïfs que cela frôle l’acte volontaire. Tony Scott ne recule devant aucune facilité pour amener ses deux interprètes féminines là où il l’entend, autrement dit au pieu (non, pas celui si fatal aux vampires, mais plutôt le réceptacle privilégié des ébats amoureux). Il confesse d’ailleurs avoir puisé son inspiration du travail du photographe Helmut Newton pour érotiser son film. Par ses flous artistiques, David Hamilton me semble une influence tout aussi pertinente. Cela dénote d’une volonté de recourir à une imagerie des plus évocatrices pour titiller le spectateur, sauf que ce qui fonctionne pour une photographie ne marche pas forcément pour un plan. Amenée lourdement, ladite scène est plus encline à enclencher l’hilarité qu’à provoquer des bouffées de chaleur. Et lorsque à l’inoculation de l’immortalité via la traditionnelle morsure (le creux du bras a remplacé le cou) succède un gros plan sur un morceau de viande bien saignant, le criant manque de subtilité de Tony Scott se mue en distanciation volontaire. Au fond, il n’a que faire du genre fantastique et des thèmes qu’il brasse. Derrière cette clinquante entreprise se cache un désir, conscient ou non, de s’affirmer comme l’égal de son frère, à coup d’images léchées. C’est oublier un peu vite que de la belle image au service de rien confine à la vacuité. En outre, sa mise en scène abusant de tous les effets à la mode rend son film, près de 30 ans après, effroyablement daté et ringard.

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Pour autant, tout est-il à jeter dans Les Prédateurs ? Et bien non, et c’est bien là que naît une légère frustration. Nonobstant une mise en scène trop précieuse et un montage agressif, le film suscite l’intérêt tant que le personnage de John Blaylock occupe l’écran. Ce pauvre bougre qui vit un véritable drame en se sentant dépérir à petit feu alors que Miriam lui avait justement promis la vie éternel. Le clou du spectacle n’est donc ni à chercher dans les ébats de midinettes entre Miriam et Sarah, ni même lors de l’explosion d’horreur du final, mais dans cette scène tristement quotidienne d’un homme patientant dans une salle d’attente, et à laquelle le fantastique, par petites touches, confère une dimension surréaliste. Guère pris au sérieux par cette même Docteur Roberts qui, à son insu en précipite la fin, John vieillit de 50 ans en l’espace de quelques heures. Une scène saisissante qui tend à rendre prégnant le mal qui le ronge. Il ne souffre pas tant de vieillir que du manque d’amour de Miriam, veuve noire autant que vampire, dont les promesses de vie éternelle ne durent que le temps de ses sentiments. Le vampirisme n’est donc pas tant vu comme une maladie que comme un acte d’amour, empreint de tares typiquement humaines, l’égoïsme au premier chef. Cette promesse d’éternité n’est qu’un leurre que Miriam fait miroiter à ses conquêtes pour n’avoir jamais à vivre seule. De même que l’amour que ces vampires dispensent ne résiste guère à leur soif de vivre.

Objet de curiosité plus que grand film, Les Prédateurs demeure à part dans la carrière de Tony Scott. Quelque peu échaudé par la mauvaise réception du film, il met dès lors de côté ses visées expérimentales pour se fondre dans le moule du blockbuster hollywoodien. Alors qu’il avait refusé Flashdance pour réaliser Les Prédateurs, il ne décline pas la seconde proposition du duo Bruckheimer/Simpson : Top Gun. Un succès qui en appellera d’autres pour un résultat le plus souvent impersonnel.

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