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Les Cauchemars de Freddy 1-06 : Saturday Night Special – Lisa Gottlieb

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Freddy’s Nightmares. Saison 1, épisode 06
Saturday Night Special. 1988

Origine : Etats-Unis 
Genre : Fantastique 
Réalisation : Lisa Gottlieb 
Avec : Robert Englund, Shari Shattuck, Scott Burkholder, Molly Cleator…

Dans la première partie de cet épisode, un certain Gordon (Scott Burkholder), lassé d’être célibataire, décide sur un coup de tête de faire un tour dans une agence matrimoniale. Encouragé par l’employé, il conçoit une vidéo pleine de mensonges, où il prétend être devenu millionnaire après avoir renoncé à une carrière sportive de haut niveau. Dès le lendemain, une jeune femme l’appelle, intéressée, et un rendez vous est fixé. A la grande surprise de Gordon, Lana (Shari Shattuck) est un canon. Le minable vendeur d’assurance est intimidé devant l’attitude langoureuse de sa copine potentielle, et il se met à avoir des visions.

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A défaut de sortir du rôle de présentateur dans lequel il est confiné, Freddy Krueger se permet d’influencer spirituellement cette moitié d’épisode axée d’une part sur les rêves (ou les hallucinations, puisqu’elles sont utilisées comme les rêves à ceci près que le personnage principal n’a pas à être dans sa chambre pour “partir”) et d’autre part l’ironie macabre dont est victime Gordon, rebaptisé Gordie car ça fait plus cool. Ces deux ingrédients sont pour beaucoup dans l’affection que l’on peut avoir pour les films de Freddy à partir des Griffes du cauchemar, mais il faut bien admettre que leur dosage n’est pas toujours très réussi et qu’un film tel que La Fin de Freddy (qui n’avait pas encore été tournée au moment de la série) part sérieusement en eau de boudin à force de mettre l’accent sur un humour noir devenu potache. Lisa Gottlieb, réalisatrice débutante qui fit ses armes en temps qu’assistante caméraman (sur les Blues Brothers notamment, noble référence) ne tombe pas dans le même travers qui galvaudera le film de Rachel Talalay (autre réalisatrice débutante). En revanche, son travail pâtit cruellement du format télévisuel et du maigre budget, qui ne lui permet ni d’aller très loin dans l’onirisme ni de s’étendre sur les hallucinations d’un personnage principal lui-même plombé par le manque de temps que sa réalisatrice a à lui consacrer. Ainsi, le fond de l’épisode est destiné à se moquer cruellement d’un célibataire timoré et peu attractif qui recherche le grand amour sans effort (l’équivalent de l’époque de ce que représentent des inscrits à meetic aujourd’hui). Mais Gottlieb n’a pas le temps pour bien présenter son personnage, il n’est ni détestable ni adorable, ne représente ni le paumé à la Toxic pré-mutation ni l’oublié qu’on gagnerait à connaître. Il est passif, et les visions dont il est victime tournent à vide. Au restaurant, il voit une serveuse se prendre le bouchon de champagne dans l’œil, il en voit une autre se faire embrocher par les brochettes, mais cela n’interfère en rien sur sa personnalité, ni sur sa relation avec une Lana trop étrange pour être honnête. Elle se démène comme une diablesse pour effrayer le timide légume, allant jusqu’à se doter d’un masque de hockey (a quoi ça sert de faire une série de Freddy si l’on y parle de Jason, je vous le demande) pour le faire souffrir dans une patinoire après l’avoir copieusement aguiché en patinant en sous-vêtements. Le degré de surréalisme des séquences horrifiques laisse à désirer, sent le baclé (pas d’éclairage, pas de mouvements), et la prude caméra a de toute façon tendance à regarder ailleurs à la moindre giclée de sang. Quant aux distances prises avec la narration, elles semblent plus faire part de coupes au montages que de véritables ellipses fantastiques. On ne saura donc jamais comment Gordon s’est retrouvé attaché aux buts de hockey pour se prendre le palet dans la gueule. Cette première partie d’épisode n’est finalement qu’un étalage frileux d’idées mal reliées entre elles. Avec plus de temps et plus d’audace (mais les deux sont liés), il y aurait pourtant eu matière à en tirer quelque chose de positif. C’est à se demander pourquoi les concepteurs de la série persistent à diviser leurs épisodes en deux parties…

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La deuxième nous amène auprès de Mary (Molly Cleator), collègue et collocatrice de Lana entraperçue lorsque Gordon est venu chercher sa blonde. Tout comme Gordon, Molly est elle aussi désespérée du manque d’attention qu’elle suscite auprès du sexe opposé. Mais elle est résignée : elle sait très bien que son physique peu avantageux ne lui laisse que peu de chance, surtout qu’elle n’a rien à gagner à vivre avec Lana. Son patron lui-même la cantonne à des rôles subalternes tandis que Lana a droit aux honneurs. La vie est trop injuste, pense Mary, jusqu’à ce que sa collocataire la présente à un chirurgien esthétique miraculeux, qui arrive en un coup de cuillère à pot à transformer le boudin même pas de Rethel en gravure de mode (et à embaucher au passage l’actrice Joyce Hyser). Une nouvelle vie s’offre à Mary. Là encore, c’est trop beau pour être vrai. Au moins cette seconde moitié entretient-elle un prolongement thématique avec celle qui l’a précédée. Pour bien réussir à la traiter, cette fois, Lisa Gottlieb n’y va pas par quatre chemins : elle fait l’impasse sur tout ce qui ressemble à de l’horreur. Quelques visions furtives dans un miroir d’une Mary encore plus moche qu’avant sont les seules incartades dans le genre, le reste se contentant en gros de faire la morale : la vraie beauté est celle de l’intérieur, restez vous-même, ayez confiance en vous, ne vous laissez pas manipuler par les canons esthétiques etc etc… Pas d’ironie à la Freddy non plus, puisque Mary cherche à attirer la compassion. Rien à se mettre sous les yeux, donc, et rien à se mettre dans le crâne non plus si ce n’est ces inepties quelque peu féminisantes. Si la première partie de Saturday Night Special avait au moins de bonnes idées, mêmes inutilisées, la seconde n’a rien du tout. Comme dans Judy Miller, l’épisode précédent, on se rapproche du soap opera vaguement mâtiné de fantastique. Lana elle-même déclare forfait et, à part conduire Mary chez l’esthéticien gay, elle n’intervient pas dans le récit (ou alors juste pour vanter la nouvelle beauté de Mary et lui laisser la charge de négocier avec un client… passionnant).

Avec leur épisode 6, Les Cauchemars de Freddy commencent sérieusement à inquiéter. S’agirait-il d’une série de merde ? Le septième épisode, La Sœur, viendra redonner espoir en utilisant enfin Freddy Krueger à sa juste valeur, c’est à dire autrement que comme le clown qui surgit dans le ciel pour avaler le décor dans lequel il se trouve (effet spécial pourri à la clef).

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