CinémaHorreur

[Rec] – Jaume Balaguero & Paco Plaza

[Rec]. 2007

Origine : Espagne 
Genre : Horreur 
Réalisation : Jaume Balaguero & Paco Plaza 
Avec : Manuela Velasco, Ferran Terraza, Jorge Yamam, Javier Botet…

Jaume Balaguero, qui avait été remarqué en 2000 par le très réussi La Secte sans nom, est l’un de ces réalisateurs qui participe activement à ce renouveau de l’horreur espagnole qui semble animer le cinéma fantastique et d’horreur actuel. Régulièrement salué par la critique, il s’allie cette fois avec son compatriote Placo Plaza (auteur des Enfants d’Abraham que je n’ai pas vu mais qui bénéficie d’une réputation plutôt élogieuse) pour réaliser [Rec].
Tout auréolé des prix qu’il a gagné au festival fantastic’arts de Gerardmer et précédé d’une réputation de “film de trouille ultime” comme avait pu l’être Le Projet Blair Witch en son temps, leur film semble emporter l’adhésion de son public, certains spectateurs dithyrambiques n’hésitant pas à parler d’une véritable révolution du film d’horreur… En l’état, si accorder foi à ces témoignages débordant d’un enthousiasme outrancier me parait exagéré, le film n’est pas pour autant un désastre, et se révèle même plutôt efficace au détour de quelques scènes.

[Rec] amène le spectateur à suivre les pérégrinations d’une jolie journaliste via les images prises par son caméraman : alors qu’ils font un documentaire sur les interventions nocturnes d’une équipe de pompiers, la journaliste et son cameraman se retrouvent à suivre les pompiers partis secourir une dame âgée coincée dans un immeuble du centre ville. Mais alors qu’ils arrivent sur les lieux juste après la police, la vieille femme se jette sur l’un des policiers présents et le mord sauvagement. Au même moment l’immeuble est mis sous quarantaine et des militaires portant des masques à gaz empêchent quiconque d’en sortir. Pompiers, journalistes et habitants se retrouvent coincés dans l’immeuble en compagnie de ce qui semble être de dangereux contaminés…

Par son scénario [Rec] a tout du huis clos très classique, où un petit groupe doit faire face à des hostiles dans un lieu clos et exigu. Mais Balaguero et Plaza comptent bien transcender ce scénario par leur volonté de faire du “cinéma vérité”. C’est à dire non seulement d’adopter une mise en scène caméra à l’épaule, mais surtout de faire de cette caméra un personnage à part entière du film : le spectateur ne s’identifiant plus au personnage qu’il voit devant l’écran, mais à celui qui est derrière la caméra. Le procédé n’est cependant pas nouveau et évoque aussi bien Le Projet Blair Witch justement que le récent Cloverfield. On pourra aussi citer quelques œuvres extrêmes telles que August Underground ou le premier Guinea Pig qui malgré leurs défauts parfois nombreux, restent finalement ce qui a été fait de plus radical dans le genre cinéma vérité. On pourrait penser qu’il n’y a finalement que peu de rapports entre ces deux “faux snuff movies” qui tentent surtout d’écœurer le spectateur et un [Rec] qui se veut avant tout un film d’ambiance, mais pourtant tout ces films adoptent une démarche qui se veut le plus réaliste possible, n’hésitant pas à truffer le film de défauts, d’images mal cadrées et de coupes brutales.

Ainsi le film de Balaguero et Plaza commence comme un documentaire sensationnaliste sur un sujet chiant, usant de cet artifice pour nous présenter les différents personnages. Pour renforcer la présence de la caméra-personnage, des dialogues entre le caméraman et la journaliste sont présents, ainsi que des rappels réguliers à la fonction du caméraman (ces passages où la journaliste lui demande de couper les passages chiants des interviews, ou encore les scènes ou les policiers excédés demandent à ce qu’on coupe la caméra). Le film regorge d’autres astuces qui visent à nous prouver que les événements décrits sont réels et que la caméra sert de témoin à tout ceci, ainsi on aura droit à toute une panoplie d’image tremblotantes, de défauts du son, etc… qui visent à “faire vrai”. Tant et si bien que c’est finalement ces effets qui servent de véritable ressort narratif au film, le scénario étant traité un peu par dessus la jambe par les deux réalisateurs qui semblent obsédés par leur mise en scène.

Mais c’est précisément là où le film se révèle décevant : en effet ce procédé de mise en scène n’apporte finalement pas grand chose au film, et pire encore, il est totalement désamorcé par la structure très classique épousée par le scénario. En effet l’histoire de [Rec] est finalement bien peu ancrée dans le réel et adopte toutes les caractéristiques du scénario type de film d’horreur, avec des agressions mystérieuses, des effets de suspense, des passages soudains qui effrayent le spectateur, et l’inévitable passage explicatif final. Comprenons-nous bien, tout ceci est bien loin d’être dommageable pour un film, d’autant plus que Jaume Balaguero avait su prouver par le passé qu’il était tout à fait capable de réaliser des films très classiques qui usaient de tous les archétypes du genre (La Secte sans nom et surtout Fragile) mais qui parvenaient à être terrifiants parce qu’ils étaient tout simplement très bien exécutés par un réalisateur qui savait visiblement ce qu’il faisait. Mais dans le cas de [Rec], ce classicisme entre en conflit avec la volonté de livrer quelque chose de réaliste. En effet là où les films d’horreur traditionnels font appels à l’imaginaire du spectateur pour fonctionner et nous faire avaler des scènes finalement très irréalistes, [Rec] se démarque par une recherche de la crédibilité à tout prix, qui tombe à plat lors desdites scènes irréalistes que le film ne parvient pas à éviter (l’exemple le plus frappant étant cette scène finale, où la journaliste et son caméraman, coincés dans un des appartements, prennent le temps de déchiffrer des vieux articles de journaux, contenant le fin mot de l’histoire, alors même que toute une horde de contaminés grognent derrière la mince barrière offerte par la porte de l’appartement).

En somme [Rec] souffre du manque d’audace de ses auteurs. Il aurait sans doute fallu utiliser ce procédé de mise en scène sur un projet plus radical, où la crédibilité aurait été étendue à tous les aspects du film. Pour ma part, ayant été séduit par cette histoire de contamination au relents apocalyptiques, j’aurais aimé voir ce scénario traité de manière classique avec le savoir faire en matière d’ambiances glauques et oppressantes de Balaguero.
Toutefois malgré ce défaut de taille il faut se garder de trop hâtivement juger négativement le film. En effet, le tout est rattrapé par quelques scènes tout particulièrement efficaces. Je pense notamment à cette scène où le caméraman espionne un examen particulièrement douloureux des victimes du virus par le médecin : le concept du cinéma vérité est ici pleinement utilisé, notamment par l’utilisation très habile ses hors champs. l’horreur de la situation est alors surtout rendue par des bruitages. A ce titre il faut signaler que la bande son du film est particulièrement réussie. Elle a été l’objet d’un soin et d’un travail évident (encore une entorse à la crédibilité absolue recherchée!) mais se révèle particulièrement efficace et angoissante, palliant très efficacement l’absence de musique et offrant même quelques moments véritablement stressants (notamment les cris, absolument atroces et inhumains, des contaminés.) Enfin, comment ne pas citer la scène finale, point culminant du métrage, qui met en scène une créature humanoïde aux membres arachnéens absolument terrifiante, qui n’est pas sans évoquer ces bestioles à la maigreur malsaine que semble affectionner le romancier Ramsey Campbell (dont Balaguero semble décidément être un grand amateur).

Bref, [Rec] demeure un film partiellement raté, et ce malgré une réelle volonté de mise en scène qui reste intéressante à défaut d’être véritablement efficace. Trop timoré dans son traitement, le film ne parviendra pas à convaincre totalement, mais heureusement il reste quelques belles scènes assez angoissantes qui lui permettent tout de même de figurer parmi les films qui méritent notre sympathie.

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