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Dragonquest – Mark Atkins

Dragonquest. 2009.

Origine : États-Unis
Genre : Heroic Fantasy du pauvre
Réalisation : Mark Atkins
Avec : Daniel Bonjour, Jennifer Dorogi, Marc Singer, Brian Thompson…

Kirill, un maître de la magie noire vient d’invoquer le dragon des ténèbres. Son but ? Dominer le monde, bien sûr ! Heureusement, il existe une prophétie (il y en a toujours dans ces cas là) selon laquelle un élu -appelé le gardien- saura retrouver les sept pierres de vertus et qui grâce à elles, parviendra à terrasser l’infâme sorcier. Arkadi, jeune homme sans histoire et adepte de l’opium, apprend qu’il est l’élu. Devant l’imminence de la menace -le dragon a déjà entamé son office destructeur- il n’a pas trop le temps de s’interroger. Conformément au dernier souhait de son grand-père, il part retrouver le chevalier Maxim afin que celui-ci l’aide dans sa mission.

Si vous êtes fans d’heroic fantasy, et plus particulièrement du faste de la trilogie du Seigneur des anneaux de Peter Jackson, passez votre chemin, Dragonquest n’est pas fait pour vous. Réalisé pour le marché de la vidéo, ce dernier ne dispose pas, loin de là, des énormes moyens mis à la disposition du réalisateur néo-zélandais. Et d’un strict point de vue mythologique, le film s’avère bien pauvre. Avec cette histoire d’élu, l’ombre de J.R.R. Tolkien plane inévitablement tout au long du film. D’ailleurs, par ses traits fins et son apparence enfantine, Daniel Bonjour, l’interprète de Arkadi, n’est pas sans évoquer Elijah Wood, l’incarnation de Frodon à l’écran. Tout comme ce dernier, il donne une image assez fade du héros et son périple n’en devient que plus pénible à suivre. Mais arrêtons là cet inutile jeu des comparaisons car là où la quête de Frodon s’étend sur 10 heures et trois films, Arkadi ne bénéficie quant à lui que d’1h25 de métrage. Avec un délai aussi court, la quête d’Arkadi se retrouve parsemée de raccourcis qui n’aident par le film à gagner en ampleur.

Compte tenu de la faible durée de son film, Mark Atkins doit aller vite. Son héros, il l’esquisse en une courte scène, nous le dépeignant en jeune homme oisif et titillé par sa libido. Trompant l’ennui, nous le voyons observer à la longue vue une voisine faire sa lessive, guettant l’instant où elle ôtera le haut, tout en s’allumant une pipe bourrée à l’opium. Musique à l’appui, le ton de cette scénette se veut volontairement comique, ultime instant d’insouciance et de gaieté avant que sa destinée d’Elu ne se mette en place. Qu’un être aussi insignifiant, et a priori guère taillé pour l’héroïsme, ait été choisi pour sauver le monde a de quoi laisser dubitatif même le plus réceptif aux incongruités. Mais c’est le genre qui veut ça. Jouer sur le décalage entre la toute puissance affichée des suppôts du Mal et la fragilité du représentant du Bien, calquée sur le récit biblique de David contre Goliath, confère au combat de l’Elu le souffle épique des causes perdues. Cela ne rend que plus belle sa victoire finale… enfin, en théorie. Ici, le combat de Arkadi ne prend jamais cette tournure héroïque, la faute à un scénario très linéaire et dont les péripéties n’occasionnent que bien peu de rebondissements. La quête des sept pierres de vertus n’en est pas vraiment une dans la mesure où celles-ci sont remises sans trop de soucis à un Arkadi tout étonné. Comme leur nom l’indique, à chaque pierre correspond une vertu : la charité, la patience, la modération, la chasteté, la constance, la bonté et enfin, la plus importante de toute, l’humilité. Dès lors, l’Elu n’a pas de grands efforts à fournir. Résister à l’invitation d’une blondinette prenant son bain ou donner à un pauvre bougre une cassette pleine d’argent suffit à lui faire gagner une pierre. Il n’a pas de combats à mener, pas d’ennemis ou de monstres à terrasser (l’araignée géante qu’il croise ne cherche pas la bagarre). Il lui faut juste se comporter en brave garçon bien élevé et les pierres lui tombent toutes cuites dans la main. Par sa manière d’être, il doit se montrer digne de la Confrérie, nom donné à l’ordre de moines qui pendant des siècles a fait régner une parfaite harmonie sur le monde, prônant la vérité et le savoir. Arkadi incarne donc le héros vertueux dans toute sa splendeur, dépourvu du moindre défaut et très vite étranger au doute. Sa quête et son combat prennent alors un tour très religieux face à l’obscurantisme représenté par Kirill, sorte de Judas de la Confrérie, qui ne croyant pas en l’harmonie les a laissé tomber pour assujettir les hommes à son seul pouvoir. Campé sans aucune nuance par un Brian Thompson en mode mâchoires serrées, Kirill n’a pas plus de consistance que son jeune adversaire. Le combat qui l’oppose à Arkadi n’en devient que plus manichéen mais, malgré l’apport de dragons, pas plus spectaculaire.

Depuis Jurassic Park, les images de synthèse ont considérablement pris le pas sur les effets spéciaux mécaniques. Bien intégrés, ces effets spéciaux peuvent effectivement apporter un plus à des productions ambitieuses. Depuis, une sorte de démocratisation s’est opérée, de nombreuses compagnies proposant leurs services dans ce domaine. Une aubaine pour les films destinés au marché de la vidéo qui peuvent alors se donner l’illusion de jouer dans la cour des grands en abusant des effets numériques, sans trop se soucier de leurs qualités. C’est le cas de Dragonquest qui s’en sert abondamment pour donner vie à son bestiaire. Bien entendu, en raison de son faible budget, la qualité des effets spéciaux numériques n’est pas au rendez-vous. L’interaction des dragons avec leur environnement s’en ressent, trahissant leur aspect factice. Qui plus est, leurs apparitions sont souvent assez moches à regarder. Constamment accompagné de flammes et de fumées noires, le dragon des ténèbres, lorsqu’il fend les airs, ressemble davantage à une tache d’encre qu’on étale sur une vitre qu’à une majestueuse créature légendaire. Quant au dragon blanc, enveloppé dans son halo lumineux, il fait plus penser au Casper du film de Brad Siberling qu’à Falkor, l’inoubliable destrier de Bastien dans L’Histoire sans fin. Seul l’espèce de monstre du Loch Ness réussit à faire illusion, du fait d’une utilisation parcimonieuse et entièrement nocturne. Reste les combats, passages obligés de tout film d’heroic fantasy qui se respecte. Or, là aussi le bât blesse. Marc Atkins tente de singer 300 lors d’une bataille rangée qu’il filme uniquement en plans rapprochés sur les belligérants, et qu’il voudrait homérique et bestiale. Mais ni l’image, très laide, ni le sang numérique versé ne rendent justice à la bravoure des combattants. D’ailleurs, Dragonquest n’a rien d’épique. Les divers combats sont chorégraphiés sans génie et ne rendent pas compte de leur âpreté, hormis la bataille susnommée. Marc Singer a bien encore des restes du Dar l’invincible qu’il fut à trois reprises, mais à 60 ans passés, il ne peut pas faire de miracles. Et il n’en fait pas, se bornant à grimacer tout du long, ne semblant pas prendre tout cela au sérieux. La seule à y croire un peu, c’est l’interprète de Katya, jolie guerrière à la tenue aguichante (je l’ai tout de suite associée à Kriss de Valnor, pour ceux qui connaissent la bande dessinée Thorgal), qui n’économise pas sa peine pour s’assurer du bon déroulement des événements. Si la voir tomber dans les bras du héros à la fin du film s’inscrit dans la logique de ce genre de récit, je ne peux néanmoins pas m’empêcher de le regretter. Cela atteste du manque d’audace d’un réalisateur pas fichu par ailleurs d’insuffler un tant soi peu de rythme à un récit qui en réclamait pourtant un minimum.

Dragonquest fait partie de cette cohorte de films paresseux destinés au marché de la vidéo, ne comptant que sur la présence de quelques noms connus (Marc Singer, Dar l’invincible bien sûr mais surtout le Martin Donovan de la série V, Brian Thompson, vilain de Cobra et extraterrestre inarrêtable de la série X-files) et d’un postulat de départ prometteur pour entrer dans leurs frais. Finalement, mis à part les moyens alloués, il n’y a guère de différences avec la majorité des blockbusters actuels. Cela n’en fait pas pour autant un film recommandable, loin de là. A choisir, si vous voulez de l’épique sans moyens mais avec des idées à foison, jetez vous sur Sacré Graal !. En terme de spectaculaire, un lapin sanguinaire vaut bien un dragon de synthèse.

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