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Mad Max – George Miller

madmax

Mad Max. 1979

Origine : Australie
Genre : Action
Réalisation : George Miller
Avec : Mel Gibson, Joanne Samuel, Steve Bisley, Hugh Keays-Byrne…

Médecin en milieu hospitalier et cinéaste à ses heures perdues du début des années 70, George Miller fit la connaissance de Byron Kennedy, autre cinéaste amateur avec lequel il sympathisa et tourna un documentaire sur la violence au cinéma. Ils durent cependant attendre plusieurs années pour enfin tourner un long-métrage, dont la violence allait se baser sur l’expérience de Miller en tant que médecin, riche en visions assez crues qui allaient motiver Mad Max et son ultra-violence.

Le monde décrit par Mad Max est celui d’un futur proche, dans un endroit isolé en pleine brousse où règne la délinquance routière. Max Rockatansky (Mel Gibson, acteur débutant) est le flic modèle, le plus efficace de sa brigade, comme il le montre encore en parvenant à se débarrasser d’un cinglé au volant d’un bolide piqué à la police. L’homme finira sa course en miettes, explosé après avoir été forcé à l’erreur par Max et son Interceptor, une voiture trafiquée. Mais “l’aigle de la route” comme il aimait s’appeler, n’était pas un bandit esseulé, et il faisait partie de tout un gang de motards qui va s’empresser de débarquer dans la circonscription de Max et de ses collègues pour leur en faire baver.

Tout révolutionnaire soit-il, Mad Max ne fait que remettre au goût du jour deux vieilles traditions cinématographiques américaines : le road-movie de bikers façon L’Équipée sauvage et le western à l’ancienne, façon John Wayne. Au-delà de la localisation géographique du film, une campagne désertique, George Miller ne fait que ressortir l’histoire de l’humble flic tentant tant bien que mal de protéger la société des motards épris de liberté, leur propre liberté. Les chevaux sont remplacés par des voitures ou des motos, les flics font preuve d’un humanisme virulent et les bandits terrorisent les villages qu’ils traversent. Bien plus qu’il ne l’est généralement imaginé, Mad Max se concentre sur la résistance de son personnage principal pour garder tout ce qui fait la différence entre lui-même en temps que policier et les hommes qu’il combat. C’est que devant les crimes commis, il est difficile de garder son sang froid. Si Max est considéré comme le plus doué de sa brigade, ce n’est pas seulement parce qu’il est le meilleur pilote, c’est aussi parce qu’il parvient à maîtriser ses nerfs, contrairement à son ami Gorille (Jim Goose en VO), un motard tête brûlée. Pour l’aider, il dispose d’une femme aimante et d’un fils en bas âge qui font de lui un homme normal, qui refuse l’étiquette de héros. Miller prend d’ailleurs bien soin de ces scènes à émotion et il joue beaucoup sur les regards pleins de sentiments de Mel Gibson, encore un jeune homme à l’allure juvénile. Pourtant, au volant de son Interceptor et des voitures hybrides que lui conçoivent ses collègues mécaniciens, il a en lui cette part de sauvagerie dont il a pleinement conscience et qu’il tente de contenir malgré les violences croissantes auxquelles se livrent sans retenue les Aigles de la route, qui y ajoutent encore de la provocation (provoquant la fureur du Gorille lors de la remise en liberté forcée d’un Aigle).

La route est l’élément essentiel de Mad Max, c’est le lieu où convergent la sauvagerie des bandits et celle de la police dans des scènes d’action qui feront date. D’une âpreté en parfaite harmonie avec la sécheresse de l’outback, elles procurent une sensation de vitesse générée par la caméra toujours proche du bitume de George Miller et par l’intensité assourdissante des moteurs. Les chocs n’y sont que plus violents (des images quasi subliminales sur des yeux sortant de leurs orbites viennent les entrecouper), les cascades sont particulièrement réalistes et l’omniprésence de tôle froissée est là pour confirmer que la route est une zone de non-droits, réservée aux êtres forts voire suicidaires. Les costumes de la police (en cuir) ou de leurs ennemis (à tendance punk) trahissent le caractère particulier nécessaire à une virée motorisée sur les routes. Tout comme la police est essentiellement composée de têtes brûlées, les Aigles de la Route sont formés par des dingues à la tête desquels figurent le Chirurgien (Toecutter en VO), un allumé tyrannique secondé par le narquois Bubba et protecteur du jeune Johnny, un paumé qui se prend pour un vrai voyou. Exubérants et irritants, ces “méchants” font preuve d’une malsaine complaisance dans la violence, comme c’est par exemple le cas lorsqu’ils mettent un village sens dessus-dessous (là encore, la parenté avec le western est flagrante) avant d’aller persécuter deux jeunes amoureux qui tentaient de s’échapper. Pressentant qu’un tel boulot ne pouvait que le mener sur une mauvaise voie, Max a déjà présenté plusieurs fois sa démission à Fifi, son chef, qui l’a toujours convaincu de rester. Avec les Aigles de la route, la tentation de tout quitter n’en est que plus forte. Durant l’essentiel du film, Max est en lutte contre ses instincts, et le combat est d’autant plus rude que les Aigles de la route commencent à s’en prendre à son entourage. D’abord le Gorille, puis sa famille. A noter que personne ne meurt : ils sont tous laissés entre la vie et la mort, quoi qu’il arrive marqués à vie.

La vengeance de Max est certainement la chose qui a donné sa réputation à Mad Max, faisant parfois oublier toute la progression logique qui l’a précédée. A la différence du Paul Kersey d’Un justicier dans la ville, la vendetta de Max trouve ses racines dans le long combat mené par le personnage pour ne pas sombrer dans le déferlement de la violence. Pas forcément pour ne pas transgresser la loi, d’ailleurs, puisque Fifi laisse le loisir à ses hommes de faire tout ce qui leur plaît du moment que la paperasse est en règle. Max essaye avant tout de se protéger en tant qu’homme, être empli d’émotions. La perte de son meilleur ami puis de sa famille marque la fin du combat, et la défaite. Dès lors, Max devient Mad Max au cours d’une scène très forte, le montrant faire face à la mer alors que les nuages noirs s’amoncellent. Son regard, si humain jusque là, devient haineux, et Max torture le masque avec lequel il jouait encore innocemment avec sa femme au début du film. A partir de là, le regard du flic ne montrera aucune émotion, l’homme demeurera insensible, brisé et fini. Sa vengeance dure à peine un quart d’heure, il n’en faut pas plus pour retrouver la trace des Aigles de la route et leur faire mordre la poussière. Miller la densifie pour mieux faire ressortir la sécheresse de la violence, qui culmine dans une sanction finale d’autant plus cruelle qu’elle ne concerne pas le chef des Aigles, un gang qui ne tient finalement pas la distance devant un homme déshumanisé qui ne vit plus que par la haine, ce qui le fait résister aux blessures qui lui sont infligées.

Grâce à son développement, qui a longtemps mis en avant l’humanisme de son personnage principal (avec lequel le spectateur à forcément été amené à sympathiser), le film se démarque d’Un justicier dans la ville et ne dispose pas de ce côté réactionnaire qui a tant fait polémiquer. Il est difficile de voir les actes de Max comme un juste retour de bâton. Il n’y a pas d’histoire de loi qui empêcherait toute justice, il n’y a que le côté personnel et somme toute compréhensible d’une bien sale affaire. Miller ne cache pas que la vengeance est tentante, mais en un ou deux plans il parvient facilement à la discréditer, chose que ne faisait pas un Michael Winner. Mad Max ne s’intéresse pas à la morale, il se borne aux conséquences des actes auxquels se livre son héros qui est en fait un anti-héros, exact opposé d’un John Wayne toujours vainqueur. Que reste-t-il une fois que la vengeance est accomplie ? Rien : ceux qui ont été vengés ne s’en sont pas rétablis pour autant, et le justicier, en plus d’avoir perdu toute substance humaine, est désormais du mauvais côté de la loi, et donc de la société. Il est définitivement perdu, sans espoir de se reconstruire. Une destinée d’errance s’ouvre à lui, et le poids du souvenir ne saura être vaincu. Max n’a fait qu’entériner la fin de sa vie. Le carton au début du film disait vrai : “Rien ne condamne mieux la violence que les images qui vont suivre“. George Miller prouve que la thématique de l’auto- justice n’est pas forcément synonyme de réaction. Il le fait tout en construisant un personnage légitimement devenu mythique, et en donnant une nouvelle jeunesse aux westerns, aux films d’action et aux films de bikers, désormais ancrés dans une époque de questionnements sur l’avenir. Il perpétue l’âge d’or du cinéma australien et se pose en alternative au plus doux mais non moins talentueux Peter Weir.

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