CinémaHorreur

La Poupée de la terreur – Dan Curtis

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Trilogy of Terror. 1975

Origine : Etats-Unis 
Genre : Thriller / Fantastique 
Réalisation : Dan Curtis 
Avec : Karen Black, Robert Burton, John Karlen, George Gaynes…

Grand habitué de la télévision, puisqu’il y a fait la quasi intégralité de sa carrière (cela dit ses quelques films cinéma incluent Trauma, l’un des meilleurs films de maison hantée disponibles), Dan Curtis se lança nonchalamment dans le projet Trilogy of Terror, prévu pour être diffusé par la chaîne ABC. Ce devait être le pilote d’une série télévisée horrifique, qui aurait probablement louché du côté de La Quatrième dimension si l’on en juge par la présence de Richard Matheson, ancien scénariste régulier pour la série de Rod Serling, et dont l’implication est ici directe sur une histoire et indirecte sur les deux autres. Ainsi, les sketchs “Julie” et “Millicent & Therese” sont adaptés respectivement des nouvelles Les Visages de Julie et Therese par un scénariste tiers, tandis que le dernier, “Amelia”, basé sur la nouvelle Proie, est scénarisé par Matheson lui-même. La série télé envisagée ne vit finalement jamais le jour, mais Trilogy of Terror est devenu dès sa diffusion un téléfilm culte, générant une suite vingt ans plus tard, la commercialisation de la poupée Zuni du sketch “Amelia” et de nombreux autres films, livres et jeux vidéos se réclamant plus ou moins ouvertement de la même Zuni. On l’aura compris, ce plébiscite est essentiellement l’œuvre d’un seul sketch. Dans une moindre mesure, il est aussi imputable à Karen Black, l’actrice principale des trois sketchs, qui s’engagea à contre-cœur dans un quadruple rôle (“Millicent & Therese” lui en offrant deux) sous l’influence de son mari de l’époque, l’acteur Robert Burton, engagé quant à lui sur le sketch “Julie”. Une fois impliquée, Black donna ses conseils pour le final de “Amelia”, qui n’est pas sans avoir participé à la popularité du film. Aujourd’hui, elle considère que sa participation à Trilogy of Terror l’a condamné aux séries B, alors qu’elle se voyait déjà devenir une star. Dommage pour cette sympathique actrice, mais en attendant, elle a tout de même l’insigne honneur d’avoir côtoyé Zuni !

Le premier sketch, “Julie”, est aussi le plus faible. Il raconte comment Chad (Robert Burton), un étudiant vicieux, est parvenu à réduire au rang d’esclave sa prof de littérature, la très coincée Julie (Karen Black). Ayant réussi à la faire sortir avec lui au cinéma (pour assister à un film de vampires qui est en réalité The Night Stalker, téléfilm réalisé par Curtis), il en profita pour la droguer et la prendre en photo dans des positions scabreuses. Ainsi, en la menaçant de révéler les photos aux autorités de l’université, il s’assure de la présence docile de sa prof à ses côtés. “Julie” est un récit de perversion qui souffre de la frilosité morale qui était alors de mise à la télévision, surtout sur ABC, alors en passe de devenir la principale chaîne américaine. Un tel sujet, si il veut impressionner ses spectateurs, doit en grande partie reposer sur le sort réservé à “l’esclave” par son “maître”. Or, cette partie est totalement absente. La seule fois où l’on voit Julie être dominée par Chad est la scène déterminante dans laquelle Curtis a recours à un twist pas maladroit mais sorti véritablement de nul part, et qui pose quelques problèmes de cohérence avec ce qui a précédé. Bien sûr, on peu aisément deviner ce qu’il en est de la nature de cette soumission, mais de là à ne pas la l’aborder du tout… Il n’est pas question d’exiger un Salò ou les 120 journées de Sodome 2, mais au moins un peu de suggestion n’aurait pas été de trop. Car du coup, la psychologie des personnages, et notamment de Julie, n’a pas vraiment de justification. La prof se renferme sur elle-même, bafouille pendant qu’elle donne ses cours, inquiète sa colocataire et surprend ses élèves (qui pourtant auraient dû tout comprendre en la voyant se liquéfier ainsi après que Chad lui eut transmis ostensiblement un message personnel)… Beaucoup de détresse pour une histoire dépourvue de l’essentiel, à moins de considérer que la machination concoctée par Chad est à elle seule digne d’intérêt. Sauf qu’entre cette machination et le twist qui conclue le sketch, il n’y a rien du tout à part de la maigre psychologie censée remplacer l’élément principal (là où elle devrait en découler). Et pourtant, le sujet aurait pu donner lieu à un long-métrage. Après tout, Un élève doué de Bryan Singer propose une histoire relativement similaire… Il n’y a donc pas grand chose à dire au sujet de “Julia”, sketch donnant l’impression de s’être fait volé une heure de bobine.

Le deuxième sketch est en fait le troisième. Du moins en Europe, où “Millicent & Therese” succède à “Amelia”, ce qui n’est pas très malin puisque le meilleur se retrouve ainsi coincé au milieu des deux autres. Difficile de deviner les motivations des éditeurs vidéo. Bref. “Millicent & Therese” se concentre sur le cas des soeurs Larimore, la brune coincée Millicent et la blonde nymphomane Therese, qui se vouent une haine tenace au point que Millicent est persuadée que sa frangine est le diable en personne. Ses livres ésotériques en seraient des indications. Ce sketch donne surtout l’occasion à Karen Black d’incarner deux femmes radicalement différentes, la première essayant de donner des allures maléfiques à sa frangine en la dévoilant au grand jour aux yeux des hommes, mentionnant notamment comment Therese a dans sa jeunesse assassiné leur mère et séduite leur père. Millicent est de toute évidence une bigote vaguement jalouse, et ses dires, si ils ont pu rendre le personnage de Therese inquiétant par anticipation, perdent toute leur substance sitôt que l’on voit ladite Therese. Une blonde en mini jupe rouge essayant d’allumer le médecin de famille. Pas terrible, cette vision de Satan. Dès lors, le sketch n’a plus grand chose à proposer, et une fois l’éventualité fantastique évacuée (et même avant, à vrai dire), il est évident que l’on se dirige vers un autre twist. La mise en scène trahit Dan Curtis : ne jamais montrer les deux soeurs ensemble est un indice qui n’échappe pas au spectateur vigilant. Ces deux soeurs ennemies intriguent très peu, et la perspective de leur “lutte” à venir laisse également deviner la fin. Bref, le twist et le dénouement sont cousus de fil blanc, et il n’y a pas grand chose à tirer de sketch, à part la performance de Karen Black, qui s’en sort plutôt bien malgré une perruque blonde évidente, autre indication sur le twist. Dan Curtis aurait été mieux inspiré de donner d’entrée les informations aux spectateurs. Cela lui aurait permis de travailler davantage l’idée de lutte interne entre le Bien et le Mal, voire de condamner la vision “prosélyte” du Bien, puisqu’à vrai dire Millicent est bien plus insupportable que sa soeur nymphomane.

Enfin, passons aux choses sérieuses, avec “Amelia” et le fameux Zuni. Amelia (Karen Black évidemment) s’apprête à passer une petite soirée tranquille, seule. Pour cela, elle annule la traditionnelle sortie avec sa mère possessive, et se contente de lui raconter ses derniers faits et gestes, par exemple l’achat d’un fétiche africain rigolo, un petit guerrier zoulou en bois qui selon la notice sera investi de l’esprit d’un grand chasseur dès que la chaînette autour de sa poitrine sera retirée. Amelia n’y croit pas une seconde. Sans faire attention, elle fait tomber chaînette et à sa grande surprise, la voilà pourchassée dans l’appartement par le furieux Zuni, muni d’un couteau chipé dans la cuisine ! A première vue, compte tenu des dix premières minutes pendant lesquelles Amelia est pendue au téléphone, on pourrait croire qu’il s’agit encore d’un sketch mou, comme les deux autres. Certes, ce ne sont pas les minutes les plus palpitantes du sketch, mais elles ont leur utilité en ceci qu’elles précisent la situation d’Amelia, avec sa mère possessive (utile pour la dernière image du sketch, celle suggérée par Karen Black elle-même) et en donnant les règles d’utilisation de Zuni. Il vaut mieux perdre dix minutes en début de sketch que de disséminer la parlotte au milieu de la tempête qui démarre une fois Zuni libéré. Car à ce moment là, nous nous retrouvons au milieu d’une frénésie que seul Joe Dante a su égaler avec ses gremlins, laissant les ghoulies, critters, trolls et autres munchies (et même Chucky) loin derrière. Hystérique, le mini chasseur zoulou court partout, bondit, mort les chevilles, le cou, brandit son couteau et poursuit sa proie tandis que la caméra subjective de Dan Curtis anticipe celle de Sam Raimi pour Evil Dead à ceci près qu’elle rase le sol. Zuni est tout petit, il arrive à peine au milieu des mollets de Karen Black, mais il est vaillant et ne s’en laisse pas compter. Son look particulier joue en sa faveur : son regard vide et ses grandes dents pointues dignes du pire cliché sur les cannibales lui donne cet air à la fois menaçant et fortement comique, compte tenu de sa petite taille. Le même effet est obtenu et même renforcé par ses grognements incessants, qui rappellent Taz, le diable de Tasmanie des Looney Tunes, en peu plus stridents. Dan Curtis a également la bonne idée de réserver quelques plages d’accalmies et de suspense, qui sont brutalement rompues par le mini-zoulou furibard, relançant ainsi régulièrement la machine. La petite bête veut bouffer la grosse, et réduit Karen Black au rang de scream-queen sexy vêtue d’un simple peignoir, incapable de se tirer d’affaire. “Amelia” est un sketch rempli de second degré, mais il ne le montre pas. Curtis reste sérieux, à l’image de Zuni et de son abnégation à poursuivre sa chasse en dépit d’obstacles aussi “énormes” qu’une valise, une porte ou un four. C’est probablement ce qui a valu la légitime célébrité de ce petit zoulou surexcité. Oui, La Poupée de la terreur ne dispose que d’un sketch sur trois de réussi, mais quel sketch ! Auprès de Trauma, l’autre collaboration entre Dan Curtis et Karen Black, il suffit à rendre mémorables deux filmographies qui autrement auraient singulièrement manqué de relief.

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