CinémaHorreur

Trauma – Dan Curtis

trauma

Burnt Offerings. 1976

Origine : Etats-Unis 
Genre : Épouvante 
Réalisation : Dan Curtis 
Avec : Oliver Reed, Karen Black, Bette Davis, Lee Montgomery…

Rares ont été les incursions de Dan Curtis au cinéma. Sa carrière de réalisateur se fit principalement à la télévision ou en vidéo. A vrai dire, l’homme ne tourna que quatre films pour le grand écran : La Fiancée du Vampire en 1970, sa suite La Malédiction des Vampires en 1971, Trauma en 1976 et Le Kid et le Truand en 1993. Les deux premiers étant des adaptations de la série télévisée Dark Shadows qu’il créa lui-même, on peut en déduire que l’homme n’était guère intéressé par le média cinéma, ou qu’il eut à souffrir du dédain des producteurs. Pourtant en 1976, peut-être grâce au succès de son anthologie Trilogy of Terror (parfois appelée dans nos contrées La Poupée de la Terreur, référence au génial second sketch), il embraya sur l’adaptation de Burnt Offerings, roman de Robert Marasco qui influença beaucoup Stephen King pour Shining. Reprenant l’actrice principale de Trilogy of Terror, Karen Black, à laquelle il donna pour collègues des gens comme Oliver Reed, Bette Davis et Burgess Meredith, il transpose le lieu de l’action en Californie, où la famille Rolf vient de louer pour un prix dérisoire une bâtisse cossue environnée par un vaste jardin. Le coin parfait pour passer trois mois de vacances estivales. Ben Rolf (Oliver Reed), sa femme Marian (Karen Black), sa tante Elizabeth (Bette Davis) et son fils de 12 ans David (Lee Montgomery) prennent donc possession des lieux, désertés pour l’occasion par les étranges propriétaires, Arnold et Roz Allardyce (Burgess Meredith et Eileen Heckart), un frère et une sœur qui ont laissé pour seule consigne à la famille d’apporter trois repas par jours à leur vieille mère qui reste en permanence cloîtrée dans sa chambre du dernier étage. Une charge dont s’occupera exclusivement Elizabeth, qui interdira quiconque de monter là-haut, et ce pour ne pas déranger la quiétude de la vieille dame qui s’y repose et qui ne se montre jamais. Une étrange présence pour une étrange maison, qui va influer sur le caractère de tous ses occupants…

Trauma n’est pas de ce genre de film de maison hantée à faire la part belle aux manifestations surnaturelles. Les séquences choc y sont autant voire moins nombreuses que celles de La Maison du Diable, le mètre-étalon du genre signé Robert Wise. Dan Curtis prend le temps qu’il faut pour une exposition laissant la place à la caractérisation de ses personnages, et ce pour mieux décrire les transformations de leur personnalité dans toute leur diversité. Car l’influence de la maison ne se manifeste pas comme une chape de plomb tombant sur tel ou tel personnage : elle prend des allures diverses et s’adapte au gré des personnages. Ainsi, le premier à en faire les frais sera Ben, qui deviendra fou en jouant avec son fils dans la piscine. De l’aimable batifolement qu’il était, leur jeu deviendra très violent, à l’initiative du père, alors complétement dément, qui s’amuse avec sadisme à balancer violemment son fils dans l’eau, manquant de peu de le noyer. Le massif Oliver Reed, déjà inquiétant en soi, se fait alors l’égal musclé du Jack Nicholson de Shining et l’on se dit alors que le danger viendra de lui. Tout faux ! Dan Curtis se plait à brouiller les pistes, et si il entretient avec talent la tension, il la conçoit sous la forme d’une frayeur diffuse, semblant irrationnelle tant la menace physique se fait peu évidente. Après cette folie passagère, Ben sera au contraire le point d’ancrage de la rationalité, il sera en permanence en lutte contre l’influence néfaste de la maison, son angoisse étant entretenue par ses hallucinations et ses cauchemars mettant en scène le conducteur du corbillard, un être grimaçant et émacié qui conduisit sa mère au cimetière lorsqu’il était encore enfant. Ces visions impressionnantes trouvent leur paroxysme dans une scène faisant grandement songer à celle de La Maison du Diable, lorsque les personnages entendent les battements assourdissants en provenance du couloir.

Mais elles sont loin de marquer la seule bizarrerie qui frappe la famille Rolf. La mère Marian, si elle ne pète pas les plombs comme son mari, semble en revanche verser dans une folie bien plus pernicieuse. Progressivement, sans en avoir l’air, elle deviendra véritablement obsédée par la maison, par son entretien, et surtout par la vieille Madame Allardyce qu’elle est la seule à voir et qui vit dans un grenier dont l’antichambre, bourré de vestiges du passé, est sans doute la pièce la plus inquiétante de la maison. Ce dévouement peut sembler anecdotique et pourtant, il prend des allures bien plus régulières que les visions de Ben. Karen Black offre une prestation de haut niveau et son personnage semble corps et bien appartenir à la maison, qu’il refuse obstinément de quitter. Marian semble ainsi se fondre dans le style très victorien de la maison. Quand à la tante Elizabeth, à son arrivée une fringante septuagénaire pleine de vie, elle s’affaiblira de plus en plus tant mentalement que physiquement, au point de devenir une vieille sorcière ayant perdu la conscience de ses actes. Bette Davis, qui par ailleurs mena la vie dure à Karen Black sous le prétexte que celle-ci ne la respectait pas assez (Faye Dunaway eut droit aux mêmes reproches dans The Disappearance of Aimee), est petit à petit transformée jusqu’au moment où l’on aura l’impression que l’actrice a tout simplement été remplacée. Sa prestation est du même niveau que celle de ses deux collègues. Enfin, pour ce qui est du gamin, si il ne sera pas influencé par la maison, il en sera en revanche le souffre-douleur, manquant plusieurs fois de mourir et étant surprotégé par un paternel n’hésitant pas à le réveiller en pleine nuit pour lui faire fuire une propriété qui bloquera leur voiture en ayant recours à une végétation pour le moins hostile.

Si la première heure fut presqu’essentiellement mise au service des personnages, permettant au passage au réalisateur de construire son atmosphère trouble, la deuxième mettra également l’accent sur la maison en elle-même. Une maison qui se nourrit de la vitalité de ses occupants pour se régénérer elle-même. Une fois les personnages désarmés, ses assauts se font moins subtils et prennent des proportions plus ouvertement surnaturelles sans pour autant rompre l’équilibre du film. Citons entre autre les apparitions du croque-mort de Ben ainsi que l’incroyable scène dans laquelle la maison, profitant d’une tempête, fait tomber ses planches délabrées sous lesquelles apparaissent des planches toutes neuves. Dan Curtis soigne ses décors et mise sur une élégance surannée, avec mobiliers anciens, escaliers fortement inclinés et zones d’ombres omniprésentes. Un cadre efficace qui occupait déjà une place importante dans La Maison du Diable. Bien entendu, le plus gros mystère restera le grenier de la vieille Madame Allardyce. Si le dénouement du film n’est dans le fond pas des plus surprenants (on pense là aussi au film de Robert Wise), il prend en revanche une forme pour le moins radicale, achevant la vision de ce magnifique film par une image qui restera dans les mémoires des spectateurs. Dan Curtis signe là l’une des plus grandes réussites (scandaleusement méconnue) d’un genre trop souvent assimilé par les réalisateurs aux trains fantômes de fêtes foraines.

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