Tous les garçons aiment Mandy Lane – Jonathan Levine
All the Boys love Mandy Lane. 2006.Origine : États-Unis
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Mandy Lane (Amber Heard), belle blonde aux faux airs d’Anna Kournikova, fait tourner la tête de tous les garçons de son lycée. Tous aimeraient la compter à leur tableau de chasse, au point parfois d’aller trop loin, jusqu’à mourir bêtement. Neuf mois après un drame évitable, Mandy Lane est invitée à passer le week-end dans un ranch en compagnie de cinq camarades, dont trois mecs, tous bien décidés à être le premier à la mettre dans son lit. Un week-end qui ne se passera bien évidemment pas comme prévu.
Tous les garçons aiment Mandy Lane fait partie de ces films au destin capricieux. Après avoir écumé les festivals depuis celui de Toronto en septembre 2006 jusqu’à celui de Gérardmer en janvier 2008, le premier film de Jonathan Levine a dû attendre octobre 2013 pour connaître une sortie sur ses terres, et encore de manière limitée, alors que son réalisateur avait entre-temps réalisé deux autres long-métrages, The Wackness et Warm Bodies. Tous les garçons aiment Mandy Lane a simplement souffert des aléas de la distribution, celle-ci revenant dans un premier temps à Dimension Films, filiale de la Weinstein Company depuis 2005, puis après son rachat à Senator Film, laquelle a connu quelques problèmes d’ordre financier l’empêchant de le distribuer sur le sol nord-américain alors qu’elle venait de le faire en Allemagne. Une situation qui pour énervante qu’elle ait pu être pour le réalisateur – un film a vocation à être vu par un maximum de monde et dans les meilleures conditions possibles – n’a en rien constitué un frein à sa carrière. En outre, cela confère un inespéré parfum d’inédit à un film qui de par son simple sujet en est à mille lieues.
Tous les garçons aiment Mandy Lane se réclame du slasher, genre tellement rebattu et limité que les exigences à son endroit deviennent peu élevées. Quelques meurtres percutants, un tueur marquant et un minimum de frissons (il s’agit de films d’horreur, ne l’oublions pas!) suffisent à faire la blague. Seulement Jonathan Levine nourrit d’autres ambitions. Tout juste sorti de son école de cinéma, comme le scénariste et toute l’équipe technique d’ailleurs, il construit son film autour d’un vague concept qui peut se résumer à insérer les adolescents tels que les dépeint Larry Clark tout au long de son œuvre (Kids, Bully) dans un contexte de film d’horreur. Donc pour résumer, des adolescents paumés qui parlent ouvertement de sexe, le pratiquent sans tabou mais qui derrière une apparente légèreté cachent une insondable tristesse, parfois si étouffante qu’elle les pousse à commettre des actes irréparables. En somme, une vision de la jeunesse frontale et dépourvue d’œillères, laquelle est loin d’être l’apanage du slasher où les adolescents se résument la plupart du temps à des fantoches décérébrés. Une note d’intention pour le moins ambitieuse, donc, que Jonathan Levine se trouve bien en peine de tenir. S’il était évident qu’il n’irait pas aussi loin que Larry Clark, dont le regard cru, sans concession et comme empreint d’une fascination perverse confine parfois au malaise, nous étions en droit d’espérer davantage d’acuité de la part d’un réalisateur tout juste sorti de l’école. Au final, son approche ne diffère guère de ce qui se fait habituellement dans le genre. Tout au plus recourt-il à une uniformisation de ses personnages, aucun ne se détachant réellement des autres par des traits de caractère plus affirmés. Il y a bien Chloé, prototype de la pimbêche qui ne rate jamais une occasion de rabaisser sa meilleure amie, la bonne pâte Marlin, coupable à ses yeux d’être trop ronde (lorsqu’on a comme elle que la peau sur les os, tout le monde semble gros), mais ce penchant n’est jamais trop appuyé. Jonathan Levine ne cherche pas à rendre ses personnages détestables, préférant pointer ici ou là leurs fêlures. Ainsi Jake, bellâtre trop sûr de lui encaisse mal les allusions sur la petite taille de son sexe. Heureusement, une bonne fellation aura raison de ses humeurs et lui fera bien vite retrouver toute son assurance. Ou encore Red, dont l’ostensible obsession pour l’inaccessible Mandy Lane masque mal une grande timidité à l’endroit du réel objet de son désir. De fait, leur week-end orgiaque apparaît bien gentillet et le but de celui-ci – être le premier à séduire Mandy Lane – un fil conducteur un brin léger pour maintenir l’intérêt. Cela tient essentiellement à la personnalité même du personnage-titre, proche du néant. Elle nous apparaît comme une jeune fille d’une extrême gentillesse, peu consciente de ses charmes et incroyablement sage. Une belle ingénue dont la virginité supposée ne peut que titiller davantage la libido de ces messieurs avec la perspective d’un second trophée pour l’heureux gagnant. Afin de faire partager leur émoi, Jonathan Levine sacralise Mandy Lane au point de la filmer au ralenti lorsqu’elle daigne se mettre en maillot de bain pour patauger avec les autres, comme une offrande faite à ses prétendants. Il joue même de la symbolique du serpent, lequel manque d’attaquer la jeune femme au moment où elle s’abandonne à un peu de légèreté. Tout cela manque singulièrement de subtilité et meuble paresseusement une intrigue qui peine à décoller. La rivalité entre les trois amis s’effectue dans un climat fraternel, chacun jouant sa carte personnel avec beaucoup de civilités. De leurs côtés, Chloé et Marlin ne prennent pas ombrage de la popularité de Mandy Lane et ne lui en tiennent pas rigueur. Il n’y a donc pas de conflits larvés entre les adolescents, seulement quelques inoffensifs accrochages qu’on oublie bien vite en vidant son godet d’un trait. Bref, on s’ennuie ferme, quand bien même quelques jump-scare, marques de fabrique du film d’horreur paresseux, cherchent à animer la soirée.
La partie slasher tarde vraiment à se mettre en place, comme si Jonathan Levine rechignait à passer à l’acte. Et lorsqu’il se décide enfin, la déception prime. Les meurtres sont exécutés sans génie par un mystérieux tueur qui attend patiemment que ses victimes viennent à lui. Il rôde autour de la maison, menace quasi invisible et surtout imperceptible pour les convives, lesquels continuent leur petite sauterie sans trop se formaliser de l’absence de deux d’entre eux. La maison est leur refuge, la quitter revient à se jeter dans la gueule du loup. Loin de jouer avec cette notion et de proposer quelques séquences à haute tension, Jonathan Levine maintient le cap de ce qui s’apparente davantage à une comédie adolescente qu’à un film d’horreur. Et encore, même dans ce domaine, la tiédeur prime puisque à aucun moment, le taux d’alcoolémie élevé des convives ne sera exploité. Alors soit le jeune américain est de bonne constitution, soit la peur constitue le meilleur remède à la gueule de bois. Quant à la nature du tueur, celle-ci ne lui sert pas à instaurer un semblant de suspense puisqu’il nous divulgue son identité assez tôt dans le récit. Il nous faut donc patienter jusqu’à son dernier tiers pour que le film s’emballe enfin, même si cela se fait sous couvert d’un twist redouté. Et là, je ne peux résister à l’envie de l’éventer. Donc si vous voulez maintenir la surprise intacte, ne lisez pas les quelques lignes qui suivent car en vérité… sous les traits angéliques de Mandy Lane se cache un être vil, manipulateur en diable, qui profite de l’attraction qu’elle exerce sur les hommes pour les mener par le bout du nez. Emmet, totalement sous son emprise, se rêvait en amant romantique, mourant main dans la main avec sa bien-aimée. Sa mort n’en sera que plus pathétique, sacrifiant au rituel habituel de “l’amant” éconduit. Il y a de la veuve noire chez Mandy Lane, mais une veuve noire chaste qui n’offre aucun plaisir à ses prétendants. Tout au plus un sourire, maigre écot aux efforts de ces messieurs, bien que la finesse ne soit pas vraiment leur fort. Il ressort de ce coup de théâtre que l’innocente Mandy Lane n’a que faire des garçons de son âge, au contraire du plus mature et ténébreux – cicatrice à l’appui – Garth, le gardien de la propriété avec lequel elle s’enfuit. Faut-il voir dans ce final un message caché de la part du scénariste, relatif à une déception amoureuse ? Ce qui est certain, c’est que le film s’achève de manière aussi inoffensive qu’il avait débuté, sur ce pied de nez loin d’être remarquable.
En sa qualité de premier film, Tous les garçons aiment Mandy Lane devrait prêter à l’indulgence. Sauf que dans le genre embouteillé du slasher, il n’offre aucune alternative valable. A la manière de Mandy Lane et de ses sourires enjôleurs, le film nous accroche le temps d’un prologue intriguant pour mieux nous laisser choir par la suite. Le produit fini manque singulièrement de personnalité au point de singer la photographie des bandes horrifiques des années 70. Un de plus me direz-vous, un de trop aurais-je envie de vous répondre.