The House on Sorority Row – Mark Rosman
The House on Sorority Row. 1983Origine : Etats-Unis
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Juin 1961. Le docteur Nelson Beck (Christopher Lawrence) ne peut que constater que l’accouchement de sa patiente Mme Slater (Lois Kelso Hunt) s’est mal passé. Vingt-quatre ans plus tard, Mme Slater n’a pas réussi à se défaire de son traumatisme psychologique et continue à être suivie par le Dr. Beck, qui craint que sa patiente ne verse bientôt dans la névrose. Elle refuse obstinément de se faire interner et préfère rester chez elle, surtout que les filles de la sororité qu’elle héberge ne tarderont plus à ficher le camp. En principe. Car cette génération est assez turbulente, et les filles prévoient de fêter leur diplôme à la pension de la vieille Slater. La loi est de leur côté, et elles comptent bien en profiter. Elles vont également chercher à se venger de leur logeuse, qui pendant leurs quatre années d’études leur a imposé des règles draconiennes. Le jour J, jour de leur grande soirée et jour de leur vengeance, la farce tourne mal et Mme Slater est laissée pour morte. Décision est prise de laisser son cadavre dans la piscine, où compte tenu du manque d’entretien, personne ne devrait aller farfouiller. La fête bat son plein lorsque les filles sont décimées une à une… Et c’est bizarre, puisque si le corps de Mme Slater a bien quitté la piscine d’où il n’aurait jamais dû sortir, il ne tarde pas à être récupéré sans que les meurtres ne s’arrêtent.
Encore un slasher tourné pour moins d’un demi million de dollars glané à quelques bonnes âmes qui se retrouvent toutes bombardées “producteurs exécutifs” par un réalisateur débutant, fraichement sorti de l’école de cinéma (grâce à laquelle il put travailler comme assistant de De Palma sur Home Movies), avec des acteurs qui ne le sont pas moins et qui pour une large part le resteront. Seul nom un peu ronflant : le compositeur Richard Band (qui officiera sur les principales productions Empire). Et cela démarre plutôt mal : le coup de placer une introduction située vingt-quatre ans plus tôt constitue une première facilité, qui à elle seule suffit à dresser les grandes lignes du profil psychologique de l’assassin. Plus tard, les nombreux jouets d’enfants (dont la sempiternelle boîte à musique) trouvés dans un grenier qui en est rempli et où la logeuse aimait à passer ses instants de déprime viendront corroborer l’origine freudienne des meurtres. Cela, couplé au secret partagé par le Docteur et Mme Slater, dont on ne sait rien mais dont on se doute, évente très tôt l’identité du meurtrier. Que Slater elle-même soit innocentée par sa mort prématurée n’est pas vraiment un obstacle. Au contraire : il ne reste alors plus qu’un coupable possible, et pas besoin d’être Hercule Poirot pour nous sortir du doute. Mais ce n’est pas bien grave : le “whodunit” n’est destiné qu’aux personnages et il trouvera sa résolution de façon assez peu marquante. Le spectateur, lui, n’a qu’à se prélasser dans son fauteuil et à admirer le spectacle. Il n’a pas de questions à se poser, et si l’identité du tueur lui est dissimulée, si les meurtres se font surtout d’un point de vue subjectif, ce n’est que pour mieux donner du style à un film qui rappelle furieusement le génial Black Christmas.
Tout en disant ne jamais avoir vu le film de Bob Clark, Mark Rosman part d’un schéma totalement identique : un mystérieux tueur dans une pension d’étudiantes sur le départ, un grenier où trône un sinistre rocking-chair, et surtout ce style visuel qui distingue le simple slasher vite oublié du slasher soigné appelé à rester dans les mémoires. A quelques exceptions près, dont une tête décapitée trônant au fond des toilettes, Rosman n’a pas recours au gore, issue traditionnelle des slashers “pauvres”. Cela montre à quel point il croit en ses propres capacités pour donner suffisamment de matière à son film. Les meurtres ont beau être rudimentaires, pratiqués à coup de canne -celle de Mme Slater-, ils ont effectivement beaucoup de classe, ils frappent sec et fort, souvent dans une ambiance claustrophobique due à la fois à la noirceur de la photographie (la pension ne manque pas de coins et de recoins sombres), aux positionnements et aux mouvements de caméra et à l’isolement des personnages, particulièrement marquant au milieu de tout un tas de jeune en train de faire la fête. Non pas un isolement débile comme c’est généralement le cas dans les slashers où le groupe de jeunes menacés se divise pour un oui ou pour un non, comme les communistes dans un congrès du PCF après l’abandon du centralisme démocratique. Un isolement cette fois justifié, plus mental que physique : non seulement les jeunes filles ne savent pas qui est le tueur, mais pendant un très long moment elles ne savent même pas qu’il y a un tueur, puisque les victimes sont au rang des disparues. Et si les filles s’isolent les unes des autres, c’est davantage pour fuir une fête gâchée que pour une excuse miteuse permettant au réalisateur d’alterner les plans culs (inexistants malgré ce que suggère l’affiche, à laquelle était d’ailleurs opposé Rosman) et les plans pétards. Là encore, à l’image de ce qui s’était passé en tout début de film avec l’introduction et l’exposition, nous passons petit à petit des conventions à la Vendredi 13 à une approche bien plus élaborée.
Ainsi, au tout début, les filles sont dominées par la garce délurée Vicki (Eileen Davidson) et seule la toute timide Katherine (Kate McNeil) montre des réserves quant à la blague sur la vieille Slater. On croit alors que le film va s’orienter dans un sens bêtement moralisateur sur l’insolence suffisante des “radasses”, ce qui se révèle faux tout de suite après la décision de planquer le corps le temps de la fête. Au contraire, les filles ne profitent pas de leur fête, passent leur temps en remords et en peur, et l’autorité de Vicki se fait nettement moins assurée. Les “soeurs” sont au bord de la rupture, et de là naît leur sentiment d’isolement au milieu d’une foule guillerette. Même Peter, le convive qui s’efforce de draguer Katherine et de la servir, apparaît comme un boulet. Non pas parce qu’il se montre trop pressant ou qu’il apporte une touche comique (ce n’est pas le cas, c’est un gars normal et non un joyeux luron), mais parce que Katherine n’est pas d’humeur à badiner ni à chercher l’épaule réconfortante du premier venu. Elle est désormais loin de la fille coincée et pleurnicharde qu’elle était au début du film. Plus dégourdie sans pour autant devenir une nouvelle Ellen Ripley, moins “innocente” sans pour autant fédérer autour de l’argument “je vous l’avais bien dit !”. Bref, elle est tout simplement crédible. The House on Sorority Row est un slasher sérieux, du genre de ceux où les personnages sont un minimum réalistes sans pour autant afficher la même lourdeur que leurs homologues de Souviens-toi l’été dernier, film justement plombé par le mal-être de ses personnages, pour finalement les dédouaner de toute culpabilité à la fin. Ici, la responsabilité est partagée à la fois par le tueur et par ses victimes.
Tout ceci fait que The House on Sorority Row est devenu un petit modèle de slasher, tendu, bien foutu, toujours en mouvement. Préférant de son propre aveu le cinéma de De Palma et celui d’Hitchcock à l’horreur classique (comme quoi il n’y a pas besoin qu’un réalisateur fasse tout un foin sur sa “passion” pour réaliser un bon film d’horreur), Mark Rosman a su livrer ce que l’on peut considérer comme l’une des réussites méconnues du genre, avec Carnage ou Meurtres à la Saint-Valentin. Et bien sûr, le remake est en route, prévu pour fin 2009.