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Mickey’s Craziest Adventures – Lewis Trondheim et Keramidas

Mickey’s Craziest Adventures. 2016.

Origine : France
Genre : Simulacre
Scénario : Lewis Trondheim
Dessin : Keramidas
Éditeur : Glénat

Géo Trouvetou n’en finit plus d’inventer tout et n’importe quoi. Sa dernière création, une machine à rapetisser, qui entre de mauvaises mains pourrait créer bien des déconvenues. Ce qui ne manque pas d’arriver lorsque Pat Hibulaire, associé pour l’occasion aux Rapetou, s’empare de l’appareil et l’utilise pour dérober toute la fortune de Picsou. Au 36e dessous, le multimilliardaire s’en remet à son neveu Donald pour remettre la main sur sa fortune. Quelque peu démuni face à l’ampleur de la tâche, Donald peut heureusement compter sur le concours de Mickey. Ensemble, ils se lancent à corps perdu à la poursuite des malandrins. Une course folle à travers le monde – et l’espace – qui les amènera à découvrir de nombreuses cités mystérieuses aux richesses parfois presque aussi conséquentes que celle après laquelle ils courent.

Totalement délaissés par la branche cinématographique des studios Disney (leur dernière apparition sur grand écran date de Qui veut la peau de Roger Rabbit ?, issue de sa filiale Touchstone Pictures, créée pour produire des films destinés à un public plus adulte), Mickey et Donald continuent paradoxalement de faire les beaux jours du 9e art. Que ce soit de manière hebdomadaire (Le Journal de Mickey), bimensuelle (Mickey Parade Géant) ou bimestrielle (Picsou Magazine, Super Picsou Géant), la souris malicieuse et le canard irascible continuent de séduire de nouvelles générations à travers leurs aventures hautes en couleurs. La maison d’édition grenobloise Glénat contribue également à cette forte exposition selon deux axes : la valorisation d’un catalogue riche à travers leurs auteurs emblématiques (notamment les américains Carl Barks – créateurs d’une foultitude de personnages impérissables dont Balthazar Picsou, Géo Trouvetou en encore Gontran Bonheur – et Don Rosa ou encore l’italien Romano Scarpa, etc…) et la création d’une collection alternative où de grands auteurs reconnus s’approprient ces personnages très typés (par exemple Cosey, qui revient sur la rencontre entre Mickey et Minnie dans Une mystérieuse mélodie). Un exercice de plus en plus courant qui de Spirou à Lucky Luke en passant par Blueberry voire , à un degré moindre, par Blake et Mortimer vient rappeler à quel point ces grandes figures de la bande-dessinée restent indémodables. L’infatigable Lewis Trondheim, qu’on ne présente plus, s’inscrit à son tour dans ce mouvement, uniquement en qualité de scénariste. Pour Mickey’s Craziest Adventures, il s’associe au dessin à Nico Keramidas (les séries Luuna, Tykko des sables, Alice au pays des singes…) et à sa fidèle collaboratrice Brigitte Findakly aux couleurs.

Mickey’s Craziest Adventures part d’un postulat particulièrement intrigant, fruit d’un hasard facétieux qui nous est narré en avant-propos. Cette histoire rocambolesque associant Mickey et Donald relèverait d’un feuilleton publié durant les années 60 dans le comics Mickey’s Quest, dont des dizaines de numéros garnissaient le stand d’un vide-greniers qu’arpentaient les deux auteurs. Une aubaine qu’ils se sont empressés d’exploiter, tout excités à l’idée d’exposer leur découverte au plus grand nombre. Sauf que cette jolie histoire relève de la mascarade. Mickey’s Craziest Adventures se situe en réalité à la croisée des chemins entre Le Projet Blair Witch et les films Grindhouse de Quentin Tarantino et Robert Rodriguez, le double programme Boulevard de la mortPlanète terreur. Du premier, il partage l’idée de documents retrouvés, annoncés comme authentiques et présentés en l’état. Et des seconds, il reprend ce souci du détail jusqu’au gimmick. On retrouve ainsi ces points qui affleurent sous chaque dessin qui rappelle l’époque des Almanachs Mickey où des doubles pages couleurs alternaient avec des doubles pages en noir orangé. Les bordures sont également artificiellement vieillies (traces d’usure, taches), voire rognées comme à la page 11. Tout cela participe du côté ludique de l’entreprise, prompt à raviver les souvenirs des lecteurs les plus âgés. Maintenant, cet album propose aussi une histoire, et c’est sur point qu’il convient de poser un regard critique.

Construit à la manière d’un feuilleton (une planche par épisode se concluant systématiquement par un gag), Mickey’s Craziest Adventures ne s’embarrasse pas de fioritures. Suivant le modèle des premiers Tintin (de Tintin au pays des Soviets à Tintin en Amérique), le récit se contente d’enchaîner les péripéties à un rythme soutenu sans trop s’appesantir sur ses personnages. Prime est laissée à l’action, et pour ceux qui auraient apprécié croiser plus longuement les personnages satellites des univers de Mickey et Donald, la déception affleure. Sur ce point, Lewis Trondheim fait davantage œuvre d’inventoriste que de scénariste. Ils sont nombreux à défiler (Oncle Picsou, Riri, Fifi, Loulou, le commissaire Finot, Minnie, Daisy, Dingo, etc) pour des participations le plus souvent de l’ordre de l’anecdotique. Le summum étant atteint avec Pat Hibulaire et les frères Rapetou, présents seulement dans une vignette de la page 18 et la planche de la page 46, alors qu’ils sont à l’origine de toute cette histoire. A noter que Nico Keramidas reprend l’aspect physique du Pat Hibulaire retravaillé par le dessinateur Floyd Gottfredson dans les années 30, c’est à dire muni d’une jambe de bois et dépourvu de la queue de chat de ses origines. En guise d’aventures, Mickey et Donald sont rapetissés, contraints de traverser la jungle et d’en affronter tous les dangers, de côtoyer mammouth et dinosaures dans un monde perdu, de voyager dans l’espace ou encore de visiter les geôles d’Atlantis. D’entre toutes, négocier avec des gamins pour leur emprunter leur trottinette ou leur skateboard s’avère de loin la tâche la plus ardue. Il en résulte un trop-plein parfaitement assumé mais un brin rébarbatif à la longue. Un sentiment que les nombreuses ellipses ne font qu’accentuer tout en nourrissant notre frustration. Prises séparément, les différentes étapes du parcours de Mickey et Donald auraient fourni le terreau parfait pour une histoire. Dans le cas présent, nous sommes face à un effet catalogue qui donne l’impression que Lewis Trondheim n’a pas su (ou voulu) choisir, préférant mettre tout ce qu’il avait en tête en une seule fois. Comme s’il craignait de ne pas bénéficier d’une seconde opportunité pour explorer ce vaste univers.

Au moment de fermer l’album, ne nous reste alors en mémoire que le bref plaisir d’avoir renoué avec les héros de notre enfance dans un graphisme joliment suranné. Avec néanmoins l’impression d’avoir plus feuilleté que dévoré. Lewis Trondheim et Nico Keramidas remettront le couvert le temps d’un Donald’s Happiest Adventures puis le scénariste s’associera à un autre dessinateur – Alexis Nesmes – pour le prometteur Horrifikland.

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