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Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin – John Carpenter

jackburton

Big Trouble in Little China. 1986

Origine : États-Unis
Genre : Comédie / Aventures fantastique
Réalisation : John Carpenter
Avec : Kurt Russell, Kim Cattrall, Dennis Dun, James Hong…

Afin de récupérer son camion volé ainsi qu’accessoirement la fiancée de son ami Wang, le routier Jack Burton est amené à s’infiltrer dans le repère de Lo Pan, un magicien maudit privé de substance charnelle depuis plusieurs siècles et qui pour vaincre cette malédiction doit épouser une fille aux yeux verts. Et justement, la fiancée de Wang a les yeux verts…

Film au scénario sans retenue, Les Aventures de Jack Burton dans les Griffes du Mandarin est l’hommage de John Carpenter à un genre de cinéma qu’il n’avait jusqu’alors pas évoqué : le cinéma d’action asiatique parfois mâtiné de fantastique. Pas si étonnant que cela, puisque ce genre entretient une ressemblance certaine avec les westerns tant appréciés de Carpenter, donnant parfois lieu à des remakes d’un genre à l’autre (Les Sept Samouraïs devenant Les Sept Mercenaires, ou encore Yojimbo transposé en Pour une poignée de Dollars, pour ne citer que les exemples les plus connus). C’est donc sans trop de regrets que Carpenter abandonna l’idée du premier scénario qu’il reçut et qui situait le film à l’époque du far west. Ce qui ne veut pas dire que Carpenter ait abandonné toute référence explicite au western, comme le prouve par exemple une scène de duel avec flingues prêts à être dégainés. Mais son intérêt pour ce film fut bien davantage asiatique, avec les arts martiaux, les mythes et légendes et bien entendu, les décors du repère de Lo Pan, véritable forteresse au coeur du Chinatown de San Francisco. Carpenter en fait un lieu complètement isolé du monde et des Etats-Unis, et la forteresse constitue une sorte de Château Segnieurial dominant tout le quartier de Chinatown, lui-même vu comme une sorte d’enclave chinoise au milieu d’une ville américaine.

La loi n’a pas droit de citée, les oppositions entre différentes tribus sont très marquées et permettent à Carpenter de mettre en scène une première scène de combat massive, à base d’arts martiaux et avec des armes plutôt originales qui ont le mérite de confirmer immédiatement le démarquage du film par rapport autres films d’action de l’époque (avec les règnes de Stallone et de Schwarzennegger). Un démarquage qui est également personnifié par le héros du film, Jack Burton, complète opposition des traditionnels héros. En dépit de quelques similitudes (sa liberté, son égoïsme), Kurt Russell est ici loin du personnage de Snake Plissken, puisque Carpenter en fait un beauf notoire, crétin et toujours à côté de la plaque. Burton est incapable de comprendre quoi que ce soit à la culture asiatique et réagit toujours avec sarcasme ou scepticisme face aux évènements extraordinaires qui se mettent sur son chemin, pourtant décrits par ses amis asiatiques comme étant de terribles dangers. C’est ainsi que les vrais héros seront ceux qui sont habituellement réduits aux postes de comiques de service : les sidekicks. Ce sont eux, tous des asiatiques, qui sauront se battre efficacement tout en comprenant très bien la situation et les motivations de Lo Pan. Carpenter échange les rôle, et c’est bel et bien le héros qui apporte la touche comique, au demeurant excellente (il faut voir Burton se débattre pour se débarrasser d’un ennemi empalé sur les crans d’arrêts de ses bottes).

Pourtant, Burton n’a pas la lourdeur des habituels éléments comiques, puisqu’il n’est le faire-valoir de personne et qu’il se considère visiblement lui-même comme le héros, comme le démontre son comportement avec la femme occidentale qui lui est promise, et qui est par ailleurs son parfait complément. C’est en réalité un américain bas de plafond perdu dans un monde qu’il ne connaît pas, et c’est bien là la principale source d’humour, en plus des gaffes en tous genre, menant parfois à des actes de bravoures involontaires (quand Burton dévalle un couloir en pente, dégommant au passage quelques gardes de Lo Pan). Il ne faut pas non plus croire que Carpenter glorifie excessivement les éléments asiatiques et que l’humour du film se résume à la présence du personnage de Kurt Russell. La parodie de la mythologie décrite par le film est bel et bien présente, notamment via des discours spirituels qui se prêtent fort bien à la perplexité du beauf Jack Burton, puisqu’ils se démarquent par leur excessif penchant pour les chichis en tout genre. Il n’y a qu’à voir les multiples enfers aux noms complexes promis aux personnages (du style “L’Enfer des Pêcheurs à l’Envers” !), ou encore certaines appelations (“les Trois Trombes” pour désigner trois guerriers aux habilités surnaturelles, “Le Marécage des Arbres Morts” pour une des parties de la forteresse). Toute cette spiritualité excessive est donc à mettre en totale opposition avec le caractère de Jack Burton, routier à la recherche de son camion baptisé “La Côte de Porc Express” et à la spiritualité toute relative (il n’y a qu’à voir les conseils débiles qu’il donne à ses auditeurs dans l’émission de radio qu’il anime depuis son camion).

Le film se fait donc excessif en tous points, et il n’y a pas de raison que cela ne suive pas dans les scènes d’action et d’aventures. Les combats à l’asiatique se font remarquer par les énormes compétences des combattants, qui sautent dans les airs pour s’y battre et ne ratterrir que longtemps après, qui se font des duels de rayons magiques ou qui utilisent leurs dons physiques parfois exceptionnels (l’homme de main de Lo Pan capable de gonfler son corps en contractant ses muscles) pour impressioner leurs adversaires. Et au milieu de tout ça, Burton continue à être à la ramasse et à mal se servir de ses armes à feu. Dans les aventures rencontrées par lui et sa bande, interviendront également régulièrement toute une gallerie de monstres aux looks pour le moins surprenants (le monstre-espion), mais finalement assez raccord avec la vision du Lo Pan incarné en vieillard croulant et sénile. Tout le film est homogène, et Carpenter trouve toujours le moyen de pimenter les scènes où en apparence aucun danger n’est à craindre. Il faut dire également qu’il ne s’attarde pas sur des scènes en particuliers, et que les personnages traversent une forteresse composées d’innombrables salles étranges, parfois franchement horrifiques (le fameux Enfer des Pêcheurs à l’Envers) et toujours très belles, joliment photographiées et avec des décors impeccables, qui donnent au tout un cachet exotique très appréciable.

Les Aventures de Jack Burton dans les Griffes du Mandarin ont beau avoir été produites par un gros studio (la 20th Century Fox), il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un film qui a tout de la série B. Le réalisateur et ses scénaristes se lâchent totalement, ne reculent devant aucun délire, même pas devant les plus outranciers, et livrent une oeuvre référencielle très dense, riche en aventures, en comédie, en action et en fantastique. La fin elle-même marquera un écart très net avec les habituels dénouements des films hollywoodiens, et Jack Burton y affichera son égoïsme un peu stupide, qui pour le coup le rapprochera à son propre niveau (donc très bas) d’un Snake Plissken. Du Carpenter impeccable.

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