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Les Aventures de Tintin : Le Secret de la licorne – Steven Spielberg

tintinlicorne

The Adventures of Tintin. 2011

Origine : États-Unis / Nouvelle-Zélande 
Genre : Aventures 
Réalisation : Steven Spielberg 
Avec : Jamie Bell, Andy Serkis, Daniel Craig, Simon Pegg…

En achetant sur le marché une vieille réplique du trois mâts La Licorne, Tintin ne le sait pas encore mais il vient de mettre le doigt dans un engrenage qui va l’emmener dans des aventures trépidantes sur terre, en mer et même dans les airs. Ce modèle réduit de bateau suscite d’ailleurs la convoitise immédiate d’un américain et d’un certain Sakharine, les deux semblant prêts à tout, ou presque, pour obtenir La Licorne, y compris à formuler des menaces à peine voilées… Dans le même temps, un pickpocket fait les poches de tous les badauds, tandis que les Dupont-Dupond mènent l’enquête à son sujet. Assez vite, les trajectoires des différents personnages se recoupent et l’histoire est lancée. Le trois mâts est volé, Tintin croit le retrouver au château de Moulinsart, puis se retrouve prisonnier à bord du Karaboudjan, un cargo dont le capitaine est un ivrogne patenté, ayant abandonné la barre à son second, Allan, membre d’une bande de malfaiteurs dirigée par Sakharine.

Tintin rencontre donc le capitaine Haddock et s’enfuit avec lui. Le vieux marin imbibé de whisky multiplie les conneries et les jurons mais trouve sa place tout naturellement dans l’histoire puisque c’est un descendant du Chevalier de Haddoque, capitaine de l’authentique Licorne agressée par les pirates du sinistre Rackham Le Rouge… Un secret est à découvrir et ce sont les messages cachés dans les répliques du trois mâts qui doivent permettre de le percer à jour. Une traversée du désert et une évocation d’un fameux abordage plus tard, le duo Tintin et Haddock (un trio si l’on y ajoute Milou, un peu inexistant) se retrouve dans le palais de l’émir Omar Ben Salaad à écouter la Castafiore chanter le fameux air des bijoux de Faust…

Tiré essentiellement des albums Le Crabe aux pinces d’or et Le Secret de la Licorne, le film de Spielberg n’offre aucune grande surprise au lecteur d’Hergé, tintinophile assidu ou amateur occasionnel, même s’il s’est permis pas mal de libertés dans son adaptation (exit les frères Loiseau par exemple). Tintin est franc et intrépide mais aussi lisse et sage, c’est d’ailleurs peut-être le plus insignifiant des personnages. Le capitaine Haddock est vibrionnant, excessif et exalté, c’est ce qui fait tout son charme et le place au rang de personnage le plus passionnant du film. Les autres sont assez réussis (le fourbe Allan, notamment) ou plus moyennement (les Dupondt, plus pénibles que drôles, contrairement à la BD) mais, dans l’ensemble, aucun ne dépare ni ne fait injure à l’œuvre d’Hergé.
Une certaine fidélité à l’esprit des aventures de Tintin sur papier est mise en évidence dès le générique de début, fait de cases, d’onomatopées, d’une animation mettant en scène les personnages de la BD, tout en présentant les noms des réalisateurs, producteurs, scénaristes, acteurs, compositeur, etc, dans un lettrage identique aux albums. La scène d’ouverture sur le marché offre un second clin d’œil direct au créateur de Tintin, celui-ci se retrouvant dans le rôle d’un peintre portraitiste en train de croquer le visage rond à la houppette du reporter du Petit Vingtième.

Pour les deux réalisateurs à la tête du projet, Steven Spielberg et Peter Jackson (à la production), il s’agit visiblement d’inscrire leur aventure filmée dans une sorte de filiation aux albums plutôt que dans une exploitation pure et simple d’une poule aux œufs d’or. Pari réussi à ce niveau, tant les personnages faits d’images de synthèse et d’acteurs filmés en « performance capture » prennent vie et s’incarnent bien plus que les autres tentatives réalisées jusque là pour le cinéma, à base de poupées de chiffon (Le Crabe aux pinces d’or déjà, en 1947, pour cette adaptation paraît-il particulièrement ratée), de personnages en chair et en os (Tintin et le mystère de la Toison d’or, en 1961, Tintin et les oranges bleues, en 1964), ou en dessin animé (Tintin et le temple du soleil, en 1969, Tintin et le lac aux requins, en 1972). C’est peut-être la plus grande réussite du film que cette vie hors des cases donnée à des personnages qui ne s’y étaient jamais trouvés à l’aise jusqu’à présent ; une réussite culminant dans la séquence mêlant le désert à l’océan, lorsque le capitaine Haddock, sevré d’alcool, se souvient de l’histoire de son ancêtre et se la remémore, celle-ci envahissant l’écran dans un déluge de vagues tempétueuses et mettant aux prises l’équipage du vaillant ancêtre Haddoque aux terribles pirates, dans la fureur des coups de canons et la violence de l’abordage.

Cette fidélité à l’esprit des aventures de Tintin est malheureusement alliée à une autre fidélité : celle du blockbuster, tendant à en offrir toujours plus et péchant par excès plus que par retenue. Ici, on notera un duel à coups de grues franchement de trop et une fuite du palais de l’émir visuellement réussie et trépidante mais un peu vide et gratuite. Dans l’ensemble, le film se tient néanmoins assez bien, n’offrant rien d’inoubliable mais un spectacle de bonne facture plutôt plaisant à regarder, dans une durée raisonnable (1h47). La 3D n’apporte, comme souvent, pas grand-chose de plus (voir un certain mal de crâne pour les plus sensibles), mais fait son petit effet au détour de quelques scènes.
Le plus écœurant avec ce type de film, tellement cher qu’il faut tout faire pour qu’il cartonne, est cette débauche marketing qui entoure sa sortie, les personnages se retrouvant associés à une chaîne de fast-food, à une marque de voiture, à une enseigne de grandes surfaces, etc. S’il n’y a pas de trahison des personnages dans le film, leur surexploitation mercantile et médiatique par ailleurs les vide un peu plus chaque jour de leur substance pour en faire de simples « objets publicitaires », au risque de les tuer symboliquement et de ruiner leur crédibilité à l’écran.
Cette réserve mise à part, je me retiendrais bien de crier au chef-d’œuvre mais je reconnais volontiers que les deux lascars à la tête du projet ont mis pas mal d’atouts de leur côté pour réussir leur pari. Deux suites sont prévues, la seconde étant réalisée par Peter Jackson lui-même (je crains bien qu’il faille renoncer définitivement à le voir à nouveau faire preuve du mauvais goût de Bad Taste ou d’une animation cradingue et rudimentaire à la Meet the Feebles), et probablement liées au résultat au box-office en Europe d’abord (où le film est sorti fin octobre) puis aux États-Unis (où le personnage de Tintin n’est pas connu du grand public et où la sortie du film est prévu pour les vacances de Noël). Quoi qu’il en soit, la mention « de 7 à 77 ans » qui ornait les albums peut tout à fait convenir aussi à ces aventures-ci.

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