La Planète des vampires – Mario Bava
Terrore nello spazio. 1965Origine : Italie / Espagne
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Deux vaisseaux, l’Argos et le Galliott, reçoivent un signal inconnu de la planète Aura et décident d’aller y jeter un coup d’œil. Alors que le contact avec le Galliott est rompu, l’équipage de l’Argos tombe dans les pommes suite à l’énorme force de gravité de la planète. A leur réveil, les astronautes sont à deux doigts de s’entretuer, avant que tout le monde reprenne ses esprits. Le vaisseau est cloué au sol, et une expédition sur la planète va révéler que les collègues du Galliott sont morts. Comment ? L’équipage de l’Argos l’apprendra à ses dépends. De toute évidence, quelques entités malveillantes rodent dans le coin.
Après Six femmes pour l’assassin, Mario Bava entra dans sa période hétéroclite, s’essayant ou se réessayant à divers genres sans s’attarder sur aucun. Le western pur et dur avec Arizona Bill, le western mou et déguisé en mythologie viking avec Duel au couteau, la comédie d’espionnage avec L’Espion qui venait du surgelé, le super-héros avec Danger : Diabolik, l’épouvante avec Opération Peur, la science-fiction avec La Planète des vampires et même une participation à une mini-série adaptant au petit écran L’Odyssée d’Homère. Un point commun unit cependant la plupart de ces productions, et les rattache même aux gialli qui ont fait la célébrité de Bava, peut-être plus encore que ses films d’épouvante : l’esthétisme. Directeur photo de formation, Bava s’est toujours plu à jouer avec ses décors et ses éclairages. La décennie en cours, bien connue pour ses couleurs chatoyantes et psychédéliques, lui offrait donc une opportunité qu’il ne pouvait pas ne pas saisir. Cependant, dans le cas de La Planète des vampires qui nous intéresse ici, cette recherche formelle fut également la résultante d’une contrainte budgétaire. Malgré ses financiers italiens et espagnols, malgré l’arrivée à la production de l’American International Pictures (qui jusqu’ici se contentait de distribuer les films de Bava aux Etats-Unis), il n’y avait pas suffisamment de moyens pour construire une planète crédible. D’où la nécessité de cacher la maigreur des décors en extérieurs, qui se résument selon Bava à deux rochers de plastique (démultipliés grâce aux perspectives) trouvés dans les studios de Cinecittà. Et pour cela, pas d’autre choix que d’avoir la main lourde sur les fumigènes bariolés, qui donnent au film une allure particulièrement représentative des sixties et du style de Bava durant ces années-là. Kitsch ? Un peu, oui, car pour être véritablement crédible la science-fiction se devrait de rester sobre, et surtout de ne pas s’aventurer dans les phénomènes de mode en vigueur au moment des tournages. Une nécessité, qui si on lui en ajoute d’autres (représenter des extra-terrestres convaincants, reposer sur des concepts scientifiques plausibles, imaginer des technologies pas trop exubérantes) en fait un genre particulièrement propice au kitsch.
A tous ces pièges, Bava n’échappe que partiellement. Outre les fumigènes, qui ont toutefois quelques mérites artistiques, on ne peut qu’être frappés par les combinaisons portées par nos fiers astronautes. Soit de grandes tenues en latex noires aux coutures jaunes apparentes (avec le col relevé jusqu’aux oreilles !), soit une fort seyante combinaison rose saumon, qui toutes deux semblent restreindre fortement leurs porteurs dans leurs mouvements. Les acteurs ont ainsi un aspect guindé peu naturel. Les propos scientifiques paraissent également assez hasardeux : Bava fait comme si ils étaient naturels et les personnages évoquent les “fractions d’omega” et le célèbre “propulseur d’omega” comme si ils parlaient du prix de litre de sans plomb à la pompe. A ce niveau, le film joue donc l’esbroufe… On associe des termes qui sonnent bien, qui évoquent des concepts de physique poussés, mais qui sont déjà connus du grand public, et ça suffit bien. Pourquoi pas, même si ce procédé m’a toujours rappelé SOS Fantômes et sa tendance à parodier des termes pseudo-scientifiques accouchant de dialogues sans queue ni tête. Quelques lois de physique difficilement gobables viennent compléter le tableau : une force de gravité tellement forte qu’elle colle l’équipage au sol (il faut voir le pauvre technicien lever péniblement la tête pour lire un compteur) et un total mépris pour l’étude des conditions atmosphériques (air respirable ou pas, personne ne s’en soucie). Mais tout cela est-il véritablement un défaut ? La Planète des vampires ne se veut pas le moins du monde scientifique, et les quelques facilités -de même que les choix esthétiques- n’en sont que l’illustration. Elles aboutissent à une certaine naïveté à l’ancienne, ancrant le film dans les années 60, que certains pourront apprécier. Après tout, chaque époque de science-fiction a ses propres habitudes, et une fois qu’elle sont devenues désuètes, tant pis. Elles entrent alors au patrimoine de la science-fiction, ce qui fait que ce genre pourtant en principe le plus à même de laisser libre court à l’imagination est en fait l’un des plus aisément démodables, payant son tribut aux conceptions d’une époque donnée.
Mais La Planète des vampires est loin de n’être qu’un exemple parmi tant d’autres de la science-fiction des années 60. Son scénario en fait autre chose, ne serait-ce que par sa vision des extra-terrestres, élément par excellence permettant de dater un film (par l’allure des créatures, par la qualité des effets spéciaux…). Les années 50 et 60 avaient les petits hommes verts dans leurs soucoupes rondes, maintenant les engins ont des designs plus élaborés et leurs occupants sont des petits gris (merci X-Files, entre autres). Dans son film adapté d’une nouvelle italienne, Bava ne montre pas d’aliens. Un peu à l’instar de Don Siegel dans L’Invasion des profanateurs de sépultures, les extra-terrestres prennent possession de corps humains. A la différence près que cette fois, leur présence est un peu plus facilement décelable compte tenu que les corps investis sont ceux de cadavres que l’on croyait parfois enterrés. D’où l’allusion aux vampires dans le titre français, qui cela dit aurait été plus près de la vérité en parlant de zombies (mais Romero n’avait pas encore contesté l’hégémonie des avatars de Dracula dans le monde des non-morts). On le devine aisément : La Planète des vampires cache un véritable film d’épouvante sous des allures science-fictionnelles, ce qui contribue grandement à lui faire dépasser le stade de production anonyme pour en fait une oeuvre marquante. On peut même y voir des plans subrepticement gores, par exemple lorsqu’un évadé de la tombe laisse apparaître ses chairs bien amochées, ou encore avec certains faciès patibulaires. Mais le film se veut avant tout effrayant, et a énormément recours au calme reflétant le risque de voir des vampires / zombies attaquer un ou plusieurs membres d’équipages. Le danger peut venir de partout, et le vaisseau n’est même plus un refuge digne de ce nom, puisqu’arrivé à un certain point vers le final on ne saurait dire avec exactitude qui est “possédé” et qui ne l’est pas. A la différence de Siegel, Bava ne joue pas sur la paranoïa, mais bien sur la tension permanente, qu’il conforte avec des personnages très stoïques, tentant de garder leur mesure et leur esprit professionnel. Ce qui fait d’eux des gens assez froids, auxquels il est difficile de s’identifier, mais qui renforce l’ambiance toute particulière du film. De toute façon, c’est bien connu “dans l’espace, personne ne vous entend crier”… Le parallèle est lâché : Alien, de Ridley Scott. Le calme général et la nature des personnages y ressemblent beaucoup, sans parler de celle des extra-terrestres, du genre “planqué”, à vous tomber dessus sans crier gare. Mais bien entendu, le point de parenté le plus évident est lorsque deux membres de l’Argos s’en vont visiter les ruines d’un vaisseau inconnu, et y découvrent une technologie particulière, d’un look particulier (bon, ici ce n’est pas aussi réussi que du Geiger, mais quand même) et surtout un squelette n’évoquant rien de terrestre. Ridley Scott et Dan O’Bannon se sont toujours défendu d’avoir copié Bava, et même d’avoir déjà vu son film avant de composer Alien. C’est peut-être vrai, n’empêche que Bava a bien réalisé un film antérieur, et qui partage déjà beaucoup de ses qualités. Sans payer de mine, La Planète des vampires est un très habile film de science-fiction bien moins conventionnel qu’il n’y paraît. Une histoire fascinante et novatrice dans un cadre qui plaira aux amateurs de SF à l’ancienne.