ActionCinémaScience-Fiction

Danger : Diabolik – Mario Bava

dangerdiabolik

Diabolik. 1968

Origine : Italie / France 
Genre : Action 
Réalisation : Mario Bava 
Avec : John Phillip Law, Marisa Mell, Michel Piccoli, Adolfo Celi…

Créé par les soeurs Giussani en 1962, Diabolik, avant d’être le film très réputé de Mario Bava, est un fumetti (ou bande-dessinée italienne) de la tradition des années 60 influencé par le français Fantômas. Le personnage est un de ces vilains tenant le haut de l’affiche, un de ces super anti-héros ridiculisant les autorités par leur habilité à réaliser des casses sortant du commun. Diabolik, tout ennemi public numéro un qu’il soit, n’est pourtant pas un leader de pègre, bien au contraire : il est l’ennemi des autres criminels autant qu’il est celui de la police. Disposant d’un gigantesque repère souterrain secret, son seul allié est sa femme Eva Kant, dont il est profondément épris.

C’est Dino De Laurentiis, alors très motivé par les BD (il est également à l’origine du Barbarella de Vadim la même année), qui obtient le droit de produire l’adaptation cinématographique de Diabolik. Son réalisateur, un Mario Bava pas forcément très habitué à ce genre de productions (tout comme Vadim pour Barbarella), hérite d’un duo d’acteurs qui ne fera pas long feu : John Phillip Law dans le rôle-titre et Catherine Deneuve dans le rôle glamour d’Eva Kant. Peu amène avec son actrice, Bava la vire sèchement au bout d’une semaine pour la remplacer par la pulpeuse Marisa Mell, star du cinéma transalpin qu’un grave accident de voiture avait failli laisser défigurée quelques années plus tôt. Désormais impeccable, Mell peut donc donner vie à la blonde Eva Kent, compagne d’un Diabolik qui après avoir une nouvelle fois déjoué les fonctionnaires du ministère de l’Intérieur se retrouve plus que jamais au coeur de l’actualité. Lassé de passer pour un imbécile, le Premier Ministre décide d’utiliser les grands moyens pour arrêter Diabolik. L’inspecteur Ginko (Michel Piccoli) se retrouve donc avec une totale carte blanche qu’il utilise pour débaucher le malfrat Valmont (Adolfo Celi), auquel il promet la clémence en échange de son aide dans la capture de Diabolik…

Ou comment réussir à utiliser toutes les ficelles de la bande dessinée dans un seul film ! Roublarde, cette intrigue parvient en effet à démontrer que Diabolik n’est ni un justicier ni un méchant de la trempe des Joker, Lex Luthor ou autres nemesis de super-héros américains. Sans aller jusqu’à dire qu’il est un Robin des Bois moderne, le bandit à la combinaison de latex noir trouve son plaisir non pas à faire le mal, mais à cambrioler tous les biens financiers que l’Etat entoure d’une sécurité maximum. De vrais duels lancés à un Diabolik cherchant avant tout à combler sa femme, par exemple en s’engageant à lui offrir le collier de diamants porté par l’épouse d’un haut dignitaire britannique. Ce scénario n’est à vrai dire pas très recherché, et la préparation du casse, son exécution et les quelques contretemps qui s’ensuivent (dûs à l’intervention du vilain Valmont, qui s’en sera pris à Eva) peinent à donner au film suffisament de matière pour durer une heure trente. C’est pourquoi Bava, aidé d’une troupe de scénaristes, n’hésite pas après une heure et quart à repartir sur des bases complètement différentes, celles du vol programmé d’un énorme lingot d’or enfoui dans un sarcophage d’acier réputé imprenable. N’ayant pas peur de paraître incohérents, Bava et son équipe se laissent aller à créer une vraie bande dessinée filmique dépoussiérant les serials d’antan. Comme eux, le film de Bava met le personnage principal face à des défis grandiloquents parfois contraires à toute logique (du style “comment échapper à une autopsie lorsque l’on est décédé ?”). Mais la différence est que cette fois, la suite de chacune des situations déséspérées auxquelles est confronté l’anti-héros n’est pas au prochain épisode, mais à la scène suivante. Ce qui nous amène donc à assister à un véritable cortège de rebondissements hautement improbables renvoyant les pitreries de l’agent 007 sous l’ère Roger Moore au statut de docu-fictions sur les services secrets britanniques. Il va sans dire que le réalisateur s’éloigne de la violence de la bande dessinée d’origine pour aller frayer ouvertement avec la comédie, notamment via un personnage de ministre systématiquement ridiculisé à chacune de ses apparitions à la télévision. Bava se plait à verser dans l’ironie et offre à Diabolik (mais aussi à lui-même) l’occasion de se moquer vertement de toutes les administrations régulant le pays.

Rien que cela aurait contribué à faire du film de Bava l’un des films les plus saugrenus de l’âge d’or du cinéma italien. Mais son aura culte, le film la doit certainement encore davantage aux choix esthétiques de Bava. Le cinéaste, ancien étudiant des beaux arts et chef opérateur dans l’âme, se confronte ici de plein fouet au mouvement pop psychédélique, donnant à toute la première partie de son film un look pour le moins bariolé que d’aucun taxerait volontiers de “kitsch” et qui aurait tendance à rendre bien fade le reste du film, malgré la musique psychédélique de Morricone, malgré le costume de son personnage principal et malgré les tenues fantasques et extrêmement révélatrices de la très érotique Ava. Dans cette longue introduction, Bava nous fait découvrir l’antre de Diabolik. Un lieu très sophistiqué, quasi-futuriste, plein de couleurs et d’angles arrondis dans lequel le couple de héros, après avoir pris une douche assez conceptuelle, s’en va faire l’amour dans un lit circulaire et rotatif au milieu d’un déluge de billets de banque. Cette scène à elle seule résume les côtés outranciers et irrévérencieux d’un film atypique, l’un des films les plus étranges de Mario Bava et l’un des films les plus “pops” du cinéma italien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.