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L’Ile de l’épouvante – Mario Bava

 

iledelepouvante

5 bambole per la luna d’agosto. 1970

Origine : Italie 
Genre : Giallo 
Réalisation : Mario Bava 
Avec : William Berger, Ira Fürstenberg, Edwige Fenech, Howard Ross…

Quatre couples fortunés se réunissent dans la luxueuse demeure d’un ami absent, sur une petite île. Seule la fille de leur hôte ainsi qu’un domestique sont sur place. Les conditions pour de bonnes petites vacances sont réunies. C’était sans compter sur les affaires : parmi ces invités se trouve un scientifique détenant une formule miracle qui promet de rapporter beaucoup à son acquéreur. Les trois autres hommes étant tous des industriels concurrents, la compétition va être rude pour empocher la mise, surtout que le scientifique, Fritz Farrell (William Berger) refuse obstinément de vendre sa découverte. L’enjeu est tel que quand le domestique est retrouvé assassiné, personne ne s’en soucie. Par contre, l’assassinat de Fritz et les meurtres qui s’ensuivront achèveront de gâcher les vacances. Et bien entendu, le téléphone ne marche plus et tous les bateaux sont introuvables.

Père du giallo à l’écran avec La Fille qui en savait trop et Six femmes pour l’assassin, Mario Bava revient apporter sa pierre au genre, qui commence alors à prendre son envol avec des productions de plus en plus nombreuses. Problème : lui qui venait tout juste de sortir des films psychédéliques encore aujourd’hui regardés en curiosités notoires (L’Espion qui venait du surgelé, Danger : Diabolik, et même son incartade dans la science-fiction avec La Planète des vampires) se retrouve avec un scénario non seulement dépourvu d’originalité (une remise au goût du jour des Dix petits nègres d’Agatha Christie, déjà adapté au cinéma ou à la télévision une paire de fois) mais aussi traversé par de fulgurantes incohérences que le réalisateur, en corrigeant lui-même le travail de Mario Di Nardi, ne parvint à sauver, voire ne fit qu’amplifier. Résultat : 5 filles dans une nuit chaude d’été (un titre autrement plus beau que cet anonyme L’Île de l’épouvante) est un giallo mollasson, qui se traîne péniblement en longueur malgré quelques rebondissements parachutés. Étrangement, les meurtres sont totalement mis de côté. Bava ne les montre pas, ne prend même pas la peine de les amener, et se contente du résultat : les cadavres, portés à la chambre froide par les survivants sous la mélodie d’une musique mettant l’accent sur la répétition de cette action. Un peu comme si les personnages travaillaient dans une morgue et ne faisaient que leur devoir, détachés de toute émotion. C’est d’ailleurs ce sentiment “je m’en foutiste” qui prévaut, puisque le premier vrai meurtre, celui du domestique, ne fait réagir personne, et que les autres n’interviennent de façon regroupée que dans la dernière partie du film. Au cours des longues minutes qui séparent ces deux parties, Bava aura fait assassiner son personnage central, le professeur Farrell, par un tueur dont l’identité aura été révélée au spectateur. Un procédé qui évoque davantage les codes du slasher à l’américaine (qui n’était pas encore né) que ceux du giallo. Habituellement, ces derniers exigent une enquête destinée à trouver l’identité du tueur ainsi que ses motivations. Dès lors, à moins d’imaginer que Bava cherche à dynamiter les conventions, il ne sera pas bien dur d’anticiper la nature tordue du dénouement. A vrai dire, la chose est tellement évidente que le manque de suite dans les idées de nos maniérés personnages fait figure d’incohérence. Bava semble même avoir à ce point détesté ses protagonistes qu’il n’en place aucun sur le devant de la scène. Une fois le professeur Fritz assassiné, 5 filles dans une nuit chaude d’été n’a plus de personnage principal… et plus vraiment de fil conducteur. Les industriels ne savent plus quoi faire, eux qui ne cherchaient qu’à essayer de persuader leur collègue de leur vendre la formule, prouvant au passage que les relations amicales ne tiennent pas la route face aux affaires financières. Il faut bien le dire : cette orientation n’avait déjà vraiment pas grand chose de passionnant. Les personnages sont des salauds, certes, mais Bava ne va pas au-delà. Il ne joue pas la carte de la dérision, ni de la paranoïa ou de la tension. Lorsque les meurtres arrivent enfin, ils ne semblent qu’être le nouveau divertissement d’une petite foule globalement apathique…

Une seule chose empêche finalement l’encéphalogramme de s’aplatir comme une crêpe : le sens de l’esthétisme du réalisateur. Celui-ci, qui avec son fidèle Antonio Rinaldi a également occupé le poste de directeur photo, se montre davantage inspiré par ses décors que par son histoire. Toujours aussi psychédélique, Bava a recours à des mouvements de caméra pour le moins saugrenus, pour ne pas dire kitsch. Les zooms et dézooms ne sont par exemple pas d’une délicatesse infinie (sinon le bon vieux Jess Franco serait mieux considéré que Kubrick), mais ils ont le mérite de s’inscrire dans un style particulièrement sophistiqué se mariant plutôt bien avec la nature des personnages (principalement féminins) et avec l’aspect global de la maison servant de cadre. Le “bon chic bon genre” de la fin des années 60 est de mise, et avec lui Bava peut jouer avec des accessoires et des motifs typiquement psychédéliques pour composer ses plans. Une des plus belles scènes démarre ainsi lorsque des billes transparentes dévalent un escalier pour se retrouver devant une baignoire où gît le cadavre d’une femme qui s’est tranchée les veines. Avec de tels effets, le réalisateur parviendrait presque à faire oublier que cette mort sortie de nulle part n’a aucune incidence sur le récit… La même chose peut être dite de l’érotisme, qui parviendrait presque à donner de la consistance aux épouses des personnages (qui ne servent strictement à rien et ne sont pas concernées par la fameuse formule scientifique). Les jupes ultra-courtes, la nymphomanie du personnage d’Edwige Fenech, l’homosexualité de deux de ses camarades, le voyeurisme de la fille des propriétaires qui se prend pour une grande dame, les gros plans sur de la peau dénudée, les mâles tentés et entreprenant… Tout ceci est très beau, mais foncièrement, appliqué à tout le film, le style de Bava est trompeur. Pour peu, 5 filles dans une nuit chaude d’été pourrait passer pour un bon film ! Il ne s’agit hélas que d’une grande illusion d’optique. Tout le savoir-faire du metteur en scène ne saurait remplacer un film mal écrit, qui aurait aussi bien fait de ne pas s’encombrer d’éléments giallesques, insérés n’importe comment dans l’heure vingt que dure le métrage. 5 filles dans une nuit chaude d’été aurait du être un film sociologique sur les mœurs de la bourgeoisie.

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