Amityville : No Escape – Henrique Couto
Amityville : No Escape. 2016Origine : États-Unis
|
Le remake a échoué à remettre la saga sur le devant de la scène, le “réveil” (The Awakening) n’a pas fait mieux… Et voilà : Amityville est désormais une franchise dans les limbes. Elle n’a jamais volé bien haut, évidemment, mais tout de même, ce qu’elle est de nos jours est franchement embarrassant. Le problème vient avant tout du fait qu’il n’y a pas de saga, légalement parlant : Amityville est un nom du domaine public, et il faut croire que même la célèbre maison avec ses fenêtres en quart de lune (qui au passage ne le sont plus depuis belle lurette) n’est pas protégée par un quelconque point de droit. Avec un nom célèbre et une image relativement iconique à disposition, n’importe qui peut donc y aller de son Amityville. La démocratisation des caméras aidant, l’appel d’air a entraîné une avalanche de films prétendant être liés à la célèbre affaire qui éclata en 1976. Tout et n’importe quoi a donc été tourné, y compris un porno et un film… de requin tueur. Mais s’il est un genre qui profita de l’aubaine, c’est bien le “found footage”. Profitant de la mode post-Paranormal Activity et de la gratuité de l’estampille “Amityville”, innombrables furent les petits malins à y aller de leur panouille à peu de frais. Pioché au hasard sans que rien ne vienne le distinguer de la concurrence, No Escape est de ceux-là. On le doit à un cinéaste “chevronné” : l’américano-portugais Henrique Couto, né en 1986 et crédité sur l’IMDB de 27 titres comme réalisateur depuis 2003. Courts ou longs métrages, directement en vidéo à ses débuts et directement pour Amazon Prime Video à l’heure actuelle (souvent gratuitement). Bien souvent il a également occupé d’autres fonctions : scénariste, producteur, acteur, monteur, directeur photo, voire responsable des effets spéciaux, cascadeur et compositeur… Et souvent, il bénéficie de l’aide de collaborateurs réguliers, eux aussi à l’occasion multitâches. Ainsi, dans Amityville : No Escape, les acteurs Alia Gabrielle Eckhardt et Ira Gansler sont également et respectivement maquilleuse et co-scénariste. Bref, Henrique Couto est semi-amateur et son film également. Pour l’anecdote, son heure de gloire sera une série à destination d’Amazon Prime Video, Boggy Creek (au sujet du Bigfoot), à travers laquelle il aura pu collaborer avec Fred Olen Ray (co-scénariste sur deux des dix épisodes et crédité comme producteur exécutif). Voilà pour ce qui est du profil d’un de ces nombreux aventuriers à s’être lancé dans un énième vrai / faux Amityville noyé dans la masse.
Amityville : No Escape a-t-il au moins un lien avec l’affaire Amityville ? Car malgré l’usage du nom, cela ne va plus de soi. Et bien… Moui… Il y a une maison hantée. Encore qu’à un plan près (celui des fameuses fenêtres), elle ne ressemble en rien à celle que l’on connait : la disposition des pièces est complétement différente, et la bâtisse elle-même est isolée dans les bois plutôt que de se situer sur une avenue. Et pas un mot sur les Lutz, les DeFeo, et encore moins sur les films qui en ont découlé. C’est que, étant un “found footage”, No Escape prétend être réel (avec l’inévitable texte d’introduction propre au genre) et fait mine de verser dans la mise en abime. Ainsi, ces étudiants arrivant à Amityville s’empressent d’aller questionner les gérants de la boutique DVD locale -avec plein de posters de films d’horreur partout, syndrome du clin d’œil oblige- au sujet de ce qu’ils pensent de la véritable affaire. Ce à quoi ils leur répondent qu’elle a été dénaturée par les romans et les films, mais qu’il doit bien y avoir un fond de vérité et qu’ils ne se risqueraient pas tout seuls dans la maison. Voilà de l’analyse profonde ! Franck Khalfoun avait déjà fait le coup de la métatextualité dans Amityville : The Awakening. Le procédé est devenu assez banal depuis que Wes Craven a pondu Freddy sort de la nuit puis les Scream, et il est encore renforcé à notre époque de référence à tout va. Reconnaissons tout de même à Couto de ne pas avoir cherché à faire une ode de “fanboy” à la saga dont il s’est arrogé le titre et qu’il ne mentionne qu’en passant, ou éventuellement en casant ici où là un ou deux trucs qui pourront rappeler des souvenirs (comme un coup de feu dans la nuit). Par contre, s’il ne fait que survoler Amityville, il fonce bille en tête vers d’autres références : Paranormal Activity et The Blair Witch Project ! Non pas pour leur tirer son chapeau, mais bien pour piller leur scénario. Et sans avoir besoin de les passer au shaker, puisque No Escape contient deux films en un, sans correspondance l’un avec l’autre, et qui finiront par se rejoindre dans un grotesque plan final recherchant plus à susciter la stupeur (ou la consternation ?) qu’à faire sens.
Montées alternativement, les deux intrigues viennent s’interrompre aux moments opportuns, et de manière assez déséquilibrée. Il arrive qu’une des deux reprenne les devants pour une poignée de secondes. De toute évidence, cette construction a été pensée pour instaurer un peu de suspense. Procédé qui apparaît un peu facile, mais qui à force, prend le risque de faire sortir le spectateur de chacune des deux intrigues. Sur ce point, on peut être rassuré : ce n’est pas sans soulagement que l’on sort de chacune de ces deux intrigues ! Car comme dans tout found footage au rabais, voire comme dans tout found footage tout court, le spectacle n’est pas à proprement parler palpitant. Mais de quoi parle-t-on au juste ?
Et bien d’abord, nous avons George Harris, un étudiant qui embarque sa sœur, sa copine, un ami caméraman et une amie new age pour camper dans les sulfureux bois d’Amityville. Pour jouer à se faire peur ? Oui, mais sous couvert d’une étude universitaire visant justement à analyser les peurs ! Ils trouveront de quoi faire…
Rien de bien neuf sous le soleil. De la repompe basique de Blair Witch filmée à la caméra numérique. Au moins peut-on remercier le réalisateur de ne pas agiter son matériel dans tous les sens, si ce n’est bien sûr lorsque le moment s’y prête (généralement signe de la panique à bord dans le groupe de personnages). Signalons aussi qu’étonnamment, le jeu des acteurs est plutôt bon, encore qu’ils aient bien du mal à rendre leur peur communicative. Ils n’en sont pas particulièrement responsables, les principaux fautifs étant surtout Henrique Couto et son co-scénariste, dont la conception de la peur se limite grosso modo à l’effet de surprise. Effet qu’ils ne parviennent d’ailleurs pas à faire naître, tant la moindre apparition est téléphonée… comme l’est d’ailleurs tout le film, aussi pauvre en budget qu’en imagination. Bien entendu, chaque fait notable (et il y en a peu) a lieu la nuit, lorsque le réalisateur décide de plonger tête baissée dans les poncifs les plus éculés : les histoires au coin du feu, les promenades en solitaire sur un sentier, les cris d’animaux, l’intervention imprévue d’un redneck hirsute muni d’un fusil (le co-scénariste !), le coup du “aller, encore une dernière nuit à tenir et puis on y va” et puis, bien sûr, c’était couru d’avance, l’arrivée d’une dame en blanc tout droit sortie des films de fantômes japonais des années 2000. Généralement à distance, bien entendu, et un peu floutée histoire de la rendre plus spectrale encore (ne vous attendez pas à voir celle de l’affiche : elle n’y est pas). Le parfait attirail du petit Youtubeur cherchant à créer le buzz avec des vidéos paranormales. En l’absence total d’effets spéciaux, ce que l’on peut comprendre vu le peu de moyens à disposition, Couto ne cherche même pas à innover, suivant platement les passages obligés jusqu’au dénouement qui mènera les survivants dans la maison d’Amityville. Oui, des survivants, car il y effectivement des morts à signaler : tous auront passé l’arme à gauche en hors-champ, souvent après avoir croisé la dame blanche. Manque de bol, cette rencontre leur aura soit fait lâcher leur caméra, soit provoqué la fuite de leur caméraman. On ne les verra donc pas mourir, mais on retrouvera leurs cadavres vaguement ensanglantés, ce qui nous fait une belle jambe. Puisque rien ne nous aura été dit au sujet de la “malédiction” qui pèse sur le bois d’Amityville (au contraire de Blair Witch, qui inventait un arrière-plan), et que les manifestations surnaturelles se résument aux apparitions de cette seule dame blanche, on en vient au final à se demander si nous ne sommes pas en fait face à un slasher caché derrière l’appellation Amityville et les clichés d’usage. Et les personnages ont beau s’agiter, des morts en hors champs dans un slasher, cela fait désordre.
Couto n’aura strictement rien orchestré de valable dans cette partie boisée, et bien entendu il n’aura même pas fait semblant d’approfondir cette vague histoire d’étude sur “la peur”, qui après quelques échanges au coin du feu ne sera devenue qu’un simple prétexte pour envoyer un quidam se promener tout seul avec sa caméra (soit disant que c’est plus probant pour la recherche). Non que l’on en attendait grand chose, mais c’eût put être une orientation, si le réalisateur avait eu l’envie d’approfondir ses personnages, comme il l’a furtivement laissé imaginer au début avec ces lourds sous entendu sur la peur de l’échec dont souffre George, l’organisateur de cette petite rando. Mais non… Il faudra se contenter du néant. Ou de la deuxième intrigue.
Et donc, tout droit issue d’une vieille VHS retrouvée par on ne sait trop qui (mais on sait comment : achat par internet), nous avons Lina, une jeune femme qui en 1997 avait emménagé dans la célèbre maison d’Amityville en étant bien la seule à ne pas savoir dans quel guêpier elle se fourrait. Son petit ami étant mobilisé hors des frontières par l’armée, elle s’était dit que ce serait sympathique de faire des vidéos où elle s’adresserait à lui et lui montrerait l’avancement des travaux. Au lieu de quoi, elle va lui montrer la tension puis la terreur qui la gagne au fur et à mesure que des phénomènes étranges se produisent !
Après Blair Witch, place à Paranormal Activity pour une crise de nerf domestique provoquée par des esprits malveillants. De l’enthousiasme du début jusqu’au dénouement “terrifiant”, c’est un basculement dans la peur qui est censé frapper la pauvre Lina, qui ne peut visiblement compter sur personne en dehors d’un médecin qu’on ne voit jamais et qui, selon ses dires, se contente de lui suggérer de parler à la caméra. Cela lui fera du bien, paraît-il… Ou encore, toujours en dehors du champ de la caméra, Lina fait venir la police qui après vérification lui confirme qu’elle est bien seule à la maison. Bon. Le seul autre personnage que nous verrons dans cette affaire est le livreur de courses, venu apporter les denrées, non sans remarquer que ça lui fait tout drôle d’être dans cette maison. Ah. Merci de l’info. Toutefois, cela lance enfin Lina sur une piste : elle se lance alors dans la lecture d’un ou deux bouquin piochés à la bibliothèque et qui mentionnent les faits divers survenus dans la maison, à savoir que tous les propriétaires précédents ont vite déguerpis. Et qu’en déduit Lina ? Et bien rien. Paresseuse, la donzelle fait écho au réalisateur qui une fois encore omet complétement de développer une histoire et se contente de glisser ici ou là quelques éléments se voulant inquiétants. Pas grand chose en l’occurrence : une cave sens dessus dessous, du sang séché, des bruits dans la nuit, une ombre regardant Lina pendant qu’elle dort (en ayant laissé la caméra allumée), la même Lina prise d’une soudaine crise de torpeur et regardant dans le vide (tiens, comme dans Paranormal Activity…). Mais le clou du spectacle -si l’on excepte la scène finale- reste ces deux ou trois scènes d’objets qui bougent tout seuls devant la caméra. Ce qui fait quand même peu ! D’où la nécessité qu’il y aurait eu à étayer un peu l’histoire, plutôt que d’une fois encore escompter que l’aura du nom Amityville fera le boulot toute seule. Nous nous retrouvons donc face à quelques menus poltergeists, et surtout face à Lina qui petit à petit craque devant la caméra, Couto espérant probablement entraîner le spectateur dans le sillage de son héroïne frôlant le surjeu. Peine perdue.
Et en parlant caméra, celle utilisée est souvent montée sur trépied (témoignage oblige) et, année 1997 aidant, procure une image passant soudain en 4/3, avec le grain qui va avec. L’utilité ? Aucune ! Juste pour dire qu’une des deux parties du film se passe avant l’autre. Mais les deux étant indépendantes, Couto aurait très bien pu les situer à la même époque que rien n’aurait changé, la blaguounette non-sensique du plan final mis à part… Mais je ne voudrais pas éventer cette brillante pirouette.
Bilan des courses : deux parties, aucune n’ayant vraiment de scénario ni de mise en scène, et se reposant intégralement sur de rachitiques effets dignes des vidéos virales de Youtube. Il n’y a vraiment pas de quoi avoir peur, ni hélas, de quoi rire. Soporifique, cet Amityville : No Escape ! Sans vouloir être trop présomptueux, et sans vouloir non plus dégommer gratuitement des autoproductions fauchées, cela doit probablement être assez représentatif de ce que la saga plus ou moins informelle qu’est Amityville est devenue à l’heure actuelle. Pour avoir pioché quelques extraits des autres films du même calibre, une grosse partie semble fondue dans le même moule, celui du found footage sans imagination, et éventuellement sans rapport avec l’histoire originale. Il y a des acteurs qui ont connu des descentes aux enfers, mais il est plus rare d’observer le même mouvement pour une franchise. A côté d’Amityville, celles qui se sont égarées dans les direct-to-video semblent bien épargnées. C’est un coup à se prendre une bouffée de nostalgie en repensant aux “belles heures” de la lampe hantée d’Amityville 4.
Amityville 4 est le premier des amityville que j’ai vu dans les années 90, puis plus rien jusqu’au film avec la maison de poupée qui représentait la maison d’amityville, pas mauvais mais pas génial non plus.
Depuis je ne me suis jamais intéressé à cette franchise, qui a l’air de pas avoir grand chose à dire, et j’ai l’impression que j’avais bien fait.
Mais je vais jeter un coup d’oeil au film de Franck Khaloun qui avait réalisé Maniac, et qui avait réussi à se démarqué de l’original, en nous faisant partager le point de vue du tueur, ce qui était couillu sachant qu’on avait Elijah Wood qui venait de sortir de la trilogie du seigneur des annéaux.