CinémaWestern

Django défie Sartana – Pasquale Squitieri

Django sfida Sartana. 1971.

Origine : Italie
Genre : Western
Réalisation : Pasquale Squitieri
Avec : Tony Kendall, George Ardisson, Bernard Farber, José Torres…

Pour sa dernière croisade, la bande de justiciers menée par Django (Tony Kendall) frappe un grand coup en débarrassant le monde de cette pourriture de Crow. Tout le monde leur en est gré, et bien qu’il ne puisse aller fêter ça au village, Django devient une légende. Les choses vont également très bien pour son frère Steve, banquier de profession, qui se voit offrir de l’avancement. Sa première mission n’est cependant pas une sinécure : tentant de prévenir un futur casse, son patron Singer (Bernard Farber) le charge d’amener de l’argent au bandit Sartana (George Ardisson) pour qu’il daigne quitter la ville. Peine perdue. Peu de temps après, Singer est assassiné, sa nièce kidnappée, et les citoyens découvrent que tous les coffres de la banque sont vides, sans pourtant avoir été forcés. Steve est alors suspecté de complicité avec Sartana. Furieux, les villageois le retrouvent, le lynchent et le pendent. C’est à ce moment que Django revient… Il ne croit pas à la version des villageois, et se met à la recherche de Sartana pour en apprendre plus et éventuellement lui régler son compte. Mais il n’est pas dit que le sombre bandit soit effectivement responsable… D’ailleurs, qui a vu le corps de Singer, seule autre personne à avoir les clefs de la banque ?

Les monceaux d’homonymes de Django (Franco Nero dans la vraie version) et de Sartana (en principe Gianni Garko) se sont rarement couverts de gloire. Collant parfois à leurs modèles, tous deux caractérisés par un certain aspect ténébreux, auquel on peut rajouter pour Sartana une inspiration de James Bond dans la diversité des armes, ils s’en sont le plus souvent éloignés. Voire n’apparaissent pas du tout dans les fausses séquelles qui portent leur nom. Ils ne sont alors plus que des héros sans âme dans des films sans inventivité ne reposant que sur la promesse d’un nom… Promesse qui à force d’avoir été galvaudée (il serait intéressant de recenser tous les pirates de Django, Sartana mais aussi de Trinita, Sabata, Ringo et compagnie) a fini par ne plus tromper personne. Ce n’est donc pas dans un état d’esprit follement optimiste que l’on aborde un film comme Django défie Sartana, surtout lorsque la simple lecture du résumé au verso du DVD établit que l’antagonisme ne durera pas bien longtemps. Et pourtant, le début du film laisse supposer une opposition de style propice à une confrontation. D’un côté nous avons Django, qui avec sa bande n’a rien du Django d’origine mais qui a par contre tout du pistolero traditionnel américain. Désintéressé, doté de l’esprit de camaraderie et même souriant, c’est un gentil pistolero des familles. De l’autre côté, Sartana est bien dans la tradition italienne du pistolero taciturne, solitaire, aux objectifs cachés. Il se rapproche même de sa version d’origine. Toutefois, et même avant qu’ils ne se croisent, les deux personnages évoluent, atteignant à peu de chose près la même personnalité, sorte de croisement entre les traditions italiennes et américaines. C’est à dire que tout en étant renfrognés et imposants ils sont avant tout motivés par l’idée de justice et ne rechignent pas à sauver ceux qui se trouvent en mauvaise posture (un enfant pour Sartana, une femme battue pour Django, un allié muet pour les deux). Les seules différences qui subsistent étant le rôle un peu plus actif joué par Django, Sartana restant toujours un peu en retrait, chose qui s’explique avant tout par l’intérêt personnel du personnage de Django pour la vengeance. De là à dire qu’on aurait pu se satisfaire d’un seul des deux personnages, il n’y a qu’un pas que l’ont peut franchir sans trop de scrupules. Cela aurait été toutefois se priver de deux protagonistes sympathiques, car si il faut bien admettre que leurs différences minimes ne justifient pas une double tête d’affiche, les deux acteurs ont suffisamment de présence pour ne pas faire complétement doublon. George Ardisson et son visage buriné dans le rôle de Sartana se montre même suffisamment froid pour peser sur le climat du film, lui donnant cette dure austérité qui n’aurait peut-être pas été si présente dans le cas où Django serait resté seul. On a même l’impression que Sartana sert de point d’ancrage au réalisateur, utilisant son monolithisme cynique pour prévenir toute forme d’hystérie, là où la noirceur de Django est essentiellement machinale et aurait pu assez vite retourner dans la caricature de l’héroïsme telle qu’affichée au début. Alors que là non, tout va bien ! Squitieri a fait le choix de rester sobre, et il s’y tient. Ce qui ne vaut peut-être pas une confrontation en bonne et due forme, mais il suffit de voir l’inanité de certains sous-Django et sous-Sartana pour être satisfait du traitement réservé aux personnages.

L’autre bonne surprise réservée par ce film décidément agréable à défaut d’être génial est que son scénario plonge assez vite dans la brutalité. Non pas à la manière sadique et assez gore d’un Tire encore si tu peux !, mais en prolongeant l’aridité des personnages sur les évènements auxquels ils sont mêlés. A titre d’exemple, les villageois, qui sont d’ordinaires les victimes terrorisées d’une bande de méchants sont ici haïssables dans leur réaction bourgeoise face au vol d’argent dont ils ont été victimes : le lynchage immédiat du premier suspecté. Pas plus Squitieri que Django ou Sartana ne s’attardent sur ces villageois, c’est un peu dommage (il faut dire que tout le monde fait profil bas quand Django rentre pour découvrir son frère pendu), mais le ton de la corruption est donné. D’ailleurs le coupable n’est autre que le banquier Singer, qui a monté son coup sur le dos de la réputation de Sartana. Preuve d’une grande lâcheté qui sera encore illustrée plusieurs fois, et qui fait de ce personnage un méchant original. Il n’a rien de l’antagoniste parfait : il est non seulement d’une bassesse caractérisée, mais il joue en plus aux durs à cuire en prônant la torture et autres marques de violence gratuites lorsque sa sécurité est assurée. Ce qui nous vaut ainsi quelques scènes assez cruelles dans laquelle Singer et sa copine mexicaine profitent de leur situation de force -obtenue avec de l’argent, non par charisme- pour assouvir leurs petits fantasmes sadiques (à base de fouet notamment, pour la dame). Tous deux ne sont pourtant dans le fond que des petites frappes, qui n’arrivent pas à la cheville de Django et Sartana, appelés à n’en faire qu’une bouchée une fois qu’ils les auront retrouvés. Le duel final entre Django et Sartana face à Singer n’en est pas vraiment un : il s’agit plus d’humilier ce méchant de bac à sable que de faire un duel tendu à la Sergio Leone. Toutes les morts et toutes les violences qui se seront déroulées durant cette affaire ont été complètement vaines, provoquées non pas par un véritable sauvage comme l’était Crow, le chef du gang démantelé au début par Django, mais par un banquier couard jusqu’ici pleinement intégré à la société. Voilà de quoi justifier la misanthropie d’un Sartana et le désenchantement de Django.

Comme d’autres films à budget réduit de son calibre, Django défie Sartana n’est parfois pas sans faire preuve d’amateurisme. C’est le cas pour certains acteurs secondaires, par exemple ce jeune blanc bec qui défie Sartana au saloon (et en plus de mal jouer, il porte la chemise la plus abominable jamais vue dans un western -vous la repérerez aisément sur l’une des images illustrant ce texte-), ou encore pour certaines idées pas très inspirées, beaucoup trop ostentatoires (les images gelées, iconisation excessive des héros) mais dans l’ensemble, Pasquale Squitieri se sort plutôt bien de ce qui n’est que sa seconde réalisation. Certains mouvements ou certains plans sont même très bien vus, notamment dans la gestion du cadre. Enfin, Piero Umiliani a composé une musique qui -c’est assez rare pour le signaler- cherche quelque peu à s’échapper des sonorités typiques d’Ennio Morricone, avec plus ou moins de succès. Ce qui n’est qu’une des qualités supplémentaires d’un film à bien des égards méritant.

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