CinémaWestern

Avec Django, la mort est là – Antonio Margheriti

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Joko invoca Dio…e muori. 1968.

Origine : Italie / R.F.A.
Genre : Western
Réalisation : Antonio Margheriti
Avec : Richard Harrison, Claudio Camaso, Spela Rozin, Guido Lollobrigida…

Django, Mendoza et Ricky forment un trio de malandrins très habiles. Tous trois ont fomenté un coup fumant qui, sans la traîtrise d’un quatrième larron, leur aurait permis de vivre tranquille jusqu’à la fin de leur vie. Or l’arrivée inopportune d’hommes en armes a provoqué la mort de Mendoza. Ces mêmes hommes partent ensuite à la poursuite de Django et Ricky, bien décidés à leur reprendre le fruit de leur rapine. Ils retrouvent le butin et Ricky, ce dernier finissant écartelé. Dès lors, Django n’aura de répit que lorsqu’il aura abattu les cinq hommes qui se sont rendus coupables de sa mort.

Vengeance, le titre dédié à l’exportation de ce western d’Antonio Margheriti (pardon, Anthony Dawson) annonce la couleur d’emblée quant à son contenu. Il ne sera question que de ça, de la vengeance d’un homme -en l’occurrence Django Barrett- un pistolero impitoyable et désormais sans autre but que d’honorer la mémoire de ses amis en châtiant leurs meurtriers. La vengeance est non seulement un plat qui se mange froid, mais également un plat dont les réalisateurs italiens raffolent. Dans le cas de Avec Django, la mort est là, le thème de la vengeance permet de dérouler un récit à la linéarité exemplaire qui ne s’articule qu’autour des personnages à éliminer. Ainsi, chaque affrontement donne lieu à des scènes plus ou moins longues, comme autant d’étapes sur le parcours vengeur de Django pour parvenir à atteindre ce mystérieux cinquième homme. Et chacune d’elle permet aux spectateurs de se familiariser avec le rôle titre, d’en appréhender toute sa personnalité et son aptitude au combat.

Cette dernière s’avère immense. Colt, fusil (à canon scié de préférence), couteau, il excelle dans tous les domaines. Même à mains nues il parvient à faire la différence sur des adversaires prétendument dangereux. Django est de ces durs à cuir auxquels on ne la fait pas. Quasiment jamais pris au dépourvu, il possède toujours un coup d’avance sur ses adversaires qui ne peuvent espérer s’en sortir face à lui que grâce à leur surnombre. Un côté infaillible un brin agaçant, auquel s’ajoute le jeu crispant à force de trop singer Clint Eastwood de l’interprète principal Richard Harrison. C’est bien beau de vouloir œuvrer dans le minimalisme, mais cela en devient ridicule lorsque cela confine à la transparence. Nanti d’un héros si peu charismatique, le western d’Antonio Margheriti en perd grandement de sa superbe. Et c’est d’autant plus dommageable que les méchants ne parviennent pas à sauver les meubles. La structure même du film les en empêche, les cantonnant à un simple rôle d’obstacle sur la route de l’implacable Django. Au-delà de leurs faciès patibulaires, ils se caractérisent avant tout par une profonde lâcheté qu’ils expriment de manière différente. Par exemple quand l’un d’eux opte pour la fuite pure et simple, un autre préfère sans remettre à ses hommes pour handicaper Django avant de consentir à l’affronter lors d’un duel qui n’a plus rien d’équitable. Des manœuvres bien peu efficaces qui ne servent qu’à retarder l’heure de leur mort. Le parcours de Django ne souffre que de menus contretemps, et le héros lui-même n’a pas trop à souffrir de l’adversité.

D’ordinaire, le western spaghetti n’est pas du genre à ménager ses héros. Il arrive toujours un moment où la violence du monde dans lequel il s’ébatte se retourne contre eux avec virulence. Si le héros perdure à travers la mémoire des gens, il n’en est pas pour autant immortel, ce dont atteste ces scènes où celui-ci est laissé pour mort par des ennemis qui se montrent eux aussi en mesure de remporter une bataille. Cela injecte un peu de doute quant à l’issue du combat, tout en humanisant la figure du héros qui n’est jamais aussi héroïque que lorsqu’elle doit surmonter quelques cuisants revers. Or ici, Django s’en tire toujours comme un charme. Tout au plus ses yeux doivent-ils subir l’outrage des rayons du soleil toute une journée durant. Le procédé -assez sadique en soi- ne débouche sur rien d’autre qu’une cécité supposée. Au moins peut-on en savoir gré à Antonio Margheriti de nous avoir épargné ce procédé facile qui aurait consisté à nous placer dans la peau de Django en triturant l’image de sorte que nous voyions tout aussi mal que lui. Nous conservons notre statut de simple spectateur, à l’image des clients du saloon où se déroule le duel duquel un Django diminué ne doit pas ressortir vivant. C’est bien mal le connaître. En fait, non contente de fournir l’argument principal du film, la vengeance de Django suffit à nous esquisser le personnage. C’est un entêté doublé d’un ami sincère. Lorsqu’il donne son amitié à quelqu’un, c’est pour la vie. Et mal en prendra à quiconque touchera ne serait-ce qu’un cheveu de l’un de ses amis. Sa profonde amitié pour Ricky et Mendoza aurait pu constituer pour lui une faiblesse, or c’est tout le contraire qui se produit puisqu’il trouve dans leur disparition la force nécessaire pour poursuivre sans relâche les assassins. Et rien, pas même une accorte danseuse de saloon, ne l’écartera du chemin de sa justice personnelle. Sa soif de vengeance s’étanche sans trop de heurts et avec une facilité déconcertante, à l’image de la découverte de l’identité du mystérieux cinquième homme. Antonio Margheriti n’a pas cherché à pousser plus loin le mystère entourant celui-ci, et d’ailleurs Django lui-même, tel un sportif de haut niveau, a préféré prendre les affrontements les uns après les autres avant d’avoir véritablement à s’interroger sur son identité. Et pour peu que nous fassions preuve d’un minimum de perspicacité, l’identité du chef des assassins ne fait aucun doute suite au flashback qui revient sur le vol à l’origine de toute l’affaire.

De son propre aveu, Antonio Margheriti a souhaité donner à son western une ambiance proche du fantastique, un moyen pour lui de se démarquer de tous les autres westerns de ces années-là. Or à la vision de Avec Django, la mort est là, cette volonté ne frappe pas aux yeux. Tant les décors que les situations témoignent d’un classicisme de bon aloi selon les canons de l’époque en terme de western spaghetti. Antonio Margheriti ne donne aucun relief fantastique au périple de Django, ne lui confère aucune étrangeté propre à le rapprocher d’un ange de la mort. Seule le fameux cinquième homme permet d’illustrer ses dires. Celui-ci vit terré au fond d’une caverne depuis un bout de temps, ce qui donne à son faciès un teint cadavérique qui le fait ressembler à un mort-vivant. Lorsqu’il sort à l’air libre, il ne dispose plus d’aucun repère, ce qui le rend aussi hésitant qu’un mort redécouvrant l’usage de ses membres. Le jeu de Claudio Camaso (frère de Gian Maria Volonté) ajoute à l’étrangeté de ce personnage immoral. Néanmoins, Antonio Margheriti fait encore preuve de timidité, et l’affrontement final entre les deux hommes se bornera à une illustration tout ce qu’il y a de plus conventionnel. Il faudra attendre son western suivant, Et le vent apporta la violence, pour qu’il se décide à jouer plus ouvertement la carte du fantastique, bien aidé par le jeu autrement plus habité de Klaus Kinski.

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