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Die Hard 5 : une belle journée pour mourir – John Moore

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A Good Day to Die Hard. 2013

Origine : États-Unis
Genre : Destruction d’icône
Réalisation : John Moore
Avec : Bruce Willis, Jay Courtney, Sebastian Koch, Yulinya Snigir…

Si sa mésaventure précédente lui a permis de renouer avec sa fille, John McClane demeure toujours sans nouvelles de son fiston, jusqu’à ce que l’un de ses collègues lui révèle qu’un américain s’apprête à passer en jugement à Moscou pour tentative de meurtre. Un jeune homme qui n’est autre que McClane Jr. Ni une, ni deux, John s’envole pour Moscou, bien décidé à apporter son soutien à un fils qui semble avoir mal tourné. Mais une fois sur place, il se retrouve au milieu d’un imbroglio d’où il ressort que McClane Jr. doit ramener un dissident russe aux États-Unis pour le compte de la CIA, pris en chasse par les hommes de mains d’un homme politique qui brigue le poste de ministre de la défense. L’occasion parfaite pour renouer avec son fils, en somme.

C’est donc sur ce postulat un brin paresseux que s’ouvre ce cinquième Die Hard, 6 ans après un Die Hard 4 qui était loin d’avoir totalement convaincu. Constante de la série, à l’exception d’Une journée en enfer qui avait su brillamment s’éloigner du schéma d’origine pour revenir à la nature même du personnage – un inspecteur de police qui protège ses concitoyens –, l’histoire contée ne nourrit d’autres buts que celui de réunir la famille McClane en de grandes effusions de joies et d’émotion contenue. A ce titre, la dernière scène verse sans vergogne dans le chromo lumineux (par opposition à la photographie bleu-gris qui habille tout le film), qui à lui seul résume le mauvais goût et la bêtise qui ont présidé à cette suite.

Il serait vain d’épiloguer sur la nécessité d’une énième séquelle à l’aune d’une industrie qui ne semble plus vouloir investir de grosses sommes d’argent ailleurs que dans des produits clé en main, à la promotion rendue facile par la connaissance du public du produit fini. De fait, les ingrédients changent peu pour des résultats qui ne surprennent plus que par leur vacuité et leur laideur formelle. Au-delà de la photographie terne et sans relief, Die Hard 5 propose une pelletée de scènes d’action gonflées aux CGI, lesquels semblent à ce point rendre fier leur réalisateur qu’il les souligne de ralentis ostentatoires. Cela répond à une double ambition : iconiser ses personnages et détailler la folie présupposée desdites scènes. Un échec sur les deux tableaux, d’une part parce qu’immortaliser McClane en pleine cabriole pointant son majeur à l’attention de son adversaire confine au ridicule, et d’autre part car certaines scènes prétendument spectaculaires sentent franchement le réchauffé. Il en va ainsi du climax qui reprend peu ou prou l’une des scènes du précédent volet, l’hélicoptère remplaçant l’avion de chasse, pour un résultat tout aussi improbable. Par nature, le film d’action flirte constamment avec les limites du vraisemblable, dans le souci permanent de nous en mettre plein les mirettes mais sans jamais perdre de vue qu’on doit croire possibles les actions du personnage. Or, depuis le précédent volet, la saga a dépassé ces considérations. Ce qu’accomplit John McClane défie le commun des mortels, au point de nous rendre ce personnage hier si attachant aujourd’hui totalement étranger voire antipathique. A l’inverse d’un Samson, McClane semble avoir gagné des superpouvoirs concomitamment à la perte de ses cheveux. Il peut désormais accomplir les acrobaties les plus osées sans craindre pour son intégrité physique. Il se fait bien deux ou trois égratignures histoire de marquer le coup, mais uniquement pour signifier l’évolution du personnage au fil du récit. Cela lui confère une immunité dont le personnage a pleinement conscience, quitte à le modifier en profondeur.

A l’origine, John McClane est le type qui se trouve fréquemment au mauvais endroit, au mauvais moment. Pris au piège de machinations qui lui échappent, il s’en sort généralement par un savant mélange d’abnégation à toute épreuve et de réflexion. Sauf que cette fois-ci, la donne a changé. S’il se retrouve bien au milieu d’un imbroglio politico-économique, il se fiche comme d’une guigne de l’issue de l’histoire. Son but étant de retrouver son fils, et le scénario s’ingéniant à le placer sur sa route au bout d’un petit quart d’heure, son objectif est atteint avant même que l’intrigue ne démarre vraiment. Très fort. Que reste t-il à raconter, me direz-vous ? Et bien encore faut-il qu’il se fasse accepter par ce fils qui le rejette depuis si longtemps. Et le film de ne rien trouver de mieux en guise de rapprochement familial qu’un dézingage de concert d’une ribambelle de mercenaires. Car McClane n’agit plus par nécessité mais par plaisir. Alors qu’il ne comprend rien à rien, et qu’il ne cherche même pas à comprendre d’ailleurs (mais faut-il lui en vouloir tant le scénario n’est qu’un prétexte à empiler les scènes d’action, ménageant malgré tout un retournement de situation dont tout le monde se fiche ?), il fonce dans le tas au mépris de toutes vies humaines. La longue poursuite dans les rues moscovites qui ouvre les hostilités le voit ainsi carrément rouler sur les voitures de pauvres automobilistes coincés dans les embouteillages, sans l’ombre d’une hésitation. Le jeu de Bruce Willis est à l’avenant : figé et les bras ballants lors des moments d’accalmie, l’air espiègle et l’œil qui pétille en phase d’action. Voilà à quoi en est désormais réduit McClane, la destruction aveugle et le flinguage tout azimut. Néanmoins, et en dépit de ce parti pris qui renie les caractéristiques du personnage, le film peut s’avérer divertissant pour qui n’est pas trop regardant sur la marchandise. Pour spectaculaire qu’elle soit, la poursuite automobile – le gros morceau du film, bizarrement placé en amorce – souffre de trop de facilités pour qu’on marche réellement. Difficile d’imaginer qu’un simple 4×4 puisse perturber la marche en avant d’un camion blindé d’intervention, d’autant que ce dernier avance depuis le début sans se soucier du moindre obstacle qu’il envoie valdinguer comme un fétu de paille. Mais ces énormités sont finalement préférables aux phases d’accalmie qui les relient entre elles, propice au rapprochement père-fils à grand renfort de dialogues lourdauds et de bons mots… qui n’ont de bon que le nom.

A l’échelle hollywoodienne, Die Hard 5 n’est qu’un jalon de plus dans l’entreprise de démolition des icônes des années 80 entamée au début du 21e siècle. Dépourvu de finesse, à l’image de son intrigue qui réactive les fantômes de la Guerre Froide, cet épisode démontre une volonté de conférer au film une patine très années 80, si ce n’est visuellement, au moins au niveau du propos (non, décidément, les russes ne sont pas comme nous) et de l’habillage sonore (Marco Beltrami singe à la perfection Michael Kamen, compositeur historique des trois premiers volets de la série). Tout cela donne l’impression que les responsables du film estiment le personnage figé dans les années 80, décennie si propice aux héros bas du front, alors même qu’à l’époque John McClane se présentait comme une alternative plus crédible à ces blocs de muscles invincibles. Voilà qui dénote d’un sérieux contresens duquel Bruce Willis se rend complice (il est désormais le seul dépositaire de la “continuité” de la saga), tout heureux de pouvoir jouer les gros bras à près de 60 ans (RED 1 et 2, G.I.Joe 2). La grande mode du moment.

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