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58 minutes pour vivre – Renny Harlin

58minutespourvivre

Die Hard 2. 1990

Origine : États-Unis
Genre : Action
Réalisation : Renny Harlin
Avec : Bruce Willis, William Sadler, Bonnie Bedelia, Franco Nero…

Piège de cristal a cartonné dans les salles, la critique l’a adoré, Bruce Willis est devenu une star, le public en redemande et il n’y a pas de temps à perdre. Renny Harlin traîne dans le coin à tourner l’infâme Ford Fairlane, Joel Silver et le studio Fox trouvent qu’il fait du bon boulot -ou font semblant-, il est engagé. Il n’a pas fini sa comédie vulgaire ? Pas grave, il la peaufinera tout en bossant sur Die Hard 2. D’ailleurs, on lui défriche le terrain en le déchargeant du scénario, lequel n’exige de toute façon pas de développement majeur et se base sur le roman 58 minutes de Walter Wager. Le sympathique finlandais au boulot, un Bruce Willis qui n’a pas eu le temps d’oublier son rôle, des techniciens d’effets spéciaux assis sur un budget confortable leur permettant même d’avoir recours à un des premiers effets numériques, et allez hop, emballé c’est pesé, 58 minutes pour vivre sort même pas deux ans après Piège de cristal.

Deux ans après ses déboires de Noël au Nakatomi Plaza, John McClane attend sa femme Holly à l’aéroport national de Washington, avec un joli réveillon familial en vue. C’était sans compter sur la malchance qui poursuit le consciencieux flic, qui a bien remarqué le manège de deux hurluberlus armés venant de pénétrer par effraction dans la zone des bagages. La bagarre s’ensuit, il parvient à tuer un de ses adversaires, dont il relève les empreintes qu’il faxe à son ami le sergent Powell. Celui-ci est formel : l’homme était un mercenaire censé avoir déjà été tué. Alors qu’il s’escrime à expliquer la situation au directeur de l’aéroport malgré les vigoureuses remontrances du responsable de la sécurité, l’explication arrive d’elle-même : un groupe de terroristes menés par le colonel Stuart (William Sadler) a réussi à s’emparer des commandes de la tour de contrôle, incluant la capacité de communiquer avec les avions en vol. Leur objectif est de faire libérer le Général Esperanza (Franco Nero), ancien dictateur et chef narcotrafiquant actuellement à bord de l’avion le ramenant à Washington pour y être jugé. Jusqu’à ce que l’avion d’Esperanza atterrisse, Sadler et ses hommes tiennent à empêcher tout autre atterrissage. Ils exigent qu’un avion leur soit affrété et leurs ordres respectés à la lettre, sans quoi ils donneront de fausses indications aux pilotes commerciaux, qui à l’instar du vol en provenance de Londres iront se crasher gaiment. Ils n’ont pas l’air d’être très préoccupés par la météo déplorable (tempête de neige !) ni par le possible manque de carburant des avions en attente. Puisque sa femme est dans l’un de ses avions, McClane ne peut décemment pas les laisser faire.

Une bonne grosse histoire produite dans l’urgence, bien surchargée de trous béants… Sans aller jusqu’à prétendre que Piège de cristal était un modèle de rigueur scénaristique, il n’aura donc fallu qu’une séquelle pour que les Die Hard tombent dans l’irrationalité la plus complète, laissant transparaître cet unique objectif qu’est la débauche d’action typiquement hollywoodienne n’importe comment et dans tous les sens. Voir cette bande de terroristes remuer ciel et terre pour réduire toute une tour de contrôle à l’impuissance, les voir contraindre des avions à rester bêtement en l’air en attendant qu’ils n’aient plus de carburant (il est vrai que les pilotes ne sont pas très malins, ils auraient pu prendre l’initiative d’aller se poser ailleurs plutôt que de tourner en rond jusqu’à la panne sèche), faire des pieds et des mains pour neutraliser McClane, tout ça pour un général qui parvient lui-même à détourner on ne sait trop comment l’avion qui l’amène aux États-Unis et qui par conséquent n’avait pas forcément besoin de tout ce raout, ce n’est pas très sérieux. Après l’horreur avec Le Cauchemar de Freddy, après la comédie avec Ford Fairlane, on va vraiment avoir l’impression que Renny Harlin accueille le n’importe quoi bien gras à bras ouverts, et ce dans tous les genres possibles. Rendons-lui au moins ce mérite de ne pas trop se prendre au sérieux, chose qu’il doit ici principalement au personnage de John McClane, bien moins “surhomme redresseur de torts” que ses confrères des années 80. Toujours doté du même naturel frondeur et geignard que dans Piège de cristal, McClane aide par son comportement à légitimer l’absurdité de ce chantage terroriste en même temps qu’il n’a de cesse de déplorer le comportement contreproductif de ses alliés. Au final, entre la détermination militaire des uns et l’attentisme véhément des autres, McClane joue à la fois le rôle de moteur (logique pour un héros de film d’action) et de soupape humoristique, tâche habituellement dévolue à des sous-fifres dont la légitimité dans l’intrigue avoisine le zéro.

En ayant recours à un héros plutôt “cool” et plein de dérision, capable de prendre à son compte aussi bien l’héroïsme que l’humour, Harlin et les clampins qui lui servent de scénaristes ont au moins retenu un enseignement du film de McTiernan. Ils n’ont pas vraiment compris grand chose d’autre, hélas, ou du moins n’ont pas réussi à l’intégrer dans ce scénario en tous points mal pensé. Du coup, même si il reste un personnage charismatique et intéressant, McClane a malgré tout perdu un peu de sa superbe dans cette séquelle… Car sa force dans Piège de cristal résidait aussi dans le fait qu’il était totalement isolé et devait se planquer dans les endroits les moins praticables de l’immeuble. Il était un grain de sable dans la machine, et se retrouvait malgré lui dans cette position. 58 minutes pour vivre tente de reproduire le même schéma, mais le scénario s’y prête moins bien. Ces quelques scènes dans lesquelles McClane rampe dans des conduits d’aération ne sont que de pâles renvois sans justification au premier film. Le traitement de l’action est bien plus conventionnel que chez McTiernan, qui utilisait justement la structure d’un immeuble pour jouer sur la verticalité, l’horizontalité, bref pour sortir le cinéma d’action de l’ornière dans laquelle Harlin replonge comme le bourrin qu’il est. Certes, 58 minutes pour vivre présente son lot de scènes spectaculaires à base de fusillades, d’explosions, de bagarres, d’avion qui s’écrase et même une course poursuite en motoneige. La mise en scène de Harlin est dynamique tout en restant lisible (nous ne sommes pas encore dans l’ère des caméras voltigeuses)… Mais après ? McTiernan avait entièrement pensé son film en terme d’efficacité, rien n’était laissé au hasard. La gestion de l’espace de cet immeuble, la difficulté de McClane pour progresser dans ce milieu, son caractère, tout était lié. Harlin ne fait rien de tout ça, et ne fait au mieux que de singer avec plus ou moins de bonheur les idées de McTiernan. Il lui manque cette vue d’ensemble avec laquelle il n’aurait déjà pas accepté de situer son film dans un aéroport, lieu qui n’est absolument pas propice à une recherche formelle du même ordre que celle de McTiernan. Pour un peu, on irait jusqu’à donner autant d’importance au versant “film catastrophe” de cette intrigue qu’à ses scènes d’action. Même mal entouré, McClane n’est plus seul face à l’adversité et lui-même ne risque au final pas grand chose. Ses contorsions le rapprochent davantage d’un héros infaillible et increvable à la Rambo que du grain de sable.. D’où ces fréquentes incursions à bord de l’avion où se trouve Holly, venant nous rappeler pourquoi McClane prend cela autant à cœur. Cela permet aussi à Harlin de reprendre un élément du premier film, puisqu’il coince avec Madame McClane le personnage du journaliste joué par William Atherton, toujours aussi surchargé de défauts (arrogant, prêt à tout pour un scoop, lâche) et qui sera humilié par la trop digne Holly. On se serait très bien passés de ces séquences à bord de l’avion, qui n’apportent rien si ce n’est de reprendre l’un des éléments les moins glorieux de Piège de cristal, histoire de faire croire que les deux films se ressemblent. Fort heureusement, Harlin réussit à contourner l’aspect démagogique du premier film, qui nous montrait le bon sens des petites gens (McClane simple flic étant considéré comme tel, tout comme son contact téléphonique -qu’on retrouve ici pour un clin d’œil) face à l’incurie des “puissants” (grosses huiles de la police). Les choses sont moins systématiques dans 58 minutes pour vivre, et il y a même des évolutions ! Cela n’empêche pas certains personnages d’être très lourds (comme le responsable de la sécurité de l’aéroport, qui pendant longtemps ne fait qu’engueuler McClane), et puis à vrai dire c’est loin d’être essentiel, mais c’est peut-être la seule qualité dont dispose 58 minutes pour vivre que l’on ne trouvait pas dans Piège de cristal.

Reposant sur la qualité du personnage de McClane et sur cette capacité à rester toujours en mouvement sans s’apitoyer sur un quelconque côté humain (si ce n’est pour les scènes avec Holly, donc), 58 minutes pour vivre sauve l’essentiel. Il n’empêche que cela reste fort moyen, et le retour de McTiernan pour cette excellente séquelle qu’est Une journée en enfer ne pourra que nous conforter dans l’idée que le film de Harlin est le vilain petit canard de la trilogie Die Hard. Il faudra attendre 2007 pour qu’il ne se sente plus aussi seul.

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