CinémaComédiePolar

Deux flics à Chicago – Peter Hyams

Running Scared. 1986.

Origine : États-Unis
Genre : Deux flics pas rigolos
Réalisation : Peter Hyams
Avec : Gregory Hines, Billy Crystal, Darlanne Fluegel, Jimmy Smits, Steven Bauer, Jon Gries, Dan Hedaya.

Ray Hughes et Danny Costanzo, deux flics de la police de Chicago (notez la pertinence inattaquable du titre français !), consacrent leur énergie à mettre sous les verrous Julio Gonzales, un trafiquant de drogues notoire. Dans leur empressement, ils contrecarrent une mission d’infiltration et manquent de se faire tuer au passage. Cette erreur d’appréciation leur vaut une mise à pied durant laquelle ils vont se persuader qu’ils seront plus heureux en quittant les rangs de la police. De retour aux affaires, ils remettent leur démission à leur supérieur, avec cependant la ferme intention de mettre à profit leur mois de préavis pour prendre Julio Gonzales en flagrant délit.

Au sortir d’un 2010 diversement apprécié (on ne touche pas impunément au “chef d’œuvre” 2001, l’odyssée de l’espace) et d’un épisode plus sombre que de coutume pour l’anthologie Histoires fantastiques (L’Incroyable vision), Peter Hyams s’essaie au buddy movie. Ce sous-genre alors en devenir, dont on peut estimer l’origine aux Anges gardiens de Richard Rush en 1974, gagne en ampleur au cours des années 80 à la suite des succès de 48 heures (1982) et surtout de L’Arme fatale (1987). Deux flics à Chicago se situe dans un entre-deux, reprenant peu ou proue la légèreté affichée dans le film de Walter Hill tout en en prenant le contrepied sur le plan des rapports entre les deux protagonistes principaux, anticipant en cela la finalité du film de Richard Donner. Ici, point d’antagonisme. Dès le départ, l’amitié entre les deux hommes est donnée pour acquise. Mieux, le lien qui les unit apparaît si indéfectible qu’il ne souffre même pas des brutales irruptions de Danny au milieu des parties fines de Ray. Notons que la copine de ce dernier a été séduite avec le concours – qui vaut aval – de son partenaire. De fait, leur amitié s’apparente à un long fleuve tranquille, tout juste émaillé de quelques chamailleries pour savoir lequel a touché la cible le premier, celle-ci pouvant indifféremment être une voiture fonçant sur eux ou un trafiquant de drogues à la gâchette facile. Cette décontraction affichée face à la mort est symptomatique de ces années 80 où les héros tuent à tour de bras sans que cela ne fasse de vagues. Dans le cas qui nous occupe, cela participe de la tonalité bon enfant insufflée au film dans les pas de Ray et Danny, deux garnements qui préfèrent prendre les choses avec humour, tant que la vie de l’un de leurs proches n’est pas menacée.

Sans trop se fouler, Peter Hyams égrène le petit nécessaire du divertissement du samedi soir avec le minimum de savoir-faire requis. L’intrigue ? Fonctionnelle. Que Julio Gonzales soit un trafiquant de drogues importe peu tant cette spécificité n’enrichit gère un récit qui au contraire s’ingénie à en gommer la moindre aspérité. Le film n’offre aucun aperçu du trafic ni de l’étendu du fléau. Tout au plus une concurrence est-elle évoquée par Gonzales, qui aspire à devenir le « premier parrain espagnol de Chicago » à coups de fusil mitrailleur, mais celle-ci est éludée au profit de la petite guéguerre qui l’oppose à Ray et Danny. Rageant, car Peter Hyams avait tout en main pour faire du trafic de drogues le pendant à la guerre des gangs qui ensanglanta la ville durant la Prohibition, du temps où Chicago était la capitale du crime organisé. En outre, alors que le cinéma américain l’avait jusque ici rarement arpenté, Chicago n’offre pas le cadre dépaysant escompté, donnant plutôt l’impression d’un New York bis. Pour éviter l’amalgame, ne reste plus que le maillot des Chicago Cubs, l’équipe de baseball locale, arboré par Danny Costanzo. Une petite touche d’authenticité pour un film qui aurait pu se dérouler dans n’importe quelle autre grande ville américaine.

Mais finalement, ce manque de personnalité s’accommode fort bien du côté routinier du film. Un qualificatif qui aurait pu convenir à une auscultation précise du métier d’inspecteur de police mais pas à la comédie policière que le film prétend être. La décontraction souhaitée et affichée en contamine ostensiblement le rythme. Il faut bien compter une bonne demi-heure pour que l’intrigue se mette réellement en place, et encore s’autorise-t-elle à cet instant précis un dispensable aparté ensoleillé le temps des congés forcés du duo. Il y a bien une ébauche d’approfondissement des personnages sur le mode d’un ras-le-bol général (de leur boulot, du manque de reconnaissance de leur hiérarchie, de la grisaille de Chicago…) mais celle-ci demeure à l’état d’embryon. Une fois de retour en service, et même s’ils ont au préalable donné leur démission, Ray et Danny se donnent à corps perdu dans leur travail. Enfin, sur le même rythme nonchalant qu’au début. Pourtant, le récit s’enrichit à ce moment là d’un autre duo de flics, les deux agents de l’antigang dont la couverture a été grillée par nos deux zazous, avec dans l’idée – croit-on – de pimenter l’intrigue. Un espoir rapidement déçu tant le duo de novices (ou en tout cas présentés comme tels) manque de consistance, la faute à un scénario qui ne sait pas quoi en faire. La rivalité attendue, et les étincelles qui vont avec, ne prend jamais vie à l’écran. Les deux jeunes flics sont cantonnés à de la figuration, et leur présence ne suscite ni tension, ni humour. A tel point qu’on s’étonne de les voir débarquer lors du climax, dont l’issue aurait été identique même s’ils avaient été pris dans les embouteillages. Autre échec, plus cuisant celui-ci, la dimension humoristique du film. Aucun gag ne fonctionne, et vu le niveau de certains, ce n’est guère étonnant (nos deux gais lurons rentrent au commissariat dépourvus de leurs pantalons, ils engagent une course-poursuite avec une nonne et un prêtre assis sur la banquette arrière). Peter Hyams ne développe pas un sens comique très aiguisé, et ne peut guère compter sur ses acteurs pour lui sauver la mise. Bien que sympathique de prime abord, le duo Hughes/Costanzo se révèle vite insipide. Leurs chamailleries ne font rire qu’eux, et leurs déboires sentimentaux ne sortent jamais de la norme. Noir, Ray s’entiche d’une femme noire ; tandis que Danny reconquiert le cœur de son épouse en même temps qu’il lui sauve la vie. Tout cela est d’une désespérante et lénifiante banalité, que les interprétations finalement assez plates de Gregory Hines et Billy Crystal (pour son premier grand rôle au cinéma) ne parviennent pas à sortir de l’ornière.

Peter Hyams est ce qu’on appelle un humble artisan. Ne cherchant jamais à se mettre en avant, il fait son métier le plus simplement du monde en suivant l’air du temps. L’heure étant au buddy movie, même si à l’époque le genre fonctionnait mieux à la télévision qu’au cinéma (Deux flics à Miami, Simon et SimonLes Deux font la paire), Peter Hyams y va de son écot. Il insistera même dans le genre avec son film suivant, Presidio, pour lequel il retrouvera Sean Connery, sa vedette de Outland. Résultat d’une prise de conscience ou non, la tonalité se fera plus sérieuse, laissant la comédie aux spécialistes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.