CinémaHorreur

Vendredi 13 chapitre 8 : L’Ultime retour – Rob Hedden

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Friday the 13th part VIII : Jason takes Manhattan. 1989

Origine : Etats-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : Rob Hedden
Avec : Jensen Daggett, Scott Reeves, Peter Mark Richman, Kane Hodder…

Cela fait maintenant près d’une décennie que Jason Voorhees sévit à Crystal Lake et ses alentours. Près de dix ans d’un scénario immuable à base de massacres d’adolescents à la chaîne. Sur ce postulat très mince, les concepteurs de la saga sont parvenus à créer un lien indéfectible entre Jason et le public américain. Quand les réalisateurs et les acteurs ne font que passer, le public, lui, reste fidèle au rendez-vous. Parti de rien et ne disposant pas d’énormément d’atouts, Jason Voorhees a tout de même réussi à gravir les marches de la célébrité et à devenir l’une des figures majeures du cinéma horrifique. Il incarne en quelque sorte le rêve américain, et cela explique sans doute son inaltérable succès sur son propre sol. Ailleurs, l’engouement est moindre. En France, par exemple, ce huitième chapitre n’a pas connu les honneurs d’une sortie en salles, et il s’est vu directement distribué sur le marché de la vidéo. Un terrible camouflet pour Jason, d’autant que son concurrent Freddy n’a jamais connu un tel affront. Mais cela fait longtemps déjà que les deux croquemitaines ne boxent plus dans la même catégorie.

Pour la deuxième fois consécutive, Jason gît au fond de Crystal Lake. Heureusement pour lui, et malgré tous les meurtres qui y ont été commis, l’endroit demeure toujours aussi fréquenté. Un jeune couple de bacheliers a jeté l’ancre à proximité de sa dépouille. Le courant aidant, l’ancre heurte un câble électrique, ce qui entraîne un court circuit dont la décharge ranime le tueur de Crystal Lake. Ce dernier péte le feu et nourrit une irrépressible envie de faire la fête. Et quoi de mieux qu’une grande ville comme New York pour assouvir ce genre d’envie.

Depuis le cinquième chapitre et son pseudo Jason, la saga Vendredi 13 tente d’apporter un nouvel élément à chaque nouveau film. Dans le sixième, il revient d’entre les morts plus fort que jamais. Dans le septième, il affronte une jeune femme dotée de pouvoirs télékinésiques. Quant à ce chapitre, l’action délaisse Crystal Lake pour s’installer à New York, au terme d’une agréable croisière. Des apports minimes mais qui sont censés faire le sel des nouveaux chapitres. A première vue, placer un monstre tel que Jason au beau milieu de la faune new yorkaise à de quoi titiller l’imagination. On l’imagine donner libre cours à ses instincts meurtriers avec une belle énergie. Or Rob Hedden ne l’entend pas de cette oreille. Scénariste et réalisateur pour la télévision, dont quelques épisodes de la série Vendredi 13, Rob Hedden bénéficie des pleins pouvoirs sur ce huitième chapitre. Une sacrée promotion pour un homme dont on entendra plus guère parler par la suite, comme quelques autres de ses collègues ayant oeuvré sur la saga. Il décide de faire table rase du passé, en ne tenant guère compte des films précédents. La temporalité propre aux Vendredi 13 n’a jamais été véritablement respectée par le passé, et Rob Hedden ne se prive pas pour effectuer de nouvelles entorses à la règle. Enfant, Rennie (l’héroine de l’épisode), a eu le privilège de rencontrer Jason après que son oncle l’ait jetée dans les eaux troubles de Crystal Lake pour lui apprendre à nager. Elle croise un Jason enfant, alors même qu’il y avait belle lurette que ledit garnement avait grandi et jonchait de cadavres les alentours du lac. Une incartade qui permet au réalisateur de créer un lien artificiel entre Jason et sa victime du jour, un peu comme l’avait fait John Carl Buechler dans Un Nouveau défi. Et plus nous avançons dans l’intrigue (sic), et plus nous nous apercevons à quel point le réalisateur exécre la logique. Sous sa férule, Jason pilote un bateau, excelle à la brasse coulée et dispose de la capacité -inédite- de se téléporter où bon lui semble. Ce qui alimente des scènes hautement improbables comme celle où nous voyons l’oncle fuir au-devant du croquemitaine, pénétrer dans un immeuble, et se faire éjecter par la fenêtre par un Jason plus rapide que l’éclair. Et le reste est à l’avenant. Plus encore que les réalisateurs précédents, Rob Hedden se fiche éperdument de ses personnages. Lorsque la charmante croisière des élèves de Lakeview prend un tour dramatique, il nous gratifie de dialogues à l’absurdité totale. La salle des machines vient d’exploser et quelques rescapés se précipitent dans la chaloupe. Se faisant, une des professeurs fait remarquer qu’elle a laissé des élèves dans le restaurant du navire. Ce à quoi le fils du commandant de bord répond: “Il n’y a plus de restaurant!“. Et l’affaire de se clore sans autre forme de procès. Plus tard, ce sera au tour de cette même prof de mourir dans l’indifférence générale. A côté de ça, Rob Hedden s’attarde plus que de raison sur un membre de l’équipage du navire, véritable oiseau de mauvais augure, qui annonce à qui veut l’entendre (autrement dit personne) que leur mort approche. On peut s’interroger sur l’utilité d’un tel personnage, qui pousse la bêtise jusqu’à ne pas prendre en compte ses propres avertissements. Sa présence évoque celle, moins envahissante, du vieux radoteur du premier Vendredi 13, tout en nous rappelant que nous assistons décidément à un spectacle de bien piètre qualité.

Au niveau des meurtres, Jason fait dans le classique : strangulation, empalement, perforation et autre lacération. Il ne se lâche réellement que lors d’un combat de boxe improvisé sur le toit d’un immeuble new yorkais, dont la conclusion laisse pantois quant à la fulgurance et à la puissance de son uppercut. Tiens ! Maintenant que nous sommes à New York, attardons-nous y un moment. Comme je l’ai signalé par ailleurs, la perspective d’une visite de la Grosse Pomme avec Jason pour guide promettait d’être amusante. Sauf que la majeure partie du film se déroule à bord du bateau de croisière. Il faut attendre le dernier tiers de ce huitième chapitre pour que Jason foule enfin le sol de la cité. Une fois sur place, il se comporte en diva, épargnant un maximum de passants sous prétexte qu’ils ne sont pas de Crystal Lake. Du moins c’est ce que laisse supposer son entêtement à régler son compte à Rennie et à son copain. Mais peut-être qu’il a été quelque peu refroidi par la description que Rob Hedden fait de la ville et de ses habitants. Si on s’en réfère à cet Ultime retour (sous titre français qui en dit long sur l’enthousiasme avec lequel le film a été reçu), la population new yorkaise se compose essentiellement de drogués, de punks et de malfrats. Voilà qui a dû favoriser le tourisme !

Au milieu d’une faune aussi bigarrée, Jason passe totalement inaperçu. A New York, il n’est qu’un danger parmi d’autres. Et au cinéma, il n’est plus qu’un personnage insignifiant dont les actes n’effraient plus depuis longtemps à force de ridicule. Les années 80 touchent à leur fin, et laissent un Jason exsangue. La décennie suivante ne sera pas non plus de tout repos. Mais là au moins, il pourra toujours se consoler en se disant que pour Freddy aussi, les temps sont durs.

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