CinémaHorreur

The Bone Snatcher – Jason Wulfsohn

The Bone Snatcher. 2003.

Origine : Royaume-Uni/Canada/Afrique du Sud
Genre : A l’os
Réalisation : Jason Wulfsohn
Avec : Scott Bairstow, Rachel Shelley, Warrick Grier, Patrick Shai, Andre Weiderman, Adrienne Pearce, Patrick Lyster.

Ingénieur système, Zack Straker (Scott Bairstow) est envoyé au beau milieu du désert de Namibie afin d’intégrer le Campement C, un repaire de prospecteurs de diamants où l’une de ses inventions – une machine à recycler les urines en eau potable – fait merveille. S’y rendre n’est pas chose aisée. Il doit d’abord passer par un camp intermédiaire afin d’intégrer un convoi chargé de ravitailler les prospecteurs en essence. Il fait ainsi connaissance avec l’équipe qui l’accompagne, dont la sémillante Mikki (Rachel Shelley) et l’irascible Karl (Warrick Grier). En chemin, l’équipage repère un véhicule abandonné et quelques mètres plus loin, trouve deux corps complétement décharnés. L’un des deux étant celui d’un ami de Karl, ce dernier voit rouge et relègue leur mission au second plan afin de rattraper le salaud qui a fait ça, et qu’il identifie comme étant le troisième larron dont le corps manque à l’appel. De cette réaction épidermique va découler un enchaînement d’événements contraires. Leur véhicule tombe en panne et une drôle de créature rôde autour d’eux, semant rapidement peur et désolation.

Régulièrement, le cinéma se fait l’écho d’une nature capable de renvoyer l’Homme à son insignifiance, que ce soit par le déferlement d’éléments déchaînés (Le Jour de la fin du monde, Le Jour d’après, The Impossible) ou par des représentants de la faune emplis d’animosité (les incontournables Les Oiseaux et Les Dents de la mer, le remisé aux oubliettes L’Ombre et la proie). Dans ce second registre, les requins comptent parmi les plus sollicités – et les plus malmenés – surtout depuis l’avènement des chaînes câblées, désireuses de remplir leurs grilles de programmes à moindre coût. Au rayon des menaces animales, les insectes ne sont pas oubliés. Si certains recourent au gigantisme dans le but d’accentuer leur dangerosité et le côté spectaculaire (les fourmis de Des monstres attaquent la ville, la mante-religieuse de La Chose surgit des ténèbres), d’autres les traitent de manière plus naturaliste (L’Horrible invasion, L’Inévitable catastrophe), jouant de leur nombre pour créer du chaos. Dans ce domaine, les fourmis comptent parmi les mieux représentées et entre plusieurs titres plus ou moins célèbres (Quand la marabunta gronde avec Charlton Heston, Les Fourmis de Robert Sheerer) surnage Phase IV, unique film de Saul Bass, qui parvient à les rendre réellement effrayantes par son approche rigoureuse et sans emphase. Bien qu’il s’agisse aussi du premier film de Jason Wulfsohn, The Bone Snatcher (l’arracheur d’os) ne cultive aucun point commun avec le film de Saul Bass. Le film se présente comme un produit de série, jouant la carte de l’horreur plutôt que celle du constat apocalyptique. Néanmoins, la modestie de l’entreprise n’empêche pas d’espérer un travail soigné. Dans le contexte de l’époque de sa diffusion, et plus encore aujourd’hui, ce genre de production privé d’exploitation en salles s’apparente aux séries B d’antan. Un bon moyen pour Jason Wulfsohn, qui pouvait déjà voir plus grand après son court-métrage Covenant datant de 1995, de commencer à se faire connaître dans le métier.

En règle générale, les films relatant des invasions d’insectes mettent à mal le bel ordonnancement de notre société. Se joue alors un combat de David contre Goliath qui atteste que l’union fait la force. Confit dans ses certitudes, l’homme se retrouve fort démuni face à un ennemi qu’il pensait dominer et qui l’écrase sous son nombre. Cet affrontement prend des airs de home invasion, l’homme n’étant plus à l’abri nulle part, et encore moins chez lui, le doux foyer, ultime ilot de résistance, se muant in fine en tombeau de ses dernières espérances. The Bone Snatcher se détache de ce schéma en inversant les données. Ici, c’est l’homme qui se trouve sur le territoire des insectes. Toutefois, il n’est pas tant l’être à éliminer pour violation de territoire qu’un moyen d’essaimer à plus grande échelle. Les fourmis du film sont le jouet d’une divinité locale – Esikhulu, la mère des sables – laquelle se nourrissant de moëlle osseuse a besoin d’ossements à profusion. Et quoi de mieux qu’une grande ville pour étancher sa faim ? Néanmoins, l’invasion à proprement parler n’est pas au programme. Elle plane comme une menace tout au long du film, avant de se muer en promesse le temps d’un plan, petite concession à la tradition du genre qui veut qu’une victoire n’est jamais totale. Par son parti pris minimaliste, The Bone Snatcher se resserre autour d’une notion de base : la survie. Celle de cette escouade, concentré d’humanité, qui dans cette contrée hostile (aux grosses chaleurs de la journée succède l’extrême fraîcheur de la nuit) doit en outre composer avec cette menace inédite ; et celle de l’Esikhulu qui une fois réveillée ne peut interrompre son processus de régénération. Cette entité protéiforme, qui évoque à maints égards la créature de The Thing, oriente le récit vers le film de monstre. Un monstre que Jason Wulfsohn dévoile avec parcimonie et de préférence de nuit. Le néo réalisateur sait ménager ses effets et se concentre fort judicieusement sur les conséquences avant de s’attarder sur la cause. Ce n’est cependant pas suffisant pour faire oublier que son film emprunte à tout va, s’engageant dans un confort narratif qui empêche de réelles surprises. Jason Wulfsohn ne s’engage pas franchement dans la dimension folklorique de son récit, limitant le culte à Esikhulu à quelques colifichets. De la même manière, le réveil de cette divinité n’intervient pas dans le but de sanctionner l’homme pour ses fautes. Elle n’est en aucun cas le symbole d’une Mère Nature désireuse de reprendre la main sur le cours des événements. Les prospecteurs de diamants à l’origine de son réveil tiennent davantage du prétexte contextuel que d’une critique de leurs agissements. A ce titre, le camp C qui les abrite relève du mcguffin. Tous les personnages doivent le rallier, qui pour retrouver couche et pitance, qui pour ravitailler en essence, mais personne n’y parviendra. Tout se joue dans le no man’s land que représente le désert, à l’exception du final qui dans les entrailles d’une mine de diamants entre en résonnance avec Razorback ou encore Terminator, deux titres emblématiques qui avaient eux aussi choisi de s’achever dans un lieu au passif industriel.

La créature de The Bone Snatcher a beau ne rien avoir de déshonorant, elle ne suffit pas à créer un antagonisme d’ampleur. Elle paraît plus dangereuse lorsqu’elle envoie des nuées de fourmis dévorer les chairs de ses victimes que lorsqu’elle apparaît dans sa forme semi-humanoïde. Jason Wulfsohn semble en prendre acte lorsqu’il convoque Johan à la rescousse. Johan, c’est cet agent de la sécurité libidineux resté à la base que la proximité de Mikki échauffe plus sûrement que les rayons du soleil. Censé venir en aide à l’équipe en déroute après avoir reçu leur appel de détresse, il se meut en force d’autorité après avoir retrouvés les rescapés, établissant leur culpabilité de manière arbitraire. Une simple péripétie dans le cadre du combat qui attend Mikki, Zach et Karl et dont la résolution s’ensuit d’une prise de conscience rapide quant à la responsabilité qui leur incombe. La singularité du film se construit autour de ce trio, hypothétique triangle amoureux dont Mikki arrondit les angles à la faveur d’un échange nocturne avec Zach. Mikki n’a rien d’une romantique, et encore moins d’une sainte-nitouche. Elle parle ouvertement de sexe et s’accommode fort bien de relations charnelles dépourvues de sentiments. Comme elle le révèle à Zach sans ambages, ici, il n’y a pas de place pour les histoires d’amour. Une manière de lui mettre les points sur les “i” pour qu’il ne s’imagine pas monts et merveilles sans pour autant fermer la porte à un éventuel rapport intime. En ces contrées reculées, la nouveauté ne fait pas de mal et c’est à ce titre que Zach revêt pour elle un quelconque intérêt. Ancien amant, Karl partage cette philosophie. Ou du moins ne tient pas rigueur au nouveau venu des regards énamourés qu’il jette à Mikki. Il a d’autres préoccupations en tête. Cela étant posé, The Bone Snatcher ne s’abandonnera pas à des intermèdes érotiques. Nous ne sommes pas dans un slasher et l’effeuillage du casting féminin n’entre pas dans le cahier des charges. Et puis dans ce contexte de survie, cela aurait paru aussi déplacé qu’incongru. Sans non plus être le personnage moteur de l’action (elle serait même plutôt partisane de regagner la base plutôt que de jouer les héros), Mikki joue sur un pied d’égalité avec ses compères. Elle n’est pas réduite à sa féminité et ne constitue pas un enjeu lors du dénouement, ce qui nous évite le cliché de la demoiselle en détresse. Finalement, le personnage qui se trouve le plus en situation de faiblesse est Zach, ingénieur système pas du tout habitué au travail de terrain. Il erre un peu au petit bonheur la chance, ne lâchant jamais un appareil de son invention, baptisé Charlie, dont l’utilité consiste à détecter des poches d’eau. Et accessoirement à alerter sur la présence de l’Esikhulu à proximité, détail qui tendrait à défier la logique s’il n’était pas si insignifiant. Charlie n’est qu’un gadget qui sert de contenance à un Zach rapidement désemparé mais jamais démoralisé. Dans le combat de coq à distance qu’il mène avec Karl, et qu’il est le seul à envisager sous cet angle, il ne peut se permettre de moments de faiblesse.

Avec The Bone Snatcher, Jason Wulfsohn ne témoigne pas d’une sensibilité ou d’un savoir-faire empli de promesses. Il se contente de rendre une copie propre, à défaut d’être originale. Au croisement du survival, du film de monstre et de l’attaque d’animaux, The Bone Snatcher offre un spectacle correct et surtout respectueux de son sujet. Ici, pas de second degré en guise de cache misère, de héros surdimensionnés ou d’effets spéciaux foireux sous prétexte que les effets numériques sont désormais à la portée du premier venu muni du logiciel approprié. Uniquement un film d’horreur sans fioriture aux personnages bien définis, ce qui n’est déjà pas si mal par les temps qui courent.

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