CinémaScience-Fiction

Phase IV – Saul Bass

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Phase IV. 1974

Origine : États-Unis 
Genre : Science-fiction 
Réalisation : Saul Bass 
Avec : Michael Murphy, Nigel Davenport, Lynne Frederick, Alan Gifford…

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Bien étrange film de science-fiction que celui-ci, signé de Saul Bass, concepteur graphiste réputé qui collabora pour les génériques des films de gens tels qu’Alfred Hitchcock (il aurait même conçu la fameuse scène de douche de Psychose), Stanley Kubrick, Martin Scorsese ou Otto Preminger. Son Phase IV a beau parler d’une invasion de fourmis, il n’y a ici rien de comparable avec les films de science-fiction classiques popularisés en 1954 par Des monstres attaquent la ville de Gordon Douglas. Le film se fait minimaliste et, pour être sommaire, disons qu’il se déroule la plupart du temps dans une base scientifique installée en plein milieu du désert, là où deux hommes (rejoints après quelques temps par une femme réfugiée) cherchent à découvrir la raison du changement de comportement des fourmis, qui ont cessé de se faire la guerre entre leurs propres espèces et qui se sont débarassés de leurs predateurs naturels tels que les araignées. Les scientifiques découvreront que désormais, c’est après les hommes que les fourmis en ont…

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Pas de fourmis géantes ici, mais des fourmis aux capacités physiques extraordinaires, venimeuses, capables de pénétrer l’organisme humain comme le découvrira pour son malheur un couple de fermiers du coin. On songe bien davantage au 2001 de Kubrick qu’au Them ! mentionné plus haut, les fourmis vivant en réalité une nouvelle évolution incarnée par la présence de grands blocs de terre qui ne sont pas sans évoquer les monolithes du chef d’oeuvre de Kubrick (quelques effets “psychédéliques” sont également à noter). Le ton se fait également très solennel, ce qui au début du film, tandis que l’on ne sait rien de ce qui va suivre, pourra éventuellement laisser le spectateur perplexe. Mais la donne va vite changer au fur et à mesure des explications scientifiques, que Saul Bass veut précises, mathématiques, presque cosmiques, même, puisque l’origine de la mutation se trouve dans un phénomène spatial. Il n’y a pas véritablement d’action, et la progression de l’intrigue se déroule dans une atmosphère bizarre, pesante et n’incitant guère à l’optimisme pour nos personnages. Tout semble ineluctable, puisque l’homme doit ici combattre quelque chose qui le dépasse, une avancée biologique remettant clairement en question la suprématie du genre humain sur la planète. Les fourmis sont extrêmement bien mises en scène par Saul Bass, qui les cadre généralement au plus près avec de très gros plans mettant l’accent sur tous les accessoires habituellement répulsifs des insectes, tel que les mandibules, les antennes et les rangées de pattes disgrâcieuses. Le film prend ainsi parfois des allures de documentaire animalier, à ceci près que le contexte aidant, la perfection de l’organisation de ces fourmis ouvrières décidées à en finir avec leurs ennemis fait froid dans le dos. Elles assiègent la base scientifique, où les trois humains découvrent la réalité et les progrès physiologiques des bestioles, désormais capables de communiquer avec l’extérieur et qui n’ont en plus pas fini leur évolution (le film est ainsi découpé en trois phases, la quatrième étant le final). Le mal qu’elles sont capables de faire aux humains n’est pas passé sous silence, et outre les fermiers du début, elles viendront ainsi infiltrer la base et détruire les machines, pimentant ainsi un huis-clos déjà morbide en soi (il faudra attendre The Thing de Carpenter pour retrouver une telle densité). Saul Bass rend son film encore plus mystérieux, encore plus solennel, en ne précisant pas le pourquoi de ce siège. Les fourmis pourraient très bien en finir, mais ne le font pas. C’est ce qui sera à l’origine des tensions entre les personnages humains, dont les attitudes progresseront au fur et à mesure de l’intrigue, sans jamais que l’un d’eux ne verse dans la folie, qui aurait constituée une porte de sortie acceptable pour désamorcer une situation désespérée. Les trois acteurs principaux peuvent sembler assez mous, mais ce manque d’expression, de ressenti, n’a d’autre finalité que d’insister encore davantage sur l’ineluctabilité des évènements.

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Le film est très bien construit, et Saul Bass s’applique constamment à ne jamais se départir d’un style de mise en scène certes insistant mais ô combien utile pour rendre crédible cette mutation de fourmis qui aurait pu tomber tête la première dans le ridicule. Le scénario, même si intelligent, n’était en effet pas un cadeau pour un metteur en scène débutant. Mais Bass, fort de ses expériences avec Kubrick, principalement, ainsi que de ses talents de graphiste, s’en sort haut la main : son film est prenant, original, sombre et donne une toute autre vision des invasions animales, qui heureusement ou malheureusement n’aura pas fait d’émule. Son film apparaît donc aujourd’hui comme une expérience fascinante, à la fois minimaliste sur le plan formel et au contraire apocalyptique sur le fond. Le danger ne vient plus de l’inifiniment grand mais au contraire du très petit, dans les faiblesses d’un genre humain qui avec toute sa technologie n’est pas au niveau de la perfection d’une nature rebelle (sujet encore d’actualité aujourd’hui). Un film à voir, assurément.

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