CinémaHorreur

Simetierre – Mary Lambert

Pet Sematary. 1989

Origine : États-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : Mary Lambert
Avec : Dale Midkiff, Denise Crosby, Fred Gwynne, Brad Greenquist, Blaze Berdhal et Miko Hughes.

Nouveau responsable du service médical d’une petite université du Maine, Louis Creed emménage avec sa famille dans une grande maison à la campagne. Un endroit paisible dont la quiétude est néanmoins troublée par le bal incessant des semi-remorques qui empruntent la route qui jouxte la bâtisse. En face de chez eux habite Jud Crandall, un vieil homme affable qui se propose de les emmener en promenade jusqu’à un petit cimetière pour animaux, symbole de la dangerosité de la route. Church, le chat d’Ellie, en fait très vite les frais. Pour éviter à Louis de devoir annoncer la mort de l’animal à sa fille, Jud commet l’erreur de lui révéler les propriétés d’un ancien cimetière des indiens Micmac et l’encourage à y enterrer le chat, lequel revient le lendemain non sans une certaine agressivité. Il s’agit là du premier acte d’une tragédie macabre.

Paru en 1983, Simetierre compte parmi les grands romans de Stephen King. Pendant longtemps, il a été question que ce soit George A. Romero qui en réalise l’adaptation sous la houlette du producteur Richard P. Rubinstein avec lequel il collabore depuis Martin. Mais faute d’avoir trouvé des financements à l’époque où il avait travaillé sur un script en compagnie de Stephen King, George Romero est depuis parti sur d’autres projets. Ce qui au fond arrange bien Rubinstein puisque entre-temps, il s’est dit qu’un réalisateur peu familier avec le genre pourrait apporter quelque chose de neuf au projet. Il jette alors son dévolu sur Mary Lambert, une réalisatrice qui ne compte alors qu’un seul film à son actif – Siesta – lequel, en dépit d’une sélection au festival d’Avoriaz 1988, n’a pas connu un grand rayonnement. Elle peut néanmoins s’appuyer sur un scénario rédigé par Stephen King en personne, lequel resserre le récit autour du drame vécu par les Creed, l’expurgeant notamment de tout le folklore amérindien ayant trait au Wendigo, mais sans jamais chercher à l’adoucir. A l’aune de certaines déclarations, cette participation active de l’écrivain semble d’ailleurs relever du miracle. Voilà un homme qui échaudé par le ton désespéré et la noirceur de son roman a refusé d’en assurer la promotion à l’époque de sa parution. Plus étrange encore, il en remet une couche l’année même de la production de l’adaptation cinématographique, regrettant le nihilisme forcené du bouquin ainsi que son message défaitiste. Pas à une contradiction près, Stephen King se fend malgré tout d’une apparition dans la soutane d’un prêtre, preuve de son attachement au film de Mary Lambert.

Dans l’absolu, si on peut s’étonner d’un tel dédain, Stephen King a néanmoins une vision assez juste de son travail. Son roman, et par extension le film, s’avère sans concession, déployant une atmosphère putride et des plus mortifères sans échappatoires possibles. Et cela pour une raison simple : il n’est pas du tout question d’une lutte entre le Bien et le Mal, dont l’issue pour hypothétique qu’elle soit laisse toujours la porte ouverte à l’espérance, mais plutôt d’un combat intérieur qui découle de l’incapacité à faire son deuil. Ce combat concerne avant tout Louis Creed, lequel se débat entre culpabilité et vanité. Culpabilité car il n’a pas pu sauver son fils, comme il n’a pas pu éviter que Church passe sous les roues d’un camion alors qu’il avait promis à sa fille qu’il prendrait soin de lui. Et vanité car en sa qualité de médecin, il estime être en mesure d’inverser le processus du cimetière micmac, lequel, s’il redonne vie aux cadavres, les recrache rongés par leur côté maléfique. Par son entêtement à défier le destin, Louis s’enferme dans une spirale de souffrance, s’auto-condamnant à revivre le deuil qu’il a pourtant tant de mal à accepter. Et cela d’une manière encore plus cruelle puisque c’est de sa propre main que son fils devra mourir une seconde fois en une confrontation créateur/créature qui renvoie à tout un pan du cinéma fantastique. De son côté, même si elle reste totalement étrangère aux propriétés maléfiques du cimetière micmac – cela reste une affaire d’hommes – Rachel connaît aussi son lot de souffrances. Outre celui de perdre son enfant, l’ambiance délétère qui finit par peser au sein de sa famille l’amène à se confronter de nouveau à ses peurs enfouies. Elle revit ainsi l’agonie de sa sœur aînée, laquelle souffrait d’une méningite cérébro-spinale, dont elle avait la charge au moment de son décès.
La mort est donc le grand sujet du film, se déclinant sous toutes ses formes (suicide, accident, maladie, meurtre). Mary Lambert l’aborde de manière frontale sans jamais céder aux sirènes du spectaculaire à l’image de la mort accidentelle de Gage, saisissante par sa concision et sa force d’évocation à l’aide de quelques plans savamment pensés (une contre-plongée sur la cabine du poids lourd associée à un plan en plongé sur l’enfant, une chaussure qui roule sur le sol suivi de photos d’un bonheur familial à jamais révolu comme autant de flashs traumatiques). Elle a une approche très clinique de l’horreur, expurgeant au maximum sa mise en scène des tics habituels du genre (en cherchant bien, le film ne contient qu’un jump-scare), laquelle participe au malaise qui s’empare peu à peu du spectateur. Curieusement, elle procédera à l’exact contraire pour Simetierre 2 qu’elle réalisera trois ans plus tard.

Alors à contre-courant d’une production horrifique qui s’enfermait dans les séries numérotées, Simetierre s’apparente à un piège infernal qui nous happe d’entrée de jeu lors de ce générique amèrement bucolique où la caméra parcourt le cimetière d’animaux. Mary Lambert joue sur un sentiment d’inéluctabilité dès les premières scènes du film où le bonheur familial est constamment contrebalancé par l’imminence de la mort représentée par cette route et les poids lourds qui l’empruntent. Le sort des Creed apparaît donc tout à la fois comme le fruit de choix discutables de la part des adultes (Louis et Jud) et celui d’un destin funeste que rien ne pouvait contrecarrer, pas même la présence d’un ange-gardien dont les recommandations pèsent peu face à la détresse d’un père. Sans tambours ni trompettes, le film de Mary Lambert a ainsi intégré la liste des meilleures adaptations de Stephen King, statut que la nouvelle mouture prévue pour 2019 tentera de lui contester, surfant opportunément sur le succès du Ça d’Andy Muschietti.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.