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Les Nouveaux barbares – Enzo G. Castellari

nouveauxbarbares

I Nuovi barbari. 1982

Origine : Italie / États-Unis 
Genre : Post-nuke 
Réalisation : Enzo G. Castellari 
Avec : Giancarlo Prete, Fred Williamson, George Eastman, Anna Kanakis…

En l’an 2019, la civilisation n’est plus qu’un lointain souvenir. Une guerre nucléaire est passée par là, et les survivants se rassemblent généralement en communautés, dans l’espoir de croiser d’autres communautés et de reformer une nouvelle civilisation. Malheureusement, le groupe le plus puissant est celui des Templars, dirigé par cette crapule de One (George Eastman), dont le but est de balayer tous les résidus d’humanité à la surface de la terre. Bénéficiant d’un armement impressionnant, rien ne peut s’opposer à eux. Sauf Scorpion (Giancarlo Prete), un ancien Templar au grand cœur devenu solitaire, rejoint bientôt par Nadir (Fred Williamson), un ami.

En cette année 1982 marquée par la sortie à travers le monde de Mad Max 2, le monde du cinéma italien est en effervescence. Le filon est prometteur, et tout le monde cherche à prendre une part du gâteau avant que celui-ci ne devienne avarié. Grand vainqueur de cette course, le père Enzo G. Castellari, connu pour ses penchants pour le cinéma d’action ainsi que pour son surprenant western crépusculaire Keoma. En tournant trois post nukes à la suite, il marque durablement les esprit, ses deux Guerriers du Bronx restant aujourd’hui les spécimens les plus connus d’un genre qui, il faut bien l’admettre, ne compte aucun chef d’œuvre… Si les sous Mad-Max 2 ne sont aujourd’hui pas tombés dans les oubliettes, ils le doivent à leur aspect extrêmement fauché, que ce soit au niveau des costumes, des accessoires, des effets spéciaux, de la musique, qui s’accompagnent très souvent d’acteurs en dessous de tout et de scénarios inamovibles. Mais ce qu’il y avait de bien, dans cette mode post-apocalyptique, c’est que si les défauts sont toujours similaires dans leur nature, ils prennent des formes à chaque fois renouvelées dans la laideur (chose peut-être imputable au bon goût esthétique caractérisant le début des années 80, à cheval entre le disco et le punk). Ce qui fait qu’en fin de compte l’intérêt est lui aussi sans cesse renouvelé. Les Nouveaux barbares, le moins connu des post nukes de Castellari, n’échappe pas à la règle. Commençons par l’aspect le plus célèbre des post-nukes : les dérives vestimentaires. Rien à signaler au niveau des gentils, vêtus de haillons relativement sobres, si ce n’est pour cet improbable gillet pare-balles en plexiglas que revêt le héros dans le final et pour la quincaillerie rudimentaire qui forme l’armure du personnage de Fred Williamson. Par contre les méchants ont comme d’habitude droit à des accoutrements de bric et de broc, en l’occurrence des combinaisons blanches aux épaules en pointes probablement piquées chez des contrefacteurs n’ayant pas réussi à refourguer leurs costumes des soldats de l’empire de Star Wars. N’ont ils pas fière allure, nos Templars, dans ces vêtements plus blancs que blancs ? Les plus courageux osent même la coupe de cheveux punk, du plus bel effet. Dans une optique d’harmonisation, il était inévitable que leurs véhicules motorisés soient au moins aussi remarquables. Et on ne peut pas les rater, ces voiturettes de golf auxquelles on a rajouté quelques grilles pour faire “tank de combat”. Cela dit, ces bagnoles font pâles figures en comparaison de la simili-Interceptor du héros, avec sa tête de mort en bouchon de radiateur, ses tuyaux sur le capot et ses portes coulissantes vers le haut (résolument futuristes !) et, gadget appréciable, son auto-radio ! Pour peu, on s’attendrait presque à y trouver quelque part une représentation de Johnny Hallyday. Il faut dire que le garagiste de Scorpion est un gamin de dix ans (Giovanni Frezza, le plus célèbre des enfants du cinéma de genre italien). On lui pardonnera donc ces exubérances, d’autant plus que le responsable des effets spéciaux ne fait pas vraiment mieux. Le film s’ouvre sur l’apocalypse nucléaire d’une maquette ostensible, et se poursuit avec ici où là des effets gores tout aussi peu crédibles. L’usage des mannequins est de mise, avec une discrétion fort relative (les bonshommes écrasés sont désarticulés avant même d’avoir été touchés !). Les maquillages sont également sommaires, les plaies ouvertes étant victimes du syndrome “bout de pizza”. Techniquement, Les Nouveaux barbares est désastreux de bout en bout.

Comme d’habitude, les défauts ne s’arrêtent pas là et gagnent également le domaine “artistique”. Dans le rôle principal, Giancarlo Prete est épouvantable de platitude. Bien sûr, la façon dont son personnage est écrit -c’est le gentil standard, humain et courageux- ne l’aide pas, mais avec le même défaut (et un handicap vestimentaire autrement plus conséquent) George Eastman et les quelques autres Templars importants parviennent malgré tout à se montrer un minimum charismatiques. Pire que Prete, il y a Anna Kanakis, la jeune fille en mauvaise posture qu’il sauve des griffes du vilain gang. Elle se pose en exemple type de la potiche aux trois phrases de dialogues. Sa fonction se limite à de très vagues apports sensuels, censés renforcer le côté “demoiselle en détresse” du personnage, et par extension faire de son protecteur un chevalier des temps modernes. Ce phénomène est un stéréotype éculé que l’on retrouvait également dans bon nombre de westerns. Et justement, Castellari emprunte pratiquement tout à ce genre : le gentil pistolero et ses quelques amis, le clan des pourris, la gentille communauté religieuse à sauver et même les équivalences chevaux / engins motorisés et désert / territoires désolés par la guerre. George Miller ne faisait après tout pas autre chose dans Mad Max 2, mais il y apportait une plus-value thématique qui n’existe pas chez Castellari, un réalisateur qui n’existe que pour l’action. Nonobstant le ridicule du film duquel il ne peut être dupe, il prend pourtant son travail avec un grand sérieux qui ne fait qu’accroître un décalage que certains pourront taxer de “nanar”. Ce serait pourtant aller un peu vite en besogne : certains acteurs ont bien conscience de ce qu’ils tournent, et réagissent en conséquence. Ainsi, ceux qui se veulent les plus grandiloquents sont ceux qui attirent l’attention : Eastman et surtout Williamson en en faisant des caisses tirent le film du côté de l’auto-dérision. Et de ce fait, ce sont surtout eux qui sont à l’origine de l’extrême insipidité de Giancarlo Prete, qui semble prendre le film au sérieux et en conséquence ne s’accorde pas avec l’exubérance kitsch de l’ensemble. Lorsqu’il parle d”‘aimer la vie” et autres foutaises humanistes, il tente de faire croire qu’il pense réellement ce qu’il dit. Ce qui est en complète contradiction avec le je-m’en-foutisme de son camarade Williamson, plus funky que jamais avec sa moustache et son afro. Castellari se trouve visiblement plus du côté de ce dernier, avec son montage très resserré et ses ralentis à la Peckinpah. Ainsi ses (nombreuses) scènes d’action sont non seulement violentes, mais elles héritent en plus d’un second degré faussement prétentieux faisant la part belle à la complaisance typique du réalisateur.

Sans être aussi jusqu’au-boutiste dans son kitsch volontaire (ça manque de couleurs !) que les premiers Guerriers du Bronx, Les Nouveaux barbares reprend pourtant la même formule. Plus ses défauts sont marqués, plus ils donnent du poids à l’orientation choisie par le réalisateur. Un procédé assez cynique et qui n’ouvre pas beaucoup de perspectives au cinéma italien, mais qui en tout état de cause reste ponctuellement amusant.

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