CinémaPolar

La Rançon de la peur – Umberto Lenzi

ranconpeur

Milano Odia : la Polizia non puo sparare. 1975

Origine : Italie
Genre : Polar
Réalisation : Umberto Lenzi
Avec : Tomas Milian, Henry Silva, Laura Belli, Gino Santercole…

Giulio Sacchi (Tomas Milian) est un gangster que l’on croit raté : il fait échouer le hold-up de son gang, et il est exclu de l’organisation avec bien peu de ménagement. Il décide alors de se mettre à son propre compte, et avec deux amis, il plannifie l’enlèvement de la fille d’un riche industriel afin de demander une rançon qui lui permettrait d’obtenir suffisament d’argent pour être à l’abri pendant très longtemps.

A priori, rien de très original là-dedans. Pourtant, La Rançon de la peur n’est pas exactement le polar type auquel Lenzi est habitué. Le film anticipe à la fois la très violente Opération casseurs et le plus politique Échec au gang.
Comme dans ce dernier, Milian incarne un homme qui agit avant tout par dépit, par haine des riches, pour se sortir de la pauvreté et pour montrer qu’il existe, non seulement vis-à-vis de la famille de la fille kidnappée, mais aussi de la police, de ses anciens amis gangsters et même de sa propre copine. C’est ainsi qu’il jouera volontairement un jeu dangereux, allant volontiers parader là où il pourrait avoir des ennemis : dans le commissariat, dans la salle de jeux de son ancien patron, au milieu d’une fête bourgeoise, et même auprès de sa copine, à qui il pique la voiture avant de revenir fanfaronner d’avoir commis des meurtres, histoire de lui montrer à elle aussi qu’il n’est pas un raté. Chose qu’elle n’admettait d’ailleurs pas, provoquant paradoxalement la colère de Giulio Sacchi, guère content de susciter la pitié et encore plus décidé à démontrer sa force, quitte pour cela à imposer lui aussi son diktat à ses complices.
Son audace témoigne en tout cas d’un projet très bien préparé, et le scénariste Ernesto Gastaldi s’est montré là-dessus très malin, chose qui oblige le réalisateur Umberto Lenzi à rester relativement sobre, lui qui aime pourtant se disperser dans des scènes de grandes violences ayant généralement pour conséquence de rendre ses intrigues assez brouillonnes (mais également d’aboutir à des films très divertissants et très politiquement incorrects).

Pour autant, l’intérêt de La Rançon de la peur ne réside pas qu’en un héros romantique devenu bandit militant. Ceci sera le sujet trois ans plus tard d’Échec au gang. Les méfaits commis par Sacchi et ses deux complices sont tout autant au coeur de l’intrigue, chose logique puisque c’est à travers eux et à travers leurs immoralité que le personnage du grand Tomas Milian peut attirer l’attention à lui, le faire respecter et craindre. Si le film n’ira pas aussi loin dans la violence qu’une Opération casseurs, il possède tout de même quelques très bons moments. C’est par exemple le cas lorsque les trois bandits arrivent au beau milieu d’une fête bourgeoise pour y retrouver celle qu’ils doivent enlever, et qui s’est réfugiée ici après que son copain se soit vu assassiner avec sadisme. On se rapprochera ici d’Orange mécanique, et plus particulièrement de la scène où les jeunes investissent la maison de l’écrivain et violent sa femme. Il y aura aussi de l’humiliation (homo)sexuelle et de la violence gratuite, accompagnés d’une certaine dose d’humour provocateur. Les bourgeois seront pendus à moitié nus au plafond, et une enfant sera même assassinée, sans pour autant que Sacchi ne se soit rendu compte qu’il s’agissait d’une enfant (il avait juste entendu un bruit et il a tiré). Cette scène, déjà assez graphique, marquera le point de non-retour pour le héros et pour ses complices, qui eux sont nettement moins convaincus de la nécessité de la violence que ne l’est Sacchi. Dès lors, les relations vont se faire plus tendues, puisque le personnage de Milian ne cessera d’avoir recours à la violence la plus crasse, autant en actes qu’en paroles. Le film est à ce niveau-là assez comique également : l’humour n’est pas franchement fin, mais il est très provocateur. Pour pouvoir emprunter la voiture de sa copine, Sacchi lui jure “peut-être pas l’amour à vie, mais [sa] bite, oui”. De même, lorsqu’il fait rédiger la lettre de demande de rançon à la jeune fille, il lui demande dans un premier temps d’écrire que si l’argent n’est pas donné, elle se fera enculer. Assez peu subtil donc, mais au moins cela détonne quelque peu dans un climat assez tendu, entretenu encore par la présence d’un père éploré et par la colère d’un flic (joué par le très bon Henry Silva) brimé par la loi (on retrouve là ce qui fera plus tard le piment d’Opération casseurs).

Au final, La Rançon de la peur est un film assez noir. L’humour, sous ses dehors graveleux, permet finalement de reprendre quelque peu son souffle entre chaque étape de l’escalade à la violence voulue par Sacchi, bandit qui ne cède jamais à la pitié et qui, loin de gagner sa quête de reconnaissance, est au contraire de plus en plus isolé, à tel point que même ses complices seront proches de la trahison. Sacchi n’apparaîtra pas comme un anti-héros (à la différence du bossu d’Échec au gang), c’est un vrai pourri, il entraîne au fond du gouffre tous ceux qui croise son chemin. Mais il est le rejeton logique d’une société (et même du monde de la pègre) entraînant toujours davantage de violences et d’inégalités, prompte à l’apparition de laissés pour compte qui forcément voudront montrer qu’ils existent, quitte pour cela à détruire et à s’autodétruire. Certainement le polar le plus sombre qu’ait signé Lenzi.

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