CinémaWestern

Bravados – Henry King

bravados

The Bravados. 1958

Origine : Etats-Unis 
Genre : Western 
Réalisation : Henry King 
Avec : Gregory Peck, Joan Collins, Stephen Boyd, Gene Evans…

Jim Douglass arrive dans une petite bourgade proche de la frontière mexicaine. Ce qu’on saura qu’un peu plus tard, c’est qu’il est à la recherche des quatre hors-la-loi qui ont assassiné sa femme. Voici qu’il semble les retrouver ici même et en prison, prêts à être pendus. Jim demande à les voir dans leur cellule afin de les affronter du regard, de mettre une figure sur les meurtriers de son épouse, une figure sur ceux qui ont bousculé sa vie.
Voici qu’au lendemain de son arrivée que ceux-ci parviennent à s’enfuir de la prison, prenant ensuite la direction du Mexique. Jim n’a plus qu’une idée en tête, les rattraper, puis les éliminer un à un. Et si sa soif de justice expéditive l’avait aveuglé, et s’ils n’étaient pas en fait les véritables coupables ?

Voici un western que je qualifierais de « moderne ». Moderne non par le thème qu’il aborde qui, soit, n’est pas nouveau dans le genre, mais par l’étonnante manière dont est filmée cette chasse à l’homme, brute de décoffrage. Soit, les histoires de vengeance sont légions dans le western, mais ce qui le distingue du tout venant, c’est la non justifications des actes de Jim ainsi que la froideur absolue avec laquelle il élimine les uns après les autres les coupables potentiels. Pas de doute, nous sommes en plein western vigilante et il sera difficile par le pitch même de Bravados (épouse assassinée, vengeance froide et calculée) de ne pas penser au Justicier dans la ville de Michael Winner, qui ne viendra que treize ans après.

D’ailleurs le ton du film est plus proche du film noir que du western classique, et en cela il étonne aussi. Henry King prend ici le temps de poser ses personnages, le contexte, et dévoile lentement l’histoire expliquée plus haut, laissant le spectateur intrigué et sans repère une bonne partie de son film, n’expliquant pas de suite les motivations de cette vengeance implacable. C’est d’ailleurs selon moi la meilleure partie du film, celle où les justifications n’ont pas lieu. Elle étonne par son âpreté et sa sécheresse et si l’on pourra trouver la construction un peu terne avec son côté « poursuite/exécution » et rebelote, c’est aussi de cette sorte d’épure que le film tire sa modernité. Jim ne réfléchit pas, les comptes sont faits, il exécute, un point c’est tout, et il n’y a alors pas de place pour les états d’âme et remords. Seul tuer les coupables semble pouvoir l’aider à oublier, ce qui bien évidemment ne sera pas le cas.

Du côté des poursuivis, pas de doute, si l’on s’apercevra qu’ils ne sont pas coupables de ce dont Jim les accuse, on s’apercevra également que ce ne sont pas des enfants de chœurs non plus. Pas difficile me direz-vous vu les acteurs qui prennent formes derrière ces bandits qu’on croira longtemps sans foi ni loi, alors qu’il révèleront en tout cas pour au moins l’un d’eux un sens moral insoupçonné. Parmi eux des acteurs impeccables, et qui seront déjà estampillés « Bad Guys » par le spectateur habitué à les voir camper les méchants seconds-plans de service. Ainsi nous avons l’excellent Stephen Boyd (Ben-Hur), le minéral Lee Van Cleef (Le Train sifflera trois fois) avant apothéose via le western spaghetti, qui aura parfaitement compris tout le parti à tirer d’un tel acteur à la face d’aigle, et puis le non moins convaincant et charismatique Henry Silva, déjà aperçu l’année précédente dans le très bon L’Homme de l’Arizona, du trop oublié Budd Boetticher. Bref, trois bandits qui s’inscrivent d’entrée de jeu et de façon sournoise dans l’esprit du spectateur comme des méchants. De fait, on pourra facilement prendre le parti de Jim et le film n’en sera que plus troublant puisque c’est à peine si l’on se surprendra à le regretter une fois la froide exécution effectuée.

En passant, le casting est ici épatant et si ce n’est pas la meilleure prestation de Gregory Peck (Le formidable Duel au soleil de King Vidor), qui sembla si souvent mal à l’aise, un brin fade et gêné aux entournures (La Maison du docteur Edwards), il y est ici très bon, et la façon dont il vient « photographier » et « tuer » du regard nos renégats dans leur cellule recèle une grande force. Une très belle scène, assez puissante et révélatrice puisque le seul qui ne baissera pas les yeux sera celui qui sera épargné à la fin, n’étant pas coupable de ce qui lui est reproché. On retrouve également l’excellent Gene Evans habitué du genre (Un Nommé Cable Hogue, Pat Garrett et Billy le Kid) et acteur fétiche du grand Samuel Fuller, mais aussi Joan Collins ici encore très convaincante, bien que son rôle reste anecdotique et aurait même tendance à ralentir le rythme pourtant bon de Bravados.
A propos de la mise en scène et de ses qualités, on soulignera une absence d’effets bienvenue, quelques scènes d’une grande efficacité (la première vengeance), et des cadres aux paysages somptueux et aussi arides que la vengeance en marche dans le film.
Malheureusement il y a parfois de fausses bonnes idées qui peuvent se révéler nuisibles, et c’est le cas ici.

A l’origine, Henry King a uniquement accepté de tourner Bravados pour son ami Gregory Peck (leur meilleure collaboration reste à mon sens La Cible humaine). Le fait est que dans la première mouture du scénario, les quatre malfrats étaient coupables du meurtre pour lequel ils étaient accusés, et Jim épargnait le dernier de sa liste pour la simple raison que celui-ci avait une femme et un bébé, tout comme lui auparavant. Henry King eu soudainement l’idée d’en faire des « accusés à tort », idée qui fut acceptée par Peck toujours apte à prendre les idées originales si l’on s’en réfère aux propos du metteur en scène dans un vieux numéro des Cahiers du cinéma. Du coup le film se croyant plus aigu comme ceci, tombe selon moi et à contrario dans une espèce d’apologue moral sur les dangers de la justice expéditive. Dommage car à se justifier il perd énormément de sa force et son ambiguïté et finalement les remords finals de notre justicier pourront paraître bien cucuteux, en même temps que de donner matière à reflexion au spectateur qui n’en a pourtant pas tant demandé, au lieu de le laisser seul juge de la situation.
Comme dirait l’autre, on se refait pas et l’on retrouve hélas là l’inévitable penchant moralisateur empreint de chrétienté de son metteur en scène, qui a toujours été un peu trop familial dans son approche pour livrer le grand film qu’il avait pourtant les capacités de faire.

Pourquoi ne pas prendre le public comme adulte et apte à décider de ce qui est bien ou mal, plutôt que de lui baliser le chemin par des pistes entendues ? Et si les malfrats étaient restés coupables, comme c’était le cas dans le premier script ? Ce choix n’aurait-il pas emmené le film et sa thématique vers des ramifications plus abyssales ? C’est en tout cas mon avis et à trop vouloir guider son public, Henry King finit par restreindre tout l’intérêt de la froide vengeance de son anti-héros en même temps que de simplifier à l’extrême le problème que pose au préalable intelligemment cette auto-justice. Et c’est bien dommage car si l’on peut faire fis des quelques invraisemblances qui parsèment Bravados, comme ces bandits qui ont une fâcheuse tendance à se disperser, revenant un à un en arrière pour mieux se faire avoir par leur prédateur, la fin déçoit indéniablement par son choix scénaristique. Il aurait été plus judicieux, plus risqué et plus troublant que l’auteur et son héros décident de laisser la vie sauve à un véritable assassin. Le choix soit-disant original se révélant un choix trop entendu, trop catho dans l’âme. C’est bien dommage.

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