CinémaScience-Fiction

Silent Running – Douglas Trumbull

silentrunning

Silent Running. 1972

Origine : États-Unis
Genre : Science-fiction
Réalisation : Douglas Trumbull
Avec : Bruce Dern, Cliff Potts, Ron Rifkin, Jesse Vint…

Premier film en tant que réalisateur pour Douglas Trumbull, un grand spécialiste des effets visuels, qui ne travailla pas sur beaucoup de films, mais qui est tout de même à l’origine des effets du 2001, l’odyssée de l’espace de Kubrick (1968), du Mystère Andromède de Robert Wise (1971), du Rencontres du troisième type de Spielberg (1977), du premier Star Trek de Robert Wise -encore- (1978) et du Blade Runner de Ridley Scott (1982). Liste exhaustive. C’est dire si le bonhomme n’est pas un manchot et qu’il est considéré comme l’un des plus grands dans sa spécialité. Pas de quoi en faire un grand réalisateur, me direz-vous. Certes : les grands techniciens passés à la réalisation n’ont pas tous réussis à s’imposer. Et les quelques films réalisés par Trumbull ne sont d’ailleurs pas devenus des œuvres idolâtrées, Silent Running inclus. Pourtant, ce film, produit dans un contexte post-hippie (et c’est peu dire que le sujet s’y reflète) et scénarisé par un débutant nommé Michael Cimino, s’il n’est pas parfait, fait parti de ces films qu’il est dur d’oublier.

Son histoire est centrée autour du personnage de Freeman Lowell, l’un des quatre astronautes chargés de préserver plusieurs forêts envoyées dans de gigantesques serres spatiales, en attendant que les conditions écologiques sur une planète Terre sinistrée soient plus favorables au retour de la nature. Mais là où ses trois collègues sont je m’en-foutistes et ne souhaitent qu’une chose, rentrer aux États-Unis, Lowell est un zélé, un écologiste militant qui passe son temps à entretenir ses forêts. Alors, lorsque l’ordre est donné aux quatre hommes de détruire les serres et de revenir sur Terre, Lowell voit rouge : il assassine ses trois camarades et parvient à faire croire à la Terre que son vaisseau, le Valley Forge, est endommagé et voué à l’explosion dans les anneaux de Saturne. Seul dans l’espace au milieu de sa seule forêt survivante (les autres ont été détruites par feu ses collègues et même une par lui-même, ce qui lui a permis de se débarrasser de deux de ses camarades), il devra s’habituer à sa nouvelle vie, en compagnie de deux droïdes baptisés par ses soins Huey et Dewey.

La première chose qui frappe dans Silent Running est, et ce n’est pas une surprise, le soin apporté aux décors. Si les salles des machines sont plutôt classiques et si l’espace sidéral est quelque peu délaissé (encore qu’on puisse le comparer au traitement de 2001, avec l’accent mis sur l’infini) en revanche les forêts sont vraiment atypiques. Perpétuellement plongées dans le noir, avec pour ciel un dôme transparent, elles sont pour le moins incongrues dans un film de science-fiction. Trumbull ne s’attarde pas trop sur elles (problème de budget ?) mais parvient tout de même à en faire de vrais ilots de verdure, sains et pleins de vie, quitte pour cela à user d’éléments un peu grossiers purement “peace-and-love brother” (les animaux qui passent paisiblement, ou encore les chanson de Joan Baez en guise de BO). Leur aspect paisible contraste fortement non seulement avec les salles des machines, mais aussi avec les personnalités cyniques des trois collègues de Lowell, qui se moquent ouvertement de ces forêts et de leur collègue. Pourtant, le film, s’il est indiscutablement naïf, n’est pourtant pas manichéen. Lowell sera bien entendu sympathique, car ce qu’il prône reste juste, mais ses méthodes seront elles bien plus polémiques. La sauvegarde de la nature vaut-elle des vies humaines ? Un choix cornélien qui au moment décisif ne fait pas hésiter Lowell. Sur le coup, pour lui, la nature est supérieure à l’homme, et même si la société humaine est devenue parfaite (on nous dit ainsi qu’il n’y a plus de problèmes de chômage ou de famine -cette dernière résolue grâce à la nourriture de synthèse-), elle ne peut pas être vivable sans la présence de la nature et de ses produits. Mais ses actes, limites terroristes, vont par la suite l’inciter à plus d’humilité, d’autant plus qu’il se rend compte que ce qu’il a fait se révèle vain. Il rendra ainsi hommage à ses collègues, exprimera ses remords, sans pour autant abandonner sa lutte pour sauvegarder la dernière forêt. Constamment tiraillé par ses penchants sociaux et par ses principes moraux écologistes, il ne sera ni tout à fait un héros ni vraiment un criminel.

Bruce Dern est impeccable dans le rôle de Lowell et livre une prestation digne d’éloges. Chose d’autant plus difficile que son personnage se retrouve donc réduit à la solitude, ce qu’il tentera de combattre en reprogrammant deux drones et en les humanisant le plus possible. De simples robots au début, ils apparaitront ensuite comme de vrais animaux de compagnie, puis enfin comme des hommes. Là encore, la naïveté est omniprésente, et en effet, certains ne pourront que rire devant le spectacle offert par un Lowell jouant au poker contre deux espèces de transistors sur pattes censés nous émouvoir. Mais le film parvient tout de même à imposer le respect par le vrai soin apporté par Trumbull à la profondeur de son histoire, reposant tout entière sur un problème insoluble, traité de façon délicate et jamais sensationnaliste. Nous ne sommes pas ici dans le cinéma-spectacle : le rythme est lent, le personnage principal ne fait pas grand chose (Carpenter parodiera même le film dans Dark Star), le silence et la quiétude prédominent, les effets pyrotechniques sont réduits au minimum et les quelques effets purement science-fictionnels peuvent sembler ridicules, malgré leur indéniable utilité pour le propos du film. En tout cas, Silent Running est un film qui ne ressemble à aucun autre : un film beau et touchant, né d’une époque pleine d’idéaux respectables mais irréalisables. Ce dont Trumbull a pleinement conscience, puisque tout son film repose sur cet espoir promis à la désillusion.

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