CinémaComédie

Loi brisée – James Orr

loibrisee

Breaking all the rules. 1985

Origine : Etats-Unis / Canada 
Genre : Comédie 
Réalisation : James Orr 
Avec : Carolyn Dunn, Carl Marotte, Thor Bishopric, Rachel Hayward…

Salut les petits clous ! J’espère que ça gaze pour vous aujourd’hui, car nous allons plonger dans un milieu déstabilisant fait de violents éclairages au néon et de musique synthétique. Avec Loi brisée nous sommes au cœur des années 80, et pour ne rien arranger dans une comédie adolescente, genre qui au risque de limiter sa durée de vie implique de coller au plus proche des modes pubères de l’époque (seule la rentabilité immédiate primait). On ne présente plus la mode des années 80 en Amérique du nord, particulièrement sujette au kitsch et donc à bon nombre de moqueries. Ou du moins, c’est l’image qu’en renvoient bon nombre de productions de cette époque, trop heureuses de recourir à foison aux critères esthétiques et artistiques du moment pour se faire passer pour “cools” et racoler le public cible. Il y a une large part d’opportunisme et de démagogie là-dedans, et lorsque la mode évolue, il ne reste plus que ce caractère excessivement surfait. Les scénarios étant généralement fort pauvres, que pourrait-il rester d’autre ? Si l’on excepte la musique utilisée pour son générique d’ouverture (l’intemporel Mannish Boy de Muddy Waters), Loi brisée s’oriente tout droit dans cette voie avec une prévisibilité basée sur un scénario mille fois utilisé, et qui est du reste toujours exploité de nos jours.

Pour terminer les vacances d’été en beauté, Jack et son ami David (Carl Marotte et Thor Bishopric), décident de passer la journée au Fun Park. Pas tellement pour les manèges, mais plutôt pour y choper des filles. Si possible les deux filles qu’ils ont aperçues dans le bus, Debbie et Angie (Carolyn Dunn et Rachel Hayward), lesquelles ne demandent qu’à faire connaissance avec ces deux garçons… ou du moins avec Jack, qu’elles convoitent toutes les deux suite à un malentendu. Dans le même temps, trois malfrats recherchent le diamant de la tombola, volé et planqué dans une peluche que Jack a offert à Debbie…

Encore une histoire de puceaux obsédés. Et du moins pour un bon tiers du film sinon plus, Loi brisée enchaîne les lourdeurs inhérentes à ce style d’humour. Entre Jack la grande gueule, David le timide, Debbie la chaudasse rebelle et Angie la sophistiquée, nous ne sortons guère des sentiers battus et rien ne nous invite à se prendre d’affection pour ces quatre jeunes en goguette. On en vient même à les mépriser, essentiellement Jack, dont les blagues sont pour le moins consternantes (un masque à nez en forme de bite et à bajoues en forme de couilles…) et Debbie, pleine de superficialité (sa maman elle est trop nulle, elle veut pas qu’elle se coiffe comme elle veut !). La totale perte de moyens de David devant une femme aux seins nus est également un bien piètre moment de comédie. Quant aux relations entre tous ces personnages, que dire… Il faut aimer suivre les spéculations foireuses sur la drague de deux puceaux écervelés ou être sensible aux ricanements de deux bécasses attendant de voir le loup. Et se montrer particulièrement bon public pour les histoires d’amour afin de vivre pleinement le suspense consistant à savoir qui va sortir avec qui. Une décision qui se joue principalement dans les chiottes, quartier général des filles et des garçons. Lieu intime s’il en est et qui reflète bien toute la subtilité de ces personnages… Enfin, j’imagine qu’il vaut mieux ça que de continuer à suivre Jack et David dans les égouts pour qu’ils puissent regarder les culottes des filles en jupe. Le tout est bien évidemment enrobé de l’esthétique colorée d’une fête foraine des années 80 (une vraie, d’ailleurs : le film a été tourné dans un parc d’attraction de Montréal) et complété par les pitreries d’un petit groupe de bandits ratés (un chef sans charisme, un gros attardé et une potiche) qui peinent à se rattacher au semblant d’histoire. Une mise en scène joliment pensée les rares fois où la situation s’y prête -sur les montagnes russes, chaque couple se livrant à diverses bêtises dans un wagonnet- est très loin de suffire à nous réconcilier avec cette Loi brisée qui s’annonçait très mal et a bien répondu à ces attentes. Le plus grave étant tout de même qu’aucune touche de folie ne vienne sortir ces répliques stupides et ces gags lourdauds de la simple exploitation d’un filon commercial. A ce titre, Loi brisée a apparu assez longtemps -trop, sûrement- comme un simple produit de consommation sans âme.

Et puis sans que l’on ne s’y attende le moins du monde, on finit par y adhérer. Cela ne se fait pas en un clin d’œil, mais progressivement, sans vraiment qu’on ne s’en rende compte. Le contrecoup de l’effet anesthésiant d’un démarrage si racoleur. S’il fallait vraiment trouver une charnière où la vapeur est définitivement renversée, je la placerais à mi-film, lorsque les paires se sont effectivement formées. Jack avec Debbie et David avec Angie. Souvent réservé au dénouement, l’officialisation des couples se fait ici bien plus tôt, et de ce fait le réalisateur James Orr cesse de se concentrer sur la simple drague. Il passe au flirt. Dit comme cela, difficile de percevoir le changement. Pourtant, les personnages, bien que ne montrant jamais un quelconque signe d’intelligence, sont nettement plus appréciables. Ils n’ont plus recours aux gags poussifs d’adolescents en rut et leurs personnalités s’affirment au point que les quatre se situent désormais sur un même niveau, comme une bande d’amis plutôt que comme quatre caricatures ambulantes. Il y a de vrai points d’accroche entre chaque personnage, trouvant leurs racines dans ce qui faisait leur défaut et permettant l’équilibre : David prend confiance en lui pendant qu’Angie ravale ses prétentions, Jack se doit de remballer sa vanité (et ses blagues foireuses) pendant que Debbie transforme ses simples chaleurs en comportement punk et provocateur (plus en phase avec son accoutrement fait maison), non sans transformer également sa niaiserie en petite touche d’innocence qui, ma foi, la rend plus que mignonne. On retiendra ainsi le quasi viol qu’elle inflige à David sur le banc d’un parc, sans bien savoir comment s’y prendre pour une relation sexuelle. Sans que son rôle ne soit plus important que ceux de ses petits camarades, elle leur vole la vedette et sa métamorphose (songeons qu’au début du film elle faisait de l’aérobic en mini short fluo !) est symptomatique d’une comédie passée de putassière à très sympathique. Mais qui n’en oublie pas pour autant de conserver une certaine crudité de ton, sans quoi elle aurait tout aussi bien pu bifurquer vers la bonne morale familiale. Cela coïncide aussi avec le rattachement des trois bandits de l’intrigue principale, source d’un humour qui se rapproche bien plus du cartoon façon Bip Bip et le coyote que de la comédie d’ado baveux. Le kitsch tout en néon et en musique pop / new wave de la fête foraine constitue alors une petite bulle isolée du monde, avec des situations surréalistes menées sur un rythme battant qui ferait presque tout pardonner. Presque, car aussi agréable que se révèle cette petite friandise de Loi brisée, on peut difficilement cautionner son démarrage laborieux, qui se doit d’être subi afin de mieux appréhender la salutaire évolution opérée en cours de route.

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